« A vrai dire », la chronique éco de Pierre Dussol (6) : Emploi / Responsabilité / Privilégiés

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« La perversion de la démocratie commence toujours par la fraude des mots », a dit Platon. Il avait diablement raison. Confucius aurait dit, lui aussi, que pour remettre de l’ordre dans le pays, il fallait écrire un dictionnaire définissant clairement le sens des mots. Un économiste de renom qui prétendrait aujourd’hui vulgariser la science économique en se fondant sur les critères de la « novlangue » ou du « néo-parler » pressentis par Orwell trahirait sa mission pédagogique et ne ferait qu’embrouiller les esprits.

> A voir aussi : « A vrai dire », la chronique éco de Pierre Dussol (5) : Complexité / Progressivité / Collectivisme

Pierre Dussol, professeur d’économie honoraire à Aix-Marseille-Université, a compris depuis belle lurette les méfaits de la torsion des mots sur la désorientation et le vide des esprits. En véritable « redresseur de tors », il a décidé de reprendre les définitions de base qui permettent de mieux décrypter les habillages et autres artifices du politiquement correct.

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Pierre Dussol est en train d’achever pour son plaisir et le nôtre un ouvrage roboratif dans lequel il se livre à un décodage de définitions économiques plus proches de la vérité que celles qu’on pilonne dans les médias pour les rendre vraisemblables. Il ajoute à la pertinence du verbe les sarcasmes de la gaîté.

> A voir aussi : « A vrai dire », la chronique éco de Pierre Dussol (4) : Fraude / Chômage / Relance

Son livre-dictionnaire est promis à un certain retentissement car Dussol opère comme un chirurgien avec une plume-scalpel qui martyrise en souriant les vassaux de la pensée économique obligatoire.

Cette œuvre salutaire a le mérite de restituer aux mots leur sens initial sans le moindre travestissement idéologique. Pierre Dussol, professeur agrégé d’économie, a accepté d’en livrer certains extraits en exclusivité au Méridional au fil d’une chronique hebdomadaire intitulée : « A vrai dire ».

José D’Arrigo

Voici trois mots, suivant ceux de la semaine dernière. D’autres suivront régulièrement. Vos commentaires et suggestions sont évidemment les bienvenus.

EMPLOI

Idée reçue des étatistes, « il faut créer des emplois ». C’est mieux que d’en détruire. Mais après ?

En bonne économie, il y a des emplois – salariés et non salariés – quand des besoins de clients solvables trouvent en face d’eux des producteurs efficaces. Les entreprises embauchent pour répondre aux besoins des clients et gagner leur vie ainsi.

Oui, mais…. Trouve-t-on des personnes disposées à travailler et compétentes ? Pas toujours. Un célèbre politicien au pouvoir depuis bientôt cinq ans vient de découvrir du haut de son Olympe que le montant de certaines aides aux sans emploi dépassait ce que ceux-ci pourraient gagner en travaillant. C’est bien mais c’est un peu tard car le phénomène avait déjà été dénoncé dans les années trente … Des mesures auraient dû être prises bien avant.

Evoquons aussi les compétences acquises dans l’enseignement. Est-on certain qu’elles soient appropriées ? La moitié des étudiants sont dans des filières littéraires ou sciences politiques alors que l’on manque de bons ingénieurs (il y en a, mais pas assez). 26% d’étudiants en sciences seulement. L’apprentissage et les métiers techniques sont insuffisamment prisés.

Ensuite, il faut des employeurs et là, il y aurait à faire et on ne fait rien. Les complexités bureaucratiques (droit du travail, droit fiscal, droit de l’urbanisme et de la construction ..) sont toujours aussi décourageantes. Des mesurettes sont prises, mais le climat culturel traduit dans les règlementations est hostile à l’entreprise, surtout si elle est familiale. Il ne sert à rien de diminuer le taux de taxation des transmissions d’entreprise, par exemple, il faut supprimer toute idée qu’un tel impôt existe. Vouloir que des emplois se créent en persécutant les employeurs est une sottise économique de plus.

Dernière illusion dangereuse : l’embauche de fonctionnaires pour diminuer le chômage. C’est bien aimable, mais un emploi de fonctionnaire est financé par de l’argent prélevé sur l’économie marchande. S’il n’est pas absolument prouvé que le fonctionnaire rend des services d’une valeur supérieure à ce qu’il coûte en prélèvements, il ne faut pas l’embaucher. Il existe donc des fonctionnaires parfaitement utiles mais cela a des limites. Un fonctionnaire embauché fait disparaître un chômeur dans l’immédiat visible, mais il engendre des prélèvements qui empêchent l’embauche d’un salarié « productif », voire plus. Cela ne se voit pas tout de suite.

Dans une économie saine, inutile d’arroser avec de l’argent public, il faut lever les obstacles.

RESPONSABILITÉ

Ce qui sépare fondamentalement la Droite de la Gauche en économie est le rôle de la responsabilité personnelle comme point de référence. Sur beaucoup de sujets relevant simplement des règles de vie dans une société civilisée, l’une et l’autre sont assez en accord, sauf sur le fait que pour la Gauche il faut toujours s’en remettre d’abord à la Société. Littéralement, le « socialisme » est la doctrine de la prépondérance du « social » sur le personnel. Pour le dire plus brutalement, car cela finit bien ainsi, le socialisme, en économie, c’est tout faire avec l’argent des autres. On comprend que bien des politiques y trouvent leur compte (voire leurs comptes).

PRIVILÉGIÉS

Tous ceux qui ont des ressources sans les avoir vraiment méritées.  Bien plus de pauvres que de riches en fait. 

Ceux qui ont de petits revenus sans les mériter sont à coup sûr privilégiés. La « justice sociale » serait qu’il y en ait extrêmement peu, voire pas du tout. Cela démoralise les suivants.

S’emploie en effet souvent, à tort pour désigner ceux qui ont des revenus plus élevés, surtout quand ils les ont gagnés par leurs talents. Le talent, la compétence, voilà les ennemis !