Louis VIII, un roi lion trop oublié

Portrait de Louis VIII faisant partie de la série des Portraits de Rois de France commandés entre 1837 et 1838 par Louis Philippe © WKMC

Comme souvent, on ne sait pas exactement à partir de quelle date le fils de Philippe Auguste fut surnommé « le Lion ». Toujours est-il que, pour une imagination populaire qui a tôt fait de se souvenir de ses monarques en allant « droit au but » (Charles VI le Fol, Louis X le Hutin – « l’entêté », Louis VI le Gros…), elle semble aussi flatteuse que méritée. Pourquoi l’Histoire courante a-t-elle alors si peu mis en valeur son personnage ? Dans Le Lion de France, l’histoire épique du roi Louis VIII, un ouvrage à la fois documenté et accessible, Flavien Dupuis nous en livre les raisons.

Mille deux cents jours (1223-1226) : c’est le record du règne le plus court d’un roi capétien. Ajoutez à cela que Louis le Lion est fils de Philippe Auguste, père de saint Louis et mari de Blanche de Castille : on comprend déjà mieux comment ce personnage a pu tomber dans l’ombre. La postérité « accorde toujours, et cela est normal, une prime importante à la longévité et à l’éclat ».

Mais cela ne signifie pas qu’il n’a pas joué de rôle important dans l’histoire du royaume. Né en 1187, Louis grandit à Paris aux côtés d’un père au caractère méfiant, qui n’associe pas son fils à la gouvernance du royaume. Pour autant, Louis acquiert une certaine expérience des responsabilités. A une époque où tout est politique, la France est en train de s’unifier géographiquement, juridiquement et linguistiquement.

En 1212, Louis s’empare de Saint-Omer et d’Aire-sur-la-Lys : il évite ainsi la constitution d’un comté de Flandre qui serait redoutable. Deux ans plus tard, en faisant fuir l’armée de Jean sans Terre à la Roche-aux-Moines, dans le Poitou (une « fuite à l’anglaise »), il déjoue le piège des ennemis du royaume. Les relations avec les Anglais sont changeantes ; lorsque les barons anglais révoltés contre le roi Jean sans Terre demandent son aide à Louis en échange de la couronne, il traverse la mer avec son armée et marche sur Londres. Mais Jean sans Terre meurt, et les barons préfèrent redonner le pouvoir au fils de celui-ci. Louis est battu sur mer.

© WKMC

Louis accède au trône à la mort de son père en 1223. Fruit d’une politique habile, son règne très court verra tout de même le pouvoir royal étendu au Poitou et au Languedoc. En 1226, sa croisade contre les Albigeois (hérétiques du Languedoc) dans le sud est un succès : il parvient notamment à enlever la forteresse d’Avignon. C’est pourtant sur le chemin de son retour à Paris qu’il mourra à 39 ans, vaincu par une maladie.

Bien que les témoignages ne soient pas nombreux, on découvre tout de même Louis le Lion comme un homme à la personnalité charismatique, ardent au combat et loyal. Mais aussi – et c’est aussi par ce biais sans doute qu’il s’est si bien entendu avec son épouse Blanche de Castille – comme un grand lettré et amoureux des arts.

A sa mort, le futur Louis IX n’a que 12 ans. En attendant qu’il lui succède, c’est donc Blanche de Castille qui assure une régence retenue par la postérité.

Le livre de Flavien Dupuis est documenté sans être pédant, accessible sans être simpliste. Il contextualise très bien l’époque, mais fait aussi une place au côté humain de l’histoire, par des scènes d’ « imagination raisonnée ». La discipline serait sans aucun doute décourageante par son aridité, sans cet équilibre entre faits et imagination.

Si Louis VIII reste malgré lui victime d’un règne trop court et de parents trop célèbres, Flavien Dupuis nous le montre surtout comme un homme pénétré de l’importance de sa mission. Comme le souligne l’auteur, si l’Angleterre a son « Richard Cœur de Lion », la France a, elle aussi, son « Louis VIII le Lion ».

Jeanne RIVIERE

Le Lion de France, l’histoire épique du roi Louis VIII, Flavien Dupuis, éditions du Cerf, 20€, septembre 2021.