Le débat de la rédaction – Eric Zemmour à Marseille : une visite pointée du doigt

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Que penser d’Eric Zemmour, désormais officiellement candidat aux présidentielles, et de sa récente visite à Marseille ? Le débat est bien tranché ! Le Méridional a choisi de faire entendre deux voix, justement, pour un « débat de la rédaction ».

Eric Zemmour s’est rendu à Marseille fin novembre avant l’annonce de sa candidature. Se croyant en territoire conquis par ses « idées », il semble avoir été déçu du voyage.

Des clichés sur fond de clichés

Vous attendiez des idées ? Des propositions ? Non ! Eric Zemmour n’est pas venu à Marseille avec un projet politique mais bien pour profiter des clichés créés et entretenus par les médias parisiens pour lesquels il travaille en tant que journaliste.

Il n’y a eu que des photos, un livre à vendre, et beaucoup de critiques et des reproches à distribuer.  Voilà le bilan du court passage d’Éric Zemmour à Marseille ! Ce plan de visite ne pouvait pas marcher. Il fallait prévenir Eric Zemmour qu’il ne débarquait pas dans la série Netflix du même nom mais dans une ville qui a bien d’autres choses à montrer et à offrir.

Marseille, cette ville complexe, passionnante, bouillante même, qui a la particularité d’être aimée ou détestée, parfois les deux dans la même journée. Marseille qui fait vibrer, qui fait réagir ! Qui ne laisse pas indifférent et donne envie d’en devenir acteur et supporter. Marseille, ce carrefour méditerranéen entre l’Orient, l’Afrique et l’Europe. Ce territoire de libre-échange, si stratégique, si porteur, si prometteur pour le monde qui vient.

Une identité incomprise par les Jacobins qui ne veulent toujours « ni laisser faire », ni « laisser passer ». Ce laboratoire de la France qui attend d’être enfin compris par un président… ou même un présidentiable, ou déjà, un candidat.

Cette tribune qu’offre la Cité phocéenne, Eric Zemmour n’a pas souhaité l’utiliser et la valoriser car il n’était pas là pour ça. Il est loin de proposer des solutions concrètes et pragmatiques pour endiguer les problèmes de Marseille et ceux de la France : parmi celles-ci, il faudrait libérer l’économie et donc libérer les individus qui font la France, le faire avec ceux qui font Marseille et avec ceux qui sont la France. Non ! Il était là pour agiter des épouvantails. Et s’il y a bien une chose à ne pas faire ici, c’est bien de prendre les gens pour des simples d’esprit.

Alors, pourquoi avoir choisi Marseille ?

Sans nul doute pour s’inscrire dans la tradition des artistes des années 1900 qui, avant de se lancer dans une carrière nationale voire internationale, venaient se tester à Marseille tant le public était difficile.

Résultat du test : huées pour Eric Zemmour ! Pas vraiment encourageant à l’heure de se lancer dans une carrière nationale ou internationale donc… Il vient en annonçant qu’il veut changer la France à commencer par Marseille, et finit sa première courte journée de visite en automobiliste énervé par une queue de poisson sur le Prado, qui ne trouve rien de mieux que de lever son majeur.

Il y a aussi le retour du mépris affiché à certains de ses soutiens locaux comme Valérie Laupies, cheffe de file de la liste Zou, qui revendiquait pendant les régionales et dans les colonnes du Méridional « son total soutien à Eric Zemmour » dans le cas où il serait candidat aux présidentielles. Ce soutien, qu’en a-t-il fait, Eric Zemmour ? Rien : il a préféré suivre le plan de visite dessiné depuis Paris dans le petit bureau de ses conseillers loin du terrain. Durant les campagnes, les visites permettent généralement de gagner des soutiens, non d’en perdre…

Bref, à la fin de la journée, le public marseillais n’ayant pas demandé de bis, Eric Zemmour s’en est retourné à Paris, montrant que son jacobinisme n’avait peut-être rien à envier à celui de Macron.

Après cette visite la question se pose : cet homme peut-il être un chef d’Etat ?

Le procédé de révélation d’un président suit généralement trois phases : l’adhésion à un constat, la présentation d’une vision et enfin la capacité à porter un projet.

Eric Zemmour, plume acérée, brillant journaliste, polémiste-star, s’est fait un maître du constat. Il y met tout le vocabulaire, les punch lines, les commentaires personnels… il en est devenu le champion de France ! Son statut de journaliste allait de pair avec le besoin d’appartenir à la société civile de celui qui dresse des constats réputés honnêtes qui est capable de se faire porte-parole des autres.

Ensuite vient le moment de devenir un homme politique ; par là, va se faire la transformation en candidat, présentant une vision qui saura être déclinée en programme, que chacun pourra s’approprier. Marseille semblait une belle tribune mais peut être aussi une marche un peu haute pour celui qui n’aura finalement pas présenté grand-chose et qui n’aura donc pas validé cette étape.

L’annonce de candidature est encore fraîche, l’étape des 500 signatures est éludée, et il faudrait déjà voir en lui un homme d’Etat, celui capable de porter un projet, de montrer la direction à un pays et surtout de donner la confiance suffisante aux autres pour mettre en œuvre son plan ?

Il semblerait que le grand éditorialiste, le César de la polémique, prenne le risque d’être un Néron de la politique : celui qui, n’écoutant que trop son goût du feu, brûle les étapes.

Faire campagne et gouverner sont deux exercices très différents. Souffler sur des braises ne permet pas toujours d’entretenir de belles flammes et Monsieur Zemmour semble davantage fasciné par les feux qu’il allume que par l’avenir de la France dans le monde.

Emmanuel Macron a bien montré que gagner est une chose et que gouverner en est une autre. Les prochains mois nous diront si le candidat Zemmour possède le feu sacré qui lui permettra de gouverner tous les Français ou s’il a simplement l’envie de mettre le feu, le temps d’une campagne…

Une chose est sûre, je regrette qu’Éric Zemmour ne vive pas cette campagne en polémiste, il y a là moins de risques à jouer avec le feu !

Coralie JAUSSAUD, secrétaire générale du Méridional