C’est reparti pour les croisières : le 4 juillet prochain, les premiers passagers de MSC Croisières et de Costa pourront embarquer à Marseille en observant un protocole sanitaire strict. Le port accueillera cet été 39 escales en juillet et août avec une jauge maximale de 5000 passagers, c’est-à-dire deux navires en simultané. Jean-François Suhas, président du Club la Croisière et président du Conseil de développement du grand port maritime de Marseille, se félicite de ce redémarrage tant attendu, mais il souhaite que ses relations avec la mairie se normalisent et que les « écolos-bobos » aient une vision moins sectaire du tourisme à Marseille.
Le Méridional : Jean-François Suhas, quelles sont les précautions sanitaires que vous allez prendre pour protéger vos passagers et vos équipages ?
Jean-François Suhas : Les mesures que nous avons adoptées avec l’Agence Régionale de Santé, les marins- pompiers, les services de l’immigration et les compagnies sont les suivantes : tests avant l’embarquement, prise quotidienne de température, bulle sanitaire pour les excursions, échelonnement des horaires d’embarquement pour éviter les files d’attente et réduction de la capacité des navires à 70 % de passagers à bord. Grâce à la circulation basse du virus et à nos procédures étanches, nous sommes très confiants pour cette reprise.
LM: Pourquoi entretenez-vous des liens exécrables avec les nouveaux élus de la ville de Marseille ?
Parce que le nouveau maire et son adjoint au tourisme affichent leur hostilité au « sur-tourisme » et voudraient réduire une activité de croisière qui est une véritable aubaine économique pour notre région. La mairie souhaite un tourisme qualitatif respectueux de l’environnement mais c’est exactement ce que nous proposons avec le développement du concept de croisière durable, responsable et acceptée par les Marseillais.
LM : Est-ce que cette activité croisière rapporte vraiment de l’argent ?
Bien sûr que oui. Une étude commandée par l’Etat en 2017 le prouve amplement mais ses résultats sont contestés par certains élus. En 2019, l’activité croisière a rapporté 375 millions d’euros sur le territoire Marseille-Provence dont 50 millions issus des activités des prestataires portuaires, 79 millions d’euros liés aux dépenses des passagers en escale, et 246 millions résultant des impacts induits. En outre, l’activité croisière mobilise 2000 emplois à temps plein et si l’on ajoute les emplois du « Ponant », ceux liés à la réparation navale et ceux relatifs à l’exploitation des escales, on arrive à 3000 emplois.
LM : Combien d’escales comptez-vous opérer cet été sur le port de Marseille ?
Nous comptons opérer 39 escales entre le 15 juillet et le 24 août et d’ici à la fin de l’année, un total de 150 à 200 escales, soit la moitié des escales accueillies lors d’une saison normale.
LM : Quels sont les professionnels concernés par le développement des croisières à Marseille ?
Vous en avez une quantité : je ne parle pas seulement des dockers qui déchargent les navires ou des avitailleurs qui le fournissent en carburant, eau, nourriture, mais aussi des porteurs de bagages, des agents de réception pour les formalités d’embarquement, des agents de réparation navale, des policiers et des marins-pompiers, des lamaneurs et des remorqueurs qui aident à l’amarrage et au stationnement des navires, sans oublier les cafetiers, restaurateurs, guides, petits trains et bus de tourisme, guides, excursionnistes, bateliers, taxis, vignerons, autocaristes, loueurs de voitures, agents de voyages, pilotes maritimes, et j’en oublie.
LM : Certains vous accusent d’être à la solde des compagnies de croisières : qu’en est-il exactement ?
C’est une hérésie, c’est une diffamation pure et simple : je suis bénévole. Chacun peut le vérifier. Je suis un homme de dialogue et je parle à tout le monde. J’ai contribué à la mise en place de la Charte Bleue qui anticipe sur la réglementation en vigueur : elle prévoit le branchement électrique des navires à quai dès 2025, l’utilisation du carburant désulfuré, le Gaz Naturel Liquéfié, et les pots catalytiques dès l’entrée dans la zone de régulation où l’on circulera à dix nœuds.
LM : Avez-vous résolu les embouteillages de touristes sur le site de Notre Dame de La Garde ?
Oui. Nous avons limité les visites à 4 cars de touristes par demi-journée et par armateur pour apaiser les flux et tranquilliser les riverains.
LM : Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de « sur-tourisme » ?
Je réponds que Marseille n’est ni Barcelone, ni Venise, ni Dubrovnic, ni Santorin. Je réponds que la croisière anime le port, crée des emplois et ramène du cash à la ville. J’aimerais que l’adjoint au tourisme, au lieu de proposer de nouvelles études onéreuses soit en capacité d’agir pour le bien-être des Marseillais en gardant une ville ouverte sur le monde. Faudra-t-il en arriver à l’absurdité que le port s’excuse de faire rentrer des bateaux ?
LM : N’êtes-vous pas prisonniers d’une certaine image de marque des croisières qui seraient réservées à une caste privilégiée ?
Cette vision est passéiste : l’activité des croisières s’est largement démocratisée et nous nous félicitons du retour cet été de la clientèle américaine, celle qui dépense le plus d’argent sur place. Je voudrais que cesse ce ping-pong inutile avec certains démagogues de la mairie. Dans leur système, soit on se plie, soit ils vous éliminent. Mais je suis bénévole, je n’ai rien à craindre d’eux. Avec M. Félizia ou M. Barles on peut parler, ils vous écoutent et comprennent clairement les enjeux, d’autres sont plus obtus, ce sont de simples apparatchiks et ils ont les œillères de leur idéologie. Mais je suis tenace : j’arriverai bien un jour à leur faire entendre raison.
Propos recueillis par José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional