À Istres, la Maison du Point rose pour réapprendre à vivre après l’impensable

Nous nous en parlions déjà. Le 26 avril 2025, la première pierre de la Maison du Point rose a été posée au Domaine de Conclué. Retour plus en détails sur ce lieu unique, imaginé pour accueillir les enfants en soins palliatifs et les familles endeuillées, doit ouvrir ses portes en 2026.

Il faut un certain courage pour penser la vie quand elle s’effondre. Et une sacrée détermination pour construire un lieu où l’on viendra panser l’absence, quand le deuil s’installe trop tôt.

Samedi matin, à Istres, c’est précisément une promesse de résilience qui a été posée au sol, au cœur du Domaine de Conclué. Une promesse en forme de Maison : celle du Point rose, du nom de l’association fondée en 2015 pour accompagner les enfants en fin de vie et leurs familles.

Portée par la municipalité d’Istres et son maire François Bernardini, la Maison du Point rose ambitionne d’être bien plus qu’un centre d’accueil.

Un espace de répit, pensé comme une alternative au domicile ou à l’hôpital, pour les enfants atteints de maladies incurables. Mais aussi un lieu de ressourcement pour les parents ayant perdu un enfant. Là, dans un domaine agricole de 24 hectares reconverti, les familles pourront venir « souffler », partager leur douleur, mais surtout réapprendre à vivre.

Un projet inédit, à la fois intime et ouvert

Inspirée des soins palliatifs pédiatriques et des approches dites compassionnelles, la Maison du Point rose est un projet pilote à l’échelle nationale.

Son objectif : accompagner autrement, lorsque l’issue ne fait plus de doute. « Plus on apaise la famille, plus on aide l’enfant », rappelle le dossier du projet. Une logique d’humanité qui refuse la médicalisation à outrance pour privilégier les instants de paix, les bulles de douceur.

La Maison offrira un cadre apaisant, loin de l’atmosphère hospitalière, sans pour autant se couper du soin. L’idée est de recréer une forme de normalité dans l’exception. De permettre aux enfants de vivre encore, même un peu, autrement. Et aux parents, de trouver les premiers outils d’un chemin de résilience.

Au fil des séjours, ils repartiront avec un « petit sac à dos de ressources », comme le formule l’association, après avoir testé des approches thérapeutiques, partagé avec d’autres familles, dialogué avec des professionnels à l’écoute.

Ce lieu sera aussi un lieu de transmission. Il accueillera des sessions de formation et des séminaires pour les soignants, thérapeutes ou psychologues, afin de mieux accompagner ces parcours de vie hors-normes. Une manière de structurer un savoir rare, encore trop peu partagé, et d’en faire bénéficier d’autres lieux à venir.

Domaine de Conclue 2025, racheté par la Métropole Aix-Marseille Provence.

Une maison pensée dans les moindres détails

Le projet architectural a été confié aux agences AI Project et Mi.Di. Architecture, sous la direction de l’architecte Kateryna Zhyrova. Ensemble, elles ont conçu un lieu qui épouse la vocation du Point rose : discret, chaleureux, fonctionnel, accueillant sans jamais être écrasant.

Les perspectives architecturales dévoilent un ensemble de bâtiments à taille humaine, intégrés dans le paysage du Domaine de Conclué. Les matériaux bruts, la végétation préservée et les jeux d’ombre naturelle contribuent à créer une atmosphère de calme et de simplicité.

Au total, 2 200 m² seront aménagés pour accueillir les familles et les enfants. Le cœur du dispositif reposera sur un bâtiment neuf de 1 200 m², entièrement dédié aux enfants en soins palliatifs. Il comprendra des chambres médicalisées, une infirmerie, une salle commune et un cabinet de consultation, afin d’assurer un accompagnement adapté tout en conservant une atmosphère chaleureuse et non hospitalière.

Autour de ce bâtiment central, plusieurs logements temporaires permettront d’accueillir les familles en séjour : trois gîtes, deux appartements et trois studios offriront des configurations variées, pour s’adapter à chaque situation.

Un espace polyvalent sera par ailleurs dédié aux ateliers collectifs, aux échanges et aux temps d’art-thérapie, tandis que des espaces de bien-être, comprenant une salle de sport et une salle de sophrologie, seront accessibles pour permettre aux familles de se recentrer, de respirer, de reconstruire.

À l’extérieur, le projet mise sur le cadre naturel : une oliveraie déjà présente, un potager en cours d’installation, des champs à perte de vue. Un espace à vivre, où chaque détail participe au soin.

Le coût prévisionnel s’élève à 6,35 millions d’euros hors taxes, financés par des fonds publics et privés, dont Les premiers séjours pour les familles endeuillées sont annoncés pour le printemps 2026, suivis, au deuxième trimestre, par les séjours de répit pour les enfants en soins palliatifs.

Depuis 2023, Zinédine Zidane parraine l’association. Un soutien discret mais fidèle, à l’image du projet. Quand il ne reste que l’amour et la mémoire. Le champion du monde 98 était présent pour la pose de la première pierre. « C’est un projet extraordinaire, j’ai hâte de revenir l’an prochain pour être auprès de toutes ces familles », a-t-il confié. Quelques mots sobres pour un engagement solide.

Ce lieu, où l’on apprendra à survivre à l’inacceptable, n’est pas un sanctuaire. C’est une maison vivante, un lieu d’échanges, de liens, de fragilités partagées. Une maison pour continuer à aimer ceux qu’on a perdus, et retrouver, peut-être, la force d’avancer.

Narjasse Kerboua