Un rêve avorté…
La Tour des Catalans en coma architectural avancé
L’HISTOIRE D’UNE DÉSESPÉRANTE MISE EN SCÈNE !
J’aurais mieux fait ce matin de diriger mes pas (et accessoirement ceux de mon chien) ailleurs qu’aux Catalans. Je souhaitais voir l’état de la Tour qui, depuis le milieu du XVI° siècle domine et veille sur la plage.
Durant des mois, depuis l’année dernière, des échafaudages entouraient, en effet, les quatre faces de l’édifice, laissant envisager une restauration, celle au demeurant promise, même si les Services de l’État, comme les Services municipaux compétents en matière de patrimoine, reconnaissaient n’avoir été mis au courant de rien. La Tour n’a jamais été classée et n’est donc pas protégée. Mais, enfin, les échafaudages étaient bien dressés. De même, dit le proverbe, qu’il n’y a pas de fumée sans feu, de même pouvait-on penser qu’il n’y a pas d’échafaudages sans prévision de travaux.
DES ÉCHAFAUDAGES DE MISE EN SCÈNE ?
Des échafaudages mais, durant des mois, point d’ouvriers, ni le moindre bruit de truelle, ni de marteau, ni de poulies … quels que soient les jours ou l’heure. La Tour à la plage dormante dans toute sa splendeur et cela bien avant le confinement. Le prince charmant ne semblait pas près de la réveiller. Ce n’était pas un somme, ni une sieste, ni une longue nuit XXL. Non, vraisemblablement la Tour avait été placée en « coma architectural avancé » (CAA), dit encore « coma patrimonial de longue durée » (CPLD). Les échafaudages fièrement dressés jouaient à merveille leur rôle d’acteurs immobiles dans une mise en scène pagnolesque. Le bruit finit par courir que des travaux d’étanchéité de toiture allaient être engagés.
La Tour des Catalans (de g.Ã d.) : les 6 mai et 12 juin 2020
L’ANNÉE DU TRICENTENAIRE DE LA PESTE DE 1720
Faut-il rappeler que cette année 2020 marque le tricentenaire de la Peste. Cet anniversaire était l’occasion rêvée de restaurer la Tour des Catalans, vestige du lazaret de Saint-Lambert de 1558, le second dans l’histoire de Marseille après celui du Moyen-Âge situé au delà de la Porte de l’Ourse, au nord, et avant celui d’Arenc. Du premier et du troisième il ne reste rien. Absolument rien. C’est dire si ce seul vestige de la Tour des Catalans est essentiel. Unique. S’il convenait, de prime abord, de prendre une décision d’importance concernant ce « lieu de mémoire » c’était de procéder à son classement au patrimoine comme monument historique. Mais ces deux termes de « classement » et de « patrimoine » ont-ils un sens ?
HONTE : RIEN N’A CHANGÉ
Exit les échafaudages. La toile de protection enlevée laisse réapparaître les mêmes murs lépreux, dégradés, scandaleusement lézardés. Les anciennes ouvertures béantes au pied du monument sont toujours là , comme une bouche criant sans écoute « au secours ». Le coût de la mise en scène des échafaudages durant des mois aurait, à lui seul, suffi à engager une véritable restauration de cet édifice patrimonial dans des conditions honorables. Qui donc a pu me dire que Marseille avait été élue, il n’y a pas si longtemps, Capitale européenne de la Culture ?
L’histoire contemporaine de la Tour est une triste série d’abandons successifs. Et cela continue. À la suite d’une pétition lancée en 2016 totalisant plus de 10 000 soutiens, une délibération municipale de décembre 2017 prévoyait enfin la « réhabilitation de la tour du lazaret » (et des bâtiments adjacents !).
Il y a loin, dit le proverbe, de la coupe aux lèvres. Il y a plus loin encore de la délibération aux faits, de la parole aux actes. Je ne peux que relire avec un léger sourire les déclarations de l’époque : « Je dévoile notre intention de sauver la « Tour du lazaret » témoin important de l’épopée marseillaise pour lui redonner son visage d’autrefois ».
Le léger sourire se transforme en rire ! On ne classe toujours pas. On ment scandaleusement. L’Histoire et la Culture sont jetées aux oubliettes au profit de la réfection des bordures de trottoirs et d’un nouveau revêtement des chaussées. Ce n’est pas étonnant : la culture est foulée aux pieds.
L’identité des Catalans continue d’être gommée. Inexorablement. Edmond Dantès et Horace Bertin peuvent en convenir : « L’heure marseillaise n’est décidemment pas à la préservation des Catalans. Elle est passée depuis longtemps ! »
Jean Noël Beverini