Détection du Covid : pourquoi dédaigner les chiens ?

Travail d'un chien sur la ligne de cônes d'olfaction à l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort © DR

Il y a quelques jours, le maire de Marseille Benoît Payan rencontrait l’équipe cynophile des marins-pompiers de Marseille : « Marseille a désormais une nouvelle alliée dans la lutte contre le Covid-19 » twittait-il, parlant d’un berger hollandais capable de détecter les personnes malades. Pourquoi n’utilise-t-on pas davantage cette méthode au niveau national ? Le Professeur Dominique Grandjean, enseignant-chercheur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, est un spécialiste de la question. C’est lui qui est à l’origine du projet Nosaïs-Covid19, qui forme des chiens détecteurs de Covid et évalue leur efficacité. Il ne comprend pas le manque d’implication du gouvernement français.

Les chiens dressés à la cyno-détection font partie du paysage : on les entrevoit parfois aux douanes, aux aéroports ou lors d’événements publics. En France, ils sont environ 2000. Mais ils sont aussi efficaces dans le domaine médical. En effet, les personnes malades dégagent une certaine odeur : le chien est à même, après une formation, de la mémoriser et de la repérer. Fascinant, non ?

Passionné par le sujet de la cyno-détection, le Professeur Dominique Grandjean a eu l’occasion d’expérimenter la méthode, durant les trente ans passés comme colonel chez les sapeurs-pompiers. Il n’a pas attendu longtemps pour attaquer le chantier de la détection du Covid-19 : dès le début du mois de mars 2020, il mobilise les équipes et part même pour l’étranger, afin de répondre aux premières demandes de conseils. Son projet Nosaïs-Covid19 (démarré il y a quatorze mois) se fonde sur des études précises et sérieuses, et émet des résultats probants. L’OMS les a d’ailleurs rapidement mis en avant.

Noona, la mascotte de un an du projet Nosaïs © DR

Concrètement, comment se passe un test de cyno-détection ? Un chien (certaines races sont privilégiées, comme les bergers belges malinois ou les bergers hollandais) dressé à reconnaître l’odeur particulière des malades du Covid-19, renifle une compresse préalablement glissée sous l’aisselle du patient. Suivant la façon dont il a été dressé, le chien réagit en s’asseyant, en se couchant, en aboyant etc. selon que la personne est positive ou négative. Une quinzaine de chiens sont formés à détecter le Covid en France.

La méthode a fait ses preuves. Un exemple ? Il est arrivé que des chiens identifient comme positives des personnes ayant pourtant reçu un test PCR négatif. Après vérifications auprès de l’hôpital, il s’est avéré que les patients étaient en effet infectés ! Chaque « test chien » coûterait seulement 1€… rien à voir avec ce que coûtent actuellement les tests utilisés en routine. Un chien pourrait faire jusqu’à 200 contrôles par jour. 

Détection sur le terrain durant la course de traineau Lekkarod 2021 à Chamrousse (38) © DR

Pour le Professeur Grandjean, il est inconcevable que le gouvernement français ne réagisse pas : « On ne comprend pas cette absence d’engagement, nous dit-il d’un ton où perce l’amertume. Ici, on s’est immédiatement mobilisés et on a envoyé tous les résultats de nos analyses. » S’agirait-il d’une mauvaise volonté de la part de l’Etat ? D’autres pays ne s’y sont pas trompés : dès le mois de mars, Dominique Grandjean est appelé au Liban pour exposer ses recherches. Les sollicitations se multiplient : Emirats arabes unis, Amérique du Sud, Etats-Unis… Le projet Nosaïs est exporté dans plus d’une trentaine de pays. D’autres utilisent des méthodes différentes de cyno-détection du Covid. Aujourd’hui un certain nombre de pays (Salvador, Honduras) sont demandeurs de formation à la cynodétection. « Aux Emirats arabes unis, détaille le Professeur, il y a quatre-vingts chiens opérationnels, qui reniflent non seulement aux aéroports, mais se déplacent avec les équipes dans les villages. C’est extrêmement efficace ! « 

Un chien au travail sur la ligne de cônes d’olfaction à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort © DR

En France, les unités ne sont pas très réactives. Au début de la crise, l’école vétérinaire d’Alfort finançait ses recherches sur ses propres lignes budgétaires. Puis elle a bénéficié du soutien d’entreprises privées. Si le gouvernement français ne réagit pas, les chercheurs sont décidés à convaincre l’OMS de financer les formations des chiens pour les pays plus pauvres. « On est davantage reconnu à l’étranger qu’en France, conclut Dominique Grandjean. Si ça continue comme ça, on arrêtera les recherches, pour avancer nos autres projets. » Quels sont-ils ? La détection des cancers de la prostate et de la vessie entre autres, pour lesquels il n’existe aujourd’hui aucun moyen de dépistage.

Jeanne RIVIERE