L’aveu est surprenant : « j’ai été élue trop vite et trop tôt. C’est moi qui, pressentant les difficultés, ai proposé à Benoît de switcher dès l’issue du premier tour », raconte au magazine « Elle » la diva Rubirola, l’ex-mairesse qui n’est plus là . « Mais Michèle, c’est impossible, ça ne se fait pas ! » lui aurait répondu Benoît Payan interloqué. « Comme je ne voulais pas faire perdre mon camp, j’ai tenu bon. Sauf qu’être maire de la deuxième ville de France, ça ne s’improvise pas… »
Si elle était gastroentérologue, on pourrait faire observer que le docteur Michèle Rubirola a un sacré estomac. Les journalistes les plus polis parlent « d’inconséquence », les plus avertis évoquent « une mascarade », voire « une escroquerie politique ». Tous sont sidérés par cette frivolité assumée. Comme si la diva marseillaise reconnaissait ouvertement qu’elle est une tête de linotte et qu’elle peut donc se moquer du monde sans le faire exprès.
Comment peut-elle avouer « benoîtement » que la fonction de maire ne s’improvise pas alors qu’elle fait ardemment campagne depuis plus d’un an précisément pour devenir maire de Marseille ? Aurais-je eu la berlue ? Ce n’était pas vraiment l’image de Mme Rubirola qui s’affichait dans tous les quartiers, c’était celle d’une femme de paille déléguée par Payan…
Faute avouée est à demi pardonnée, direz-vous. Certes. Mais nous ne sommes pas dans une cour d’école où pendant la récré une maîtresse incite une élève turbulente à se dénoncer pour la gronder. Contrairement à ce que semble penser la Castafiore du Rouet, le magazine « Elle » n’est pas réservé à une caste de féministes ou d’écologistes mais s’adresse à un lectorat de femmes et d’hommes de tous bords politiques, effarés par la légèreté de la diva marseillaise et son mépris des électeurs.
« Elle a poussé jusqu’au bout une forme d’insincérité », estime le journaliste de la Provence François Tonneau. Bel euphémisme pour signifier que la diva du Rouet nous a fait prendre des vessies pour des lanternes pendant des mois et des mois sous le regard beurré de complaisance du petit Benoît, lequel poussait son égérie verte sur le devant de la scène pour mieux berner les 66 000 électeurs du printemps marseillais qui ne voulaient surtout pas de son leadership.
Arnaque, tromperie, filouterie ? Mme Rubirola n’accepte pas ces mots-là . Elle préfère passer pour une gourde qui s’efface devant un professionnel de la politique et avoue ingénument son incapacité à gérer une ville comme Marseille. « Je ne me suis pas levée un matin en me disant : je veux être maire de Marseille. Je voulais être médecin bénévole en Afrique », concède-t-elle.
Une futilité scandaleuse
Cette vocation humanitaire est fort louable. Mais alors pourquoi nous avoir fait croire l’inverse ? Si Jean-Claude Gaudin était toujours assis sur son vénérable siège, il lancerait à la cantonade : « Oh la la, Rubirola, moi les bras m’en tombent ! Mais que faites-vous donc encore là ? »
Handicapée par des problèmes de santé, angoissée à l’idée de prendre une décision inappropriée, Michèle Rubirola n’aurait jamais dû briguer le poste de mairesse de Marseille. Jamais. Son aveu tardif trahit en réalité une futilité scandaleuse. Lorsque le journal «Elle » lui fait observer qu’elle porte un sérieux coup à la cause des femmes en abdiquant brutalement, elle se défausse en invoquant « l’absence de soutien » de la hiérarchie de son parti (Europe Ecologie les Verts) et la désinvolture de ses coéquipiers qui ont surtout songé à leur propre intérêt une fois élus.
Bref, la diva du Rouet accepte de passer pour une cruche. Elle s’exonère de toute responsabilité en expliquant qu’elle n’imaginait pas une ville « aussi délabrée », lestée par « un endettement catastrophique » et des services municipaux « pléthoriques ou aux abonnés absents ». Mais ne s’est-elle pas fait élire justement pour combler ces lacunes « imputables à la Droite ? » Savez-vous que son premier souci, une fois élue, n’a pas été de s’occuper du sort des milliers de Marseillais plongés dans la misère, mais de faire changer le fauteuil occupé par son prédécesseur ? Une exigence qui n’a jamais été satisfaite, à son corps défendant…
En fait, c’est moi qui n’ai rien compris. La Castafiore du Rouet nous a fait croire à sa candidature alors qu’elle jouait à cache-cache avec son petit marquis socialiste. Ce « switch » n’était qu’un rapport de complémentarité entre adultes consentants pour permuter à tour de rôle.
José D’Arrigo
Rédacteur en chef du Méridional