Macrophobie : la peur du vide
Bill Gates nous avait prévenus en avril 2015, il y a déjà cinq ans : le plus grand risque que court l’humanité n’est pas celui d’une guerre nucléaire mais celui d’un virus dévastateur : l’influenza virus. Selon le milliardaire, le monde n’était pas prêt à faire face à une épidémie propagée par ce virus hautement contagieux. Et il proposait aux dirigeants de notre planète de conjuguer leurs efforts en constituant une véritable armée médicale mondiale, une sorte d’OTAN de la recherche et du soin, pour anticiper au mieux la prochaine catastrophe.
Nul ne l’a entendu. Bill Gates était un visionnaire qui concluait son propos par cet avertissement : « we should be concerned », nous devrions nous sentir concernés. Eh bien, nous ne nous sommes pas sentis concernés, nous avons fermé les yeux et nous en payons le prix avec des milliers de morts aujourd’hui. Dans son livre prophétique « le nouveau rapport de la CIA : comment sera le monde en 2025 », Philippe Adler avait également décelé une menace identique pour…février 2020. Lui non plus n’a pas été suivi. Il n’est pire sourd…
Nous voilà réduits, faute de mieux, à essuyer les plâtres. La cacophonie touche le monde entier, à des degrés divers. Et nous assistons un peu partout à des scènes pitoyables dignes d’une cour de récréation. Martine Vassal, présidente du conseil départemental des Bouches du Rhône, vient d’en vivre une qui vaut son pesant de cacahuètes. Figurez-vous qu’elle a opportunément commandé six millions de masques à Shangaï en Chine pour endiguer la pénurie. La cargaison est arrivée à bon port le dimanche 5 avril à l’aéroport de Bâle-Mulhouse et elle a aussitôt été « réquisitionnée », c’est-à -dire volée, par la préfète du Grand Est au motif que sa région avait, elle aussi, un urgent besoin de masques pour équiper ses soignants.
« La vie des Provençaux ne vaut pas moins que celle de nos compatriotes de l’est de la France », s’est indignée à juste titre Martine Vassal. Comment peut-on tolérer que l’Etat fasse main basse sur un stock qui appartient à la collectivité marseillaise ? Cette préemption arbitraire de l’Etat est un crime qui doit être condamné comme tel. Le gouvernement français a le devoir d’anticiper la pénurie, pas d’adopter des pratiques de voyous ou de braqueurs en gants blancs. A la télévision, Emmanuel Macron assume dignement son rôle de syndic de faillite. Il incarne parfaitement le vide souriant, mais sidéral, de nos prétendues élites. Rassurez-vous bonnes gens tout ira mieux le 11 mai…
Chat échaudé craint l’eau froide : Martine Vassal s’est rendue elle-même à Marignane le vendredi 10 avril pour réceptionner une nouvelle commande de deux millions de masques en provenance de Chine et destinés aux soignants des Bouches du Rhône. Pour parer toute éventuelle « captation » par des « estrangers », elle a établi un pont aérien entre Shangaï et Marseille qui a bien fonctionné : cette fois, les masques ont bien été distribués à qui de droit en temps utile. L’occasion faisant le larron, Martine Vassal aurait pu rendre au gouvernement la monnaie de sa pièce en « s’appropriant » deux autres millions de masques destinés à la Bourgogne et au Grand Est. Magnanime, elle a laissé ces masques partir en direction de l’est de la France, il est vrai très touché par le virus.
La vérité, c’est que la crise sanitaire actuelle révèle l’état lamentable de notre système hospitalier victime de coupes budgétaires drastiques depuis des années. Ceux qui considèrent l’Etat comme une entreprise fonctionnant sans stock et à flux tendu se sont fourvoyés. L’impuissance de l’Etat, ses hésitations, ses atermoiements, ses éléments de langage répandus sur tous les « plateaux », se révèlent au grand jour. Souvenez-vous, c’était hier : « ce n’est pas une maladie grave », « les masques ne servent à rien », « les tests de dépistage sont inutiles », « le virus ne quittera pas la Chine », « restez chez vous mais allez voter », et blablabla, nous rassurait-on. Paroles, paroles, paroles…
Quatre mois après le déclenchement de l’épidémie, on est toujours aussi démuni. Et les policiers qui devaient être équipés de masques protecteurs le 16 mars ont eu la surprise de voir leur stock réattribué d’office au secteur hospitalier, preuve supplémentaire de notre insondable misère. On cherche désespérément des tests de dépistage, des lits d’hôpitaux – la France a supprimé 100 000 lits d’hôpitaux depuis vingt ans – et des respirateurs artificiels. Pour nous faire avaler la pilule, on brandit des locutions guerrières et l’on fait un procès en charlatanisme au Professeur Didier Raoult qui a le tort de guérir à tour de bras des malades atteints du virus à l’aide d’un médicament vieux de soixante-dix ans associé à un antibiotique, l’Azithromycine, qui ne rapporteraient rien aux laboratoires pharmaceutiques…
Bref, c’est la chienlit à tous les étages, comme dirait le général. L’Etat et ses obsédés de la méthodologie scientifique, vacille sous nos yeux. La rumeur publique gronde. Elle clame avec bon sens qu’on ne saurait résoudre les problèmes avec ceux qui les ont créés. Les scientifiques accrédités par l’Etat et les télés viennent débiter chaque jour leurs arguments de communication calibrés pour nous faire admettre une politique d’austérité liée à la pénurie. Spectacle pitoyable.
Ce qui m’exaspère le plus, c’est leur mine confite de bonhomie. La cacophonie est telle désormais qu’elle pourrait donner naissance à une maladie, une peur systémique qui pourrait se répandre sur tout le territoire : la « Macrophobie », c’est-à -dire la peur vertigineuse du vide. Et la détestation généralisée de la Macronie.
A suivre …
José D’ARRIGO
Rédacteur en Chef du « Méridional »