« La perversion de la démocratie commence toujours par la fraude des mots », a dit Platon. Il avait diablement raison. Confucius aurait dit, lui aussi, que pour remettre de l’ordre dans le pays, il fallait écrire un dictionnaire définissant clairement le sens des mots. Un économiste de renom qui prétendrait aujourd’hui vulgariser la science économique en se fondant sur les critères de la « novlangue » ou du « néo-parler » pressentis par Orwell trahirait sa mission pédagogique et ne ferait qu’embrouiller les esprits.
> A voir aussi : « A vrai dire », la chronique éco de Pierre Dussol : Emploi / Responsabilités / Privilégiés
Pierre Dussol, professeur d’économie honoraire à Aix-Marseille-Université, a compris depuis belle lurette les méfaits de la torsion des mots sur la désorientation et le vide des esprits. En véritable « redresseur de tors », il a décidé de reprendre les définitions de base qui permettent de mieux décrypter les habillages et autres artifices du politiquement correct.
Pierre Dussol est en train d’achever pour son plaisir et le nôtre un ouvrage roboratif dans lequel il se livre à un décodage de définitions économiques plus proches de la vérité que celles qu’on pilonne dans les médias pour les rendre vraisemblables. Il ajoute à la pertinence du verbe les sarcasmes de la gaîté.
Son livre-dictionnaire est promis à un certain retentissement car Dussol opère comme un chirurgien avec une plume-scalpel qui martyrise en souriant les vassaux de la pensée économique obligatoire.
Cette œuvre salutaire a le mérite de restituer aux mots leur sens initial sans le moindre travestissement idéologique. Pierre Dussol, professeur agrégé d’économie, a accepté d’en livrer certains extraits en exclusivité au Méridional au fil d’une chronique hebdomadaire intitulée : « A vrai dire ».
José D’Arrigo
Voici trois mots, suivant ceux de la semaine dernière. D’autres suivront régulièrement. Vos commentaires et suggestions sont évidemment les bienvenus.
« BOMBARDEMENT » MIGRATOIRE ?
N’accusons pas la Biélorussie d’avoir voulu le bien des malheureux « migrants » qu’elle a fait venir pour les masser à sa frontière avec la Pologne. Il s’agit d’une opération de pression politique sur l’Europe et les Biélorusses ont pensé bien à tort que la Pologne était un point faible.
Ce goût pour envahir l’Europe est un hommage rendu à notre civilisation, du moins nous le comprendrons ainsi, mais le « droit d’envahir les autres » n’existe pas.
Cette basse manœuvre politique joue sur la supposée faiblesse des Européens et surtout abuse honteusement de la détresse des « migrants » importés et reversés à nos frontières. Rien de surprenant, mais c’est une innovation qui suit celle de la Turquie qui se fait payer pour « garder » les migrants chez elle.
Mais sur le fond, pourquoi tant de candidats à l’émigration ? Nous retrouvons la responsabilité personnelle, en l’espèce la « responsabilité démographique ». Les migrants viennent de pays où les ressources ne sont pas suffisantes pour nourrir les populations. Alors pourquoi une telle expansion démographique ?
Les parents sont les premiers responsables des enfants qu’ils font naître et il est criminel qu’ils mettent au monde des enfants dont ils savent qu’ils vont souffrir de la faim. L’expansion démographique dans les pays pauvres est purement absurde. On voit même une natalité très forte dans les camps de migrants « retenus » par la Turquie.
Si la rencontre se fait entre les humains irresponsables qui se multiplient dans des pays sans ressources et les trafiquants cyniques qui les utilisent comme arme de guerre, la catastrophe se produit inévitablement. Nous y sommes.
Nous ne devons être complaisants, à aucun niveau de ce mécanisme. En plus il paraît que parfois, des terroristes se glissent dans la foule des migrants. Ah bon ?
INDUSTRIE
Les petites incantations des visiteurs politiques du salon « made in France » concernent un sujet très sérieux : la perte de notre industrie. Si l’on rappelle ce qui fait qu’existe une industrie puissante et stable, les « Politiques » devraient saisir cette occasion de se taire.
Revue.
Premier point, pour commencer, dans l’industrie il faut de l’argent.
L’industrie demande, au démarrage, des investissements préalables, donc de l’argent et une vue des marchés futurs. L’innovation est toujours risquée.
Malheureusement, si l’impôt progressif confisque les hauts revenus, qui investira ? Quand le président Reagan a voulu faire redémarrer l’économie américaine, c’est l’une des premières réformes qu’il a faites : laisser l’argent à ceux qui l’ont gagné !
Dès le démarrage, donc, il y l’obstacle de la spoliation des revenus qui pourraient s’investir !
Pendant tout le XIXème siècle et jusqu’à l’entre-deux-guerres la France, pays connu comme inventif, disposait d’un tissu industriel dense et solide, comportant de grands groupes, appuyés sur une foule de petites et moyennes entreprises.* Il n’y avait pas alors d’impôt sur le revenu et peu de droits de succession. Ces entreprises affrontaient uniquement les incertitudes du marché, et peu celles de la politique.
Second point : après avoir investi, il faut gérer. Pourquoi a-t-il fallu que le monde politique ajoute tant d’obstacles à la gestion comme le blocage des prix à certaines périodes (1945-1988) la pression fiscale croissante à tout moment – notamment les fameux « impôts de production » -, le droit du travail complexe et « orienté anti-patrons », la bureaucratie de plus en plus pesante ?
En outre, ces règles changent tout le temps : cela ajoute une incertitude à celles du marché et le métier des chefs d’entreprise est de les gérer. En revanche l’instabilité règlementaire elle, n’est pas gérable : l’impôt sur les bénéfices des sociétés a changé des dizaines de fois en vingt ans, l’impôt dit « sur la fortune » a changé aussi, même parfois en bien, mais il n’est jamais garanti qu’il n’y aura pas de retour en arrière. L’idée même de cet impôt est contraire au droit de propriété et à toute vision patrimoniale. L’idée, hélas, reste dans les esprits.
A cause des « initiatives politiques » et des lois et règlements qui s’ensuivent, il est anormalement difficile de prévoir à long terme. Or l’industrie a besoin de vue à long terme.
Troisième point : pour que l’entreprise dure dans le temps, il faut pouvoir la transmettre. Là , c’est un massacre : les droits de mutation et les droits de succession s’abattent sur l’entreprise et ses propriétaires : qui, sinon les politiques, en est responsable ?
Au lieu de faire leurs tournées mondaines dans le salon du « made in France », nos politiques devraient se poser la question de leur responsabilité dans le désastre. Ils devraient se demander pourquoi le déclin a eu lieu chez nous et pas ailleurs, comme en Allemagne et en Italie par exemple. Ils devraient se pencher sur la culture anti-entreprise et anti-patrons, sur le mépris des métiers techniques qui polluent notre enseignement, sur l’irruption des hauts fonctionnaires parachutés à la direction des entreprises alors que partout ailleurs les patrons sont issus de l’Entreprise et non parachutés depuis l’Administration ….
Un beau chantier pour les futurs gouvernants [A suivre].
* Cela est fort bien décrit dans certains chapitres de « L’Oxford Economic History of Europe », écrits par un historien français qui n’avait pas trouvé place dans un ouvrage français !
TAXE FONCIERE / TAXE D’HABITATION
Une taxe, contrairement à un « impôt » est un prélèvement public affecté à un usage précis et connu : ici, financer les services locaux. La « taxe sur les ordures ménagères » est un bon exemple compris de tous.
Le niveau de ces taxes peut se discuter et d’ailleurs il est voté par les conseils municipaux, mais l’objet ne fait pas de doute. On peut faire le parallèle avec des charges de copropriété.
Il est sain que les citoyens sachent pourquoi ils payent et pour les services locaux, c’est évidemment plus facile. Les élus sont à portée de voix des contribuables. Un ancien Premier ministre disait « à portée de baffe des électeurs ». Il y a donc responsabilité des citoyens et des élus, et indépendance financière relative des pouvoirs locaux, ceux qui sont les plus proches des citoyens.
Une idée stupide inspirée par la logique de la spoliation a été d’envisager de subordonner les taxes locales aux revenus des contribuables. Certainement pas : il faut que chacun prenne sa part des coûts, pas davantage.
L’actuel président de la République supprime progressivement la Taxe d’habitation. Or, c’était l’un des prélèvements parmi les plus compréhensibles. Ce n’est certainement pas cette taxe qu’il fallait supprimer. Pourtant, l’effet démagogique est très réussi tant il est vrai qu’il est plus aisé de baisser un bras que de lever l’autre ! Aller vers le bas est très facile.
L’autre versant est encore moins glorieux. D’abord, les collectivités locales « se rattrapent » en augmentant la taxe foncière qui frappe les propriétaires : bien vu aussi ce coup de bonneteau dans l’optique démagogique. Surtout, l’Etat ayant promis de « compenser » la perte de recettes due à la suppression de la Taxe d’habitation, tient encore davantage les collectivités locales sous sa dépendance. Les « compensations » tardent à venir, sont moins élevées que la perte encourue et donc l’Etat est en position de force.
Il est fort probable que c’était là l’objectif réel et c’est assez rusé de l’avoir atteint par une mesure qui a acheté beaucoup d’électeurs. La morale politique y a-t-elle gagné ?