Comment peut-on recenser exactement le nombre d’andouilles qui manifestent pêle-mêle dans les rues du centre-ville lorsqu’ils sont grimés comme des clowns ou des paillasses ? Comment peut-on juger l’inconscience de frondeurs libertaires qui bravent toutes les interdictions et s’affranchissent de toutes les mesures sanitaires ? Ce sont pour la plupart des gaucho-bobos de la Plaine, de Noailles et des Réformés, ceux qui ont porté leurs ouailles à la mairie de Marseille. Finalement, les élus socialistes et Verts de Marseille ont les soutiens collectifs qu’ils méritent…
On ne va pas épiloguer sur ce cortège festif interdit : il illustre hélas tous les travers de notre société. Une manifestation interdite ? Allez, nous on s’en fout, on est des anars, on est de La Plaine, on y va quand même ! Les policiers qui étaient présents pour disperser la manifestation en raison des dangers sanitaires évidents résultant de cette gigantesque promiscuité ne sont pas intervenus car ils craignaient à juste titre des incidents graves. Les élus printaniers, eux, ont brillé par leur absence. Surtout le maire socialiste qui a fini par s’indigner vers vingt-trois heures, comme s’il avait cogité pendant des heures pour savoir comment condamner cette manifestation sans avoir l’air de trop la condamner quand même.
Tout se passe comme si les pouvoirs publics avaient laissé faire les animateurs de cette « Corona-Pride » défiant ouvertement les gestes barrières (port de masques chirurgicaux, distances à respecter entre les gens, embrassades, étreintes, etc.) On en reste baba.
Les médias parisiens font évidemment leurs choux gras de cette rébellion marseillaise et ils font des vocalises sur « Marseille la rebelle », la ville qui montre l’exemple de l’irresponsabilité, de la fronde contre le pouvoir sanitaire, la ville qui a franchi « le seuil d’acceptabilité ». Et voilà de nouveau Marseille clouée au pilori à cause d’une bande de gagas qui démolissent du mobilier urbain, incendient des caméras de surveillance ou des poubelles et vandalisent des manèges d’enfants. Il a bon dos le « Caramantran »…
Dans ma jeunesse, quand je faisais l’andouille ou que je m’habillais comme un singe vert, ma mère me lançait souvent : « José ! Arrête de faire le Caramantran ! »C’est un peu ce que j’ai envie de dire à mon tour à ces tristes pitres carnavalesques. Si cette manif avait été conçue comme une forme d’exorcisme bon enfant, respectant les distances de sécurité et le port du masque, et finissant par brûler l’effigie du Caramantran comme un symbole du virus dévastateur, pourquoi pas ? La police n’y aurait vu que du feu et la maintenance d’une tradition ancienne.
Ce qui choque le plus parmi ces bravaches vénitiens, ce sont les casseurs qui ne respectent rien et cassent tout sur leur passage. Ce qui choque aussi, c’est l’impuissance volontaire des forces dites de l’ordre qui avouent leur incapacité à agir pour disperser l’attroupement. Comme le soulignent justement Renaud Muselier et Martine Vassal, l’impatience du retour à la vie n’excuse pas l’inconscience.
En voulant braver tous les interdits pour animer de nouveau les rues de Marseille, ces énergumènes ont pris le risque de se retrouver eux-mêmes en réanimation…
José D’Arrigo
Rédacteur en chef du « Méridional »