[Vox Méridional] Debout Marseille !

Marseille n’est pas une ville, c’est un souffle.


Un battement ancien qui vient de la mer et remonte les rues, se cogne aux façades, s’attarde aux terrasses, s’invite dans les accents. Elle est belle d’une beauté rugueuse, sans fard ni posture, belle parce qu’elle a tout vu et tout porté : les arrivées, les départs, les espoirs entassés dans des valises trop petites. Ici, on ne devient pas marseillais par naissance mais par adhésion. Il suffit d’un regard, d’un café partagé, d’un coucher de soleil sur le Vieux-Port pour se revendiquer d’elle, aussitôt arrivé, comme une évidence.


Marseille est une mosaïque de villages soudés les uns aux autres, des quartiers qui gardent la mémoire de leur clocher, de leur place, de leur accent particulier. De l’Estaque à la Belle-de-Mai, de Mazargues à Saint-Loup, chacun parle sa langue mais tous racontent la même histoire : celle d’une ville qui accueille sans demander d’où tu viens, seulement si tu es prêt à rester debout. Et au cœur de ce tumulte, le stade s’élève comme une cathédrale populaire, porte-voix des sans but, des sans-grade, des oubliés. Le Vélodrome ne juge pas, il crie, il pleure, il espère. Il transforme les colères en chants et les défaites en promesses.


Ici, tout le monde est acteur. On joue sa vie sur un trottoir, on la rappe dans un couplet, on la dribble sur un terrain vague. Marseille chante même quand elle a mal. Pagnol y murmure encore l’enfance et la tendresse, Scotto y fait vibrer les mots simples, Izo y laisse traîner ses phrases comme des éclats de vérité, Guédiguian filme la fraternité obstinée, celle qui survit aux coups durs. Ils sont partout, dans les escaliers, les bars, les rues qui parlent fort et qui aiment juste.


Puis un voile sombre a voulu tomber sur la ville.

Un voile épais, fait de peur, de clichés et de violences, tentant de l’étouffer, de la domestiquer, de la faire taire. Mais Marseille ne se laisse pas faire. Elle ploie parfois, jamais ne rompt.

Elle répond par plus de voix, plus de lumière, plus de liens. Car Marseille est indomptable : elle est la somme de ses blessures et la force de sa fraternité. Et tant qu’il y aura des femmes et des hommes pour dire « je suis marseillais » avec le cœur, la ville continuera de respirer, libre, fière, et profondément humaine.
Ce voile sombre est une bâche de la mort : c’est le narcotrafic, cette ombre étrangère à l’âme de la ville, qu’il faut mettre à mort pour que Marseille vive pleinement, debout et fraternelle.


Philippe Arcamone