Le tribunal judiciaire de Marseille a condamné ce 28 mai Alexandre Guérini à une peine de six ans de prison ferme, cinq ans d’interdiction de gérer toute entreprise, cinq ans de privation de ses droits civils et civiques. Il devra se présenter lui-même à l’établissement carcéral chargé de l’exécution de sa peine. Son frère Jean-Noël Guérini a été condamné à trois ans de prison, dont dix-huit mois assortis d’un sursis, et 30 000 euros d’amende. Sa peine sera aménagée en une « détention à domicile » avec le port obligatoire d’un bracelet électronique. Les huit millions d’euros saisis sur les comptes off-shore des Guérini seront confisqués par la justice.
Après plusieurs semaines d’un procès qui a défrayé la chronique correctionnelle fin mars début avril à Marseille, les procureurs Patrice Ollivier-Maurel et Dominique Perrin avaient requis contre Alexandre Guérini, dit « Monsieur Frère », une peine de huit ans de prison ferme avec mandat de dépôt à la barre, une amende de 500 000 euros, une interdiction de gérer une société civile ou commerciale durant cinq ans, ainsi que la confiscation de sommes très importantes saisies sur ses comptes off-shore.
Contre Jean-Noël Guérini, sénateur socialiste et ancien président du Conseil général 13, les magistrats avaient requis une peine de quatre ans de prison dont deux avec sursis, une inéligibilité de cinq ans, 70 000 euros d’amende, la privation de ses droits civils et civiques durant cinq ans. Les avocats des prévenus, eux, avaient plaidé la relaxe de leurs clients.
Les frères Guérini étaient accusés d’abus de biens sociaux, de trucage des marchés publics, de favoritisme, de destruction volontaire de preuves, de prise illégale d’intérêt, d’usage d’une collectivité à des fins personnelles, ainsi que de pressions et intimidations sur certains témoins.
Pour clarifier ce maquis d’infractions, après douze ans d’investigations, les magistrats avaient scindé le déroulement des audiences en cinq parties : 1, les infractions relatives au centre de la Vautubière de 1999 à 2006, 2, les infractions au centre du Mentaure de 2006 à 2011, 3, les abus de biens sociaux de 2006 à 2009, 4, le favoritisme au sein de la Métropole Marseille-Provence de 2008 à 2009, 5, la destruction des ordinateurs du Conseil général des Bouches-du-Rhône le 13 novembre 2009.
« Ce dossier affiche judiciairement ce que l’on subodorait par la rumeur, ont affirmé les procureurs : clientélisme, entrisme, affairisme, favoritisme, opportunisme, immobilisme, ce duo fraternel était surtout un duo d’intérêts. »
« Un évident duo d’intérêts«
Pour empêcher le juge d’instruction de faire prospérer l’enquête, les avocats des frères Guérini n’ont cessé de bétonner la procédure. Mais ces manœuvres dilatoires n’ont pas découragé les procureurs soucieux de faire éclater la vérité.
- « Les frères Guérini sont réunis dans une communauté d’intérêts qui ont fait du clientélisme un mode de gouvernance permettant à l’aîné Jean-Noël de satisfaire ses ambitions politiques et au cadet Alexandre d’engranger des profits considérables », ont-ils révélé.
- « Les élus déviants doivent rendre des comptes aux citoyens, aux victimes et à la justice dépositaire de l’intérêt public. Les condamner, c’est faire triompher la démocratie locale et éduquer le citoyen au caractère précieux du bien public. On ne peut plus aujourd’hui faire campagne avec un carnet de chèques dans une main et un révolver dans l’autre. »
- « Jean-Noël Guérini se targue d’une droiture exemplaire, mais vous devrez conclure à l’inverse, ont-ils recommandé. Il a fait preuve d’une malhonnêteté caractérisée. C’est un spécialiste expérimenté de la chose publique qui a utilisé ses fonctions pour son intérêt personnel. »
- « Il a même poussé l’audace jusqu’à co-déposer une proposition de loi visant à prévenir les conflits d’intérêts. Il s’agissait d’établir ce délit dès qu’on favorise une entreprise pour l’obtention d’un marché public… Il y a des combats pour lutter contre les conflits d’intérêts qu’il faut d’abord s’appliquer à soi-même ! Ce comportement déviant d’un individu qui jouissait de pouvoirs étendus n’a aucune excuse ! »
Quant à son frère Alexandre, lui, « il se permet de déstabiliser les institutions au gré de son intérêt personnel », ont fait observer les procureurs. « Ce monsieur, il lui fallait une cour à sa dévotion. Il fallait être jour et nuit à son entière disposition. Quand il vous donne quelque chose, il cherche aussitôt à le reprendre. Il pense être le Roi- Soleil mais les faits qu’il a commis sont d’une gravité exceptionnelle et il n’est pas possible de transiger. »
La présidente Céline Ballerini n’a pas du tout transigé : la loi c’est la loi, à Marseille comme ailleurs, et les magouilleurs socialistes devront s’en souvenir.
José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional