Les MEPAC, des armes stratégiques testées dans le Var

Le MEPAC, à première vue un Griffon comme les autres ©AlainRobert

Le 3ᵉ Régiment d’artillerie de marine de Canjuers dans le Var (3ᵉ RAMa) a réalisé ce mois-ci les premiers tirs d’entraînement du Mortier Embarqué Pour l’Appui au Contact (MEPAC). Ce nouvel engin s’avère déjà déterminant pour les combats.


Le MEPAC est un véhicule blindé multifonction, de type Griffon, de près de 25 tonnes, équipé d’un mortier de 120 mm et du système d’artillerie ATLAS. Issus du programme militaire Scorpion, dont le but est de renouveler les capacités de combat de l’armée de Terre, quatre de ces engins sont opérationnels.

Arrivés mi-octobre sur la base de Canjuers, ils ont d’abord été évalués par la Section technique de l’armée de terre (STAT), qui a évalué leurs capacités en termes de vitesse de tir, d’efficacité ou encore de mobilité.


Canjuers, un camp pionnier dans l’essai des armes

Deux premiers engins ont ensuite été livrés au 3ᵉ Régiment d’Artillerie de Marine, qui est la première section opérationnelle de toutes les forces terrestres à l’utiliser. Il est appelé à devenir un engin phare de l’armée de terre, assure le colonel Nicolas Poirot, chef de corps du 3ᵉ RAMa, qui en précise les caractéristiques : « Les capacités en termes de mobilité sont celles du Griffon : une extrême mobilité, capable d’aller à 90 km/h, avec 800 km d’autonomie, ce qui permet d’avancer à la même vitesse que le reste de la force opérationnelle terrestre. Il a une grande capacité d’emport d’obus, de 32 mortiers par véhicule. À titre d’exemple, pour neutraliser une section d’infanterie ennemie, il faut que 24 obus tombent sur la section en moins d’une minute. » À bord du MEPAC se trouvent 4 soldats, équipés de cagoules ignifugées et, sur eux, de plaques de protection balistique et antimine. Fin 2026, le 3ᵉ RAMa disposera de 2 sections, soit 8 engins MEPAC.

Le Colonel Nicolas Poirot, chef de corps du 3ᵉ Régiment d’Artillerie de Marine ©AlainRobert

Gagner en efficacité

Le MEPAC offre de nombreux avantages, notamment une grande rapidité de mise en œuvre : « Lorsqu’il est en position d’attente, caché dans un tunnel ou un sous-bois, s’il reçoit une demande de tir, il est capable de l’exécuter en 30 secondes. Et cela lui prend également 30 secondes de quitter la zone de tir, ce qui permet d’être beaucoup moins exposé », poursuit le colonel Poirot, d’autant que les soldats sont protégés à l’intérieur de ce véhicule blindé. Sa rapidité de mise en œuvre est un atout sur divers points, confirme l’adjudant Bastien, chef de section MEPAC : « Sur les modèles de mortier tracté, il fallait désatteler les obus et les insérer dans le tube. Les personnels sont mieux protégés. Et puis le MEPAC est semi-automatique, donc l’équipage met l’obus dans une civière qui charge le tube. » Il peut ainsi tirer 12 coups en 90 secondes. Les tirs ont une portée maximale de 8 à 13 km, selon le poids de la munition utilisée, cela veut dire plus de deux fois plus loin qu’un char de combat, dont la portée est de 4000 mètres. « C’est là que ce MEPAC va apporter toute sa plus-value parce que lorsqu’on tire à ces distances-là, on se confronte aussi aux tirs ennemis, d’où l’importance de la rapidité de mise en œuvre ».

Le MEPAC se déploie pour permettre aux soldats de tirer leurs obus ©AlainRobert

Premiers essais concluants

Les premiers tirs ont débuté mi-octobre sur le camp de Canjuers. Les exercices s’enchaînent pour créer des automatismes : « Il faut tester des distances et des positions de tirs différentes, des déplacements entre les positions de tirs pour être prêts à rencontrer n’importe quelle situation en opération, explique le chef de corps du 3ᵉ RAMa. Ce que leur permet le camp de Canjuers, qui est le plus grand camp de manœuvre d’Europe occidentale. « C’est un superbe terrain de jeu pour travailler ces capacités-là » admet le colonel. L’adjudant Bastien souligne aussi que « le MEPAC est capable de tirer sur tous les terrains, même difficiles, rocailleux ou goudronnés, ce qui offre une plus grande autonomie sur les tirs. « Avec les mortiers tractés, nous devons ancrer les pièces dans le sol, donc il faut parfois chercher un terrain adéquat. » Le MEPAC facilite donc aussi les tirs inopinés. Lorsqu’un ordre est donné, il suffit d’arrêter le véhicule, de sortir le mortier. Autre avantage, une fois la tourelle rentrée, ce Griffon ne se distingue quasiment pas des autres véhicules de sa catégorie, qui peuvent être des commandements, des transports de combat de l’infanterie, ou d’observation de l’artillerie. « En fait, on cache l’arbre au milieu de la forêt. C’est toute l’intelligence du programme Scorpion », souligne le colonel.

Jouer sur la complémentarité des armes

D’ici la fin de l’année 2025, différentes brigades de l’armée de terre seront équipées en MEPAC. Cette déclinaison du Griffon complète le dispositif d’armes existantes : « Nous privilégions l’emploi du CAESAR (Camion Equipé d’un Système d’Artillerie) pour l’appui dans la profondeur et dans les intervalles. Le MEPAC, pour l’appui au contact. Et on se servira du mortier tracté en dernier, mais il reste complémentaire », précise le colonel. Tous les Bigors (soldats du 3ᵉ RAMa ndlr) sont formés pour être capables de se servir des trois systèmes. Et tous les régiments d’artillerie de brigades interarmes ont vocation à être dotés de ce nouveau modèle. En 2028, 54 véhicules blindés de ce typeauront été livrés à l’armée de Terre.

Un exercice d’expérimentation de grande ampleur, le SJO 25(Small Joint Opération 25) doit être mené à la fin de l’année dans le nord-est de la France. Pour le moment, le déploiement sur le terrain de ces véhicules n’est pas encore envisagé. « Cette décision sera dans les mains de l’OTAN à partir de l’été prochain », indique le colonel. Car l’été prochain la France prendra, pour la première fois, le commandement de l’Allied Reaction Force (ARF) durant lequel le 3e RAMa sera engagé au sein de la 6e Brigade Légère Blindée.

©AlainRobert
A l’intérieur de chaque véhicule, quatre militaires pour effectuer les manœuvres  ©AlainRobert

Severine Krikorian

Photos: Alain Robert – Le Méridional