
Le Parlement a voté une nouvelle loi sur la sécurité et sur l’ensemble des territoires les décideurs locaux se préparent à la mettre en place dans l’intérêt de leurs administrés. A Marseille, c’est le collectif Une Génération pour Marseille et son porte parole Sylvain Souvestre, Maire des 11ème et 12 ème arrondissements, qui s’engage pour que cette loi soit mise en oeuvre au plus vite dans l’intérêt des Marseillais allant jusqu’à interpeler le Maire de Marseille, Benoît Payan.
Le Méridional : Monsieur Souvestre, Marseille est souvent décrite comme une ville confrontée à des défis sécuritaires majeurs, notamment dans les quartiers Nord. Quel est, selon vous, l’état d’esprit des habitants du 11ᵉ et du 12ᵉ arrondissement aujourd’hui face à ces enjeux ? Et comment, en tant qu’élu de terrain, vivez-vous cette situation ?
Sylvain Souvestre : L’état d’esprit des habitants du 11/12 comme plus largement des Marseillais en général est que cette municipalité est dans le déni et que pour des raisons politiciennes et afin de ne pas froisser une partie de sa majorité, le Maire de Marseille qui, pour rappel est le seul à avoir le pouvoir de police, c’est à dire gérer la police municipale et décider d’implanter des caméras de vidéosurveillance, a délibérément décidé de stopper le déploiement de la vidéosurveillance lors de leur arrivée au pouvoir.
À l’approche des élections municipales, il entend enfin ce que moi comme tant d’autres dans notre groupe municipal et dans le collectif une Génération pour Marseille nous dénonçons depuis longtemps.
Car les Marseillais ne sont plus avec un « sentiment » d’insécurité, ils sont dans l’insécurité !
À titre personnel je suis très en colère, car je considère que ce mandat est le mandat du plus grand gâchis de la République en particulier en terme de sécurité : dans une ville pauvre, où un Marseillais sur deux paie l’impôt sur le revenu, jamais un Maire n’a eu autant d’argent et de propositions de mains tendues pour agir sur la sécurité et il a décidé de ne rien faire !
La présidente de la Métropole et du Département, Martine Vassal, lui a proposé 200 millions d’euros pour agir sur Marseille en particulier sur la sécurité : zéro réponse.Â
Le président de la Région Sud, Renaud Muselier, qui finance tant de communes sur la sécurité a rappelé que Marseille était la seule ville à n’avoir jamais déposé de dossier d’aide financière.Â
Pour rappel il y a 2 ans, Marseille a connu le record historique d’assassinats alors que je me rappelle un Benoît Payan allant se mettre en scène en larmoyant à chaque meurtre sous l’ancienne majorité.
L.M : Vous avez soumis à la mairie centrale une liste de 185 emplacements de caméras validés par la Police Nationale, avec un soutien annoncé de la Métropole, du Département et de la Région. Pourtant, vous n’avez reçu aucune réponse. Que révèle, selon vous, ce silence sur la gestion municipale du dossier de la vidéoprotection ?
Sylvain Souvestre :
Je suis furieux de ce mépris et que cette mairie pense politique et ne pense pas sécurité et intérêt général.Â
En effet, en terme de méthodologie après avoir travaillé avec les Comités d’intérêt de quartier, les associations, les demandes d’habitants, j’ai compilé avec mes services et adjoints une liste de 170 lieux précis pour implanter des caméras. J’ai ensuite soumis cette liste aux majors de police nationale du 11ème et du 12ème qui ont non seulement validé ces lieux mais en ont rajouté 15 en fonction de leurs connaissances du maillage et des lieux clés.
Après en avoir parlé avec Martine Vassal qui m’a immédiatement assuré de son soutien total, j’ai donc envoyé cette liste de 185 lieux précis avec la proposition de financement de la présidente de la Métropole au Maire de Marseille, et depuis rien, aucune réponse ! Comme aux centaines de courriers depuis 2020!
La réalité est qu’au travers de ce mépris pour un territoire qui compte 124.000 habitants, nous voyons bien que la conception de la démocratie de ces personnes là est dangereuse à long, moyen et court terme.
Ils ne font que de la gestion politicienne clanique et ils n’ont aucune vision, encore moins en terme de sécurité.
Autre exemple, cela fait 5 ans que j’interviens avec d’autres élus de notre groupe pour leur demander la vision de leur doctrine d’utilisation et leur vision de la Police municipale. Là aussi, pas de réponse ce qui est grave.
La seule réponse est de parler de chiffres de recrutements sans nous répondre réellement sur la valeur nette des effectifs, car nous savons s’ils réalisent des passerelles d’agents de parcs, de tatas des écoles, de services divers vers la police municipale pour accélérer les chiffres alors que le métier de Policier s’apprend dans le temps et dans le dur, sans toutefois nous dire le nombre d’agents qui sont partis ou le nombre d’agents sur le terrain avec des secteurs totalement oubliés et notamment les 11e et 12e arrondissements mais je pense aussi aux secteurs de mes amis du 13/14 et 9/10.
L.M : L’État avait proposé de financer 500 caméras à hauteur de 80 %, mais seules 190 ont été mises en place. Comment expliquez-vous cette opportunité manquée ? Peut-on y voir un choix politique ou un problème de pilotage opérationnel ?
Sylvain Souvestre : Devant la réalité des chiffres, devant nos demandes et notre pression, celle de Martine Vassal, Renaud Muselier, des ministres successifs Gérald Darmanin puis Bruno Retailleau, après tant de temps perdu, le président de la République a en effet validé le financement à 85% de 500 caméras.Â
La capacité de communiquant de Benoît Payan qui, à quelques mois de élections et pour tenter de masquer une partie de son gravissime échec, tente de récupérer politiquement ces 500 caméras à son compte peut endormir et bercer ses proches mais aucun Marseillais n’est dupe.Â
En revanche, et comme je l’ai dit lors de la Mission d’information et d’Evaluation de la vidéosurveillance, à l’initiative de notre groupe, Une volonté pour Marseille, ces 500 caméras ne sont pas suffisantes et auraient pu s’accompagner a minima de 1 500 caméras (pour rappel c’est le nombre qui devait être installé entre 2020 et 2022, voté, financé et engagé par la mandature précédente et que Benoît Payan et ses amis ont stoppé!).Â
Car je rappelle que l’argent est là , donc aucune raison de se freiner sur le nombre, et le choix des lieux aussi, grâce au travail des mairies de secteur (totalement écartées des choix d’implantation) des 500 caméras contrairement à leur engagement issu de cette MIE (mission d’information et d’évaluation), et contrairement à ce qu’il se faisait jusqu’en 2020!
L.M : Vous évoquez la disparition des concertations entre la police nationale, les élus de secteur et les associations, pourtant systématiques sous les précédentes mandatures. Selon vous, cette gouvernance plus verticale affaiblit-elle l’efficacité des politiques de sécurité ?
Sylvain Souvestre : La réalité est qu’il n’y a pas de Commandant à la tête de ce bateau qui a va à la dérive et entraîne tous les Marseillais avec lui.Â
Quand on regarde les prises de parole, les décisions, les mises en lumière, on ne sait plus qui dirige qui et qui gère la police municipale : le Maire ? L’adjoint à la sécurité ? La directrice? On sent une mésentente qui transpire sur les agents, les paralyse, alors qu’ils sont pourtant si engagés, qu’ils souhaitent agir pour tout le monde et sur tous les secteurs, et non pas seulement sur quelques-uns choisis politiquement car l’Est de Marseille mérite d’être traité de la même manière que les autres car les habitants des  9/10/11/12/13/14 ne sont pas des sous marseillais, ils représentent près de la moitié des habitants de notre Ville !Â
Les engagements de leur programme de campagne ne sont pas tenus : par exemple, les CLSPDR (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance) ne sont toujours pas mis sous l’autorité des maires de secteur.Â
Moi même, j’avais proposé au Maire de Marseille de transférer une partie de son pouvoir de police aux maires de secteur, ou a minima de mettre sous l’autorité de chaque maire de secteur, 2 ou 3 équipages de Police municipale, car
ce sont les maires de secteur qui ont la parfaite connaissance de la proximité, ce sont eux que les Marseillais viennent voir en priorité, ce sont les maires de secteur qui connaissent le mieux les problématiques locales, quartier par quartier, rue par rue, résidence par résidence !
Idem sur la concertation des lieux d’implantation des caméras financées par l’Etat ! Aucune info, aucune réunion, aucune concertation !Â
L.M : L’adjoint à la sécurité, directement impliqué dans le sujet, a été désigné rapporteur d’une mission censée évaluer la politique de vidéoprotection. Estimez-vous que cela a compromis l’objectivité du rapport, et plus largement, la crédibilité de la démarche ?
Sylvain Souvestre : Il s’agit de la MIE (mission d’information et d’évaluation), dont je parlais précédemment, demandée à note initiative devant le marasme, les mensonges sur l’utilité de la vidéosurveillance ou sur leur implantation et leur irresponsabilité d’avoir stoppé le déploiement de caméras.Â
Là aussi, leur dogmatisme et vision de la démocratie surprennent et détonnent !
L’adjoint à la sécurité se fait nommer, par sa majorité, rapporteur d’une mission censée évaluer sa propre action…nous avons eu l’impression de revenir à l’époque soviétique !
Bien sûr que les conclusions étaient écrites d’avance.
Mais cela a permis de voir au travers des documents et de l’audit, que nous avions raison face à leurs mensonges de campagne : en particulier quand ils mentaient sur le fait que les caméras avaient été installées à tel ou tel endroit, par complaisance! Non seulement, les documents démontrent le contraire, mais ils démontrent, avec les auditions, que les caméras jusqu’en 2020, avant que leur développement soit stoppé par Benoît Payan, étaient toutes installées après concertation Maire de secteur/Ville de Marseille/Police Municipale et Police Nationale.Â
L’autre mise en lumière de leurs mensonges à l’issue de ces rapports et auditions, mais dont je ne doutais pas, c’est l’utilité concrète, évidente et démontrée de l’usage et du rôle de ces caméras !
L.M : Le maire de Marseille, qui s’était engagé à un moratoire sur la vidéoprotection, est désormais salué pour son volontarisme sur ce dossier. Pensez-vous que la majorité municipale opère un virage pragmatique, contraint par la réalité du terrain ?
Sylvain Souvestre : Le Maire est dans la communication,
Le Maire est dans le déni le plus total.Â
Pour solutionner les problèmes, il faut d’abord les identifier, les mesurer et adapter la solution en fonction.
Sur le plateau de BFM national, il disait avoir solutionné le problème de sécurité à Noailles ou encore avoir déjà doublé la police municipale, bien entendu deux mensonges éhontés et ce n’est pas sa tentative désespérée avec la Méthode Coué qui rendront vrai malheureusement ses propos.Â
Demandez à chaque Marseillais s’il se sent en sécurité depuis 2020, vous aurez la même réponse et encore une fois, avec ce sentiment d’avoir gâché la plus grande chance de toute l’histoire de Marseille.Â
L.M : Si vous aviez l’opportunité d’interpeller directement le maire sur ce sujet, quel message souhaiteriez-vous lui faire passer ?
Sylvain Souvestre : Vous savez quoi? J’aurais rêvé de lui dire merci s’il avait utilisé ces leviers financiers incroyables de l’Etat et les mains tendues de Martine Vassal et Renaud Muselier pour sécuriser les Marseillais.Â
La sécurité ne devrait pas être un sujet politique, il doit être le premier acte de toute politique sociale car celles et ceux qui souffrent d’insécurité sont d’abord celles et ceux qui vivent dans des quartiers difficiles tout autant que celles et ceux qui vivent dans des quartiers résidentiels !
La sécurité est d’abord un acte volontariste et engagé. C’est le cas de Bruno Retailleau qui a mis en place des renforts et obtient des résultats conséquents, c’est Martine Vassal dans les collèges et les transports en commun, c’est Renaud Muselier dans les Lycées et les trains !
Dernier exemple sur mon secteur, et pour la deuxième fois en moins d’un mois, le lendemain d’une intrusion de plus de 200 caravanes de gens du voyage sur un terrain sportif du 11ème arrondissement qui, outre les centaines de milliers d’euros d’argent public qui serviront la rénovation, a bloqué des centaines de familles, j’écris au Maire de Marseille en lui expliquant, après avoir travaillé avec la préfecture de police, le mode opératoire précis et détaillé de la procédure qu’il doit engager afin que le préfet requiert le recours à la force publique pour expulser, et là , aucune réponse, aucune action. Dans le même temps, avec ce process le maire de Gréoux-les-Bains (04) obtient en 48h l’expulsion de ces gens chez lui quelques semaines après!
Voilà ce que c’est l’engagement et le volontarisme sécuritaire.Â
Aujourd’hui, le seul fautif et responsable de l’insécurité et de son aggravation à Marseille en ayant perdu 5 ans par son inertie dogmatique et en n’ayant pas pris les main tendues, s’appelle Benoît Payan.
Après avoir refusé de recevoir les maires de secteur de l’opposition depuis plus de 4 ans et demi (belle preuve de respect démocratique!), je réitère notre proposition de mains tendues, il en ressortirait grandi à défaut de s’excuser devant les Marseillais de ce gâchis sécuritaire !
Propos recueillis par Le Méridional