On aurait dit un matin ordinaire de concours, un de ces jours où le boulodrome du quartier bourdonne tôt, où les voitures débordent des rues et se garent à l’emporte-pièce le long du chemin qui mène au jardin Bonniot. Sauf qu’aujoud’hui, personne n’était là pour jouer. Personne pour tirer ou pointer et les boules restaient silencieuses, c’était jour d’adieux.
Une haie d’honneur et un cliquetis qui résonne comme un signe..
Lorsque le cercueil de Patricia Jeanjean est entré par le jardin Bonniot, sous la haie d’honneur formée par les licenciés des Amis de Saint-Julien, un unique cliquetis a retenti. Le choc métallique de deux boules, venu de nulle part, comme un salut du terrain qu’elle avait tant aimé. Au même moment, le soleil s’est levé dissipant d’un coup la brume blanche qui couvrait Marseille depuis l’aube. Beaucoup y ont vu un dernier clin d’œil.
Un silence qui parle pour tous
La foule, des boulistes venus de tous le département compacte, grave, silencieuse a envahi le boulodrome. On se reconnaissait d’un regard, sans un mot. Ici, tout le monde connaissait “Patou”. Il n’y avait ni protocole ni ordre établi : chacun avançait lentement, presque en procession instinctive, pour s’approcher une dernière fois de celle qui avait passé sa vie les yeux sur le terrain, un mot pour tous, toujours. Les proches, la famille, les licenciés, les habitués du quartier… On l’a souvent répété : ce club était sa deuxième maison. Ce matin-là, c’était une seule et même famille qui se rassemblait.

Une cérémonie à son image
La célébration religieuse, simple et profonde, lui ressemblait. Patricia était croyante, discrète mais solide dans ses convictions. Les officiels étaient là, mêlés à la foule des boulistes : humbles, recueillis, presque effacés. Le président du Comité, Patrick Fara, a rendu un hommage digne et bouleversé. Puis Martine Vassal, présidente de la Métropole, a pris la parole, très émue, saluant une femme « droite, entièrement dévouée à son sport et à son peuple de boulistes ». Le maire de secteur, Sylvain Souvestre, ami de longue date, a rappelé ses visites régulières au boulodrome, « parce qu’on n’arrivait jamais par hasard chez Patricia ».

Une dirigeante essentielle de la pétanque
C’est bien plus qu’une présidente que le monde bouliste vient de perdre : une figure, une combattante, l’une des voix fortes d’un sport populaire et identitaire. Patricia Jeanjean à présidée le Comité 13, durant trois décennies d’engagement total. Elle portait haut les valeurs de loyauté, d’exigence et de sincérité. Elle avait œuvré pour les compétitions féminines, pour la jeunesse, pour les grands événements, pour la transmission d’un sport qui, pour elle, relevait du patrimoine. Elle avançait avec audace dans un milieu pas toujours tendre », a rappelé Patrick Fara, très touché. « Elle était injustement critiquée parfois, mais elle tenait. Elle tenait parce qu’elle savait pourquoi elle se battait : pour son sport, pour les gens, pour ce lien entre générations qu’elle défendait bec et ongles. »
Un héritage immense
Ceux qui l’ont connue se souviendront de son franc-parler, de son sens du juste, de ces « petites choses essentielles » qu’elle préservait sans même s’en rendre compte. Son club, ses licenciés, ses proches, la communauté bouliste du département et de la région perdent une dirigeante, une militante, une âme.
Le boulodrome de Saint-Julien, ce matin, ne jouait pas, il disait merci.
Philippe Arcamone



















