À deux pas du tribunal de Marseille, Haïku invente une cantine japonaise où l’on mange des bouillons comme on lirait un poème. Nouilles maison, immersion florale et carte mouvante au rythme des saisons : ici, le ramen se fait instant suspendu.
Dans la lumière blanche d’un midi marseillais, Haïku, (6e) s’anime comme un jardin secret. Derrière les vitres, les bols fumants défilent, porteurs d’histoires courtes et précises, comme des haïkus japonais – ces poèmes de 17 syllabes, nés pour capter l’instant.
Le nom n’est pas là par hasard car chaque ramen change avec les saisons, la carte se renouvelle tous les trois mois, et l’idée d’évanescence guide jusqu’au fond des bols.
Au commencement, il y a Christophe Gillier, épicurien venu du monde du spectacle immersif, tombé amoureux des nouilles et du Japon au gré de ses voyages. « J’ai toujours adoré les ramens. Mais à Marseille, il n’y avait rien de vraiment poussé », nous explique-t-il.
Alors avec son associé Laurent Langlois, ils créent Haïku : un lieu où l’on respecte le temps des bouillons, le grain des pâtes, et l’émotion du déjeuner au dîner.

Nouilles maison, bouillons au cordeau
Les patrons ont fait le pari du fait maison intégral : nouilles pétries sur place grâce à une machine importée du Japon (30 000 euros l’investissement). « C’est la Rolls, il n’en existait pas à Marseille”, sourit Christophe.
De la pâte au repos, tout est fait maison. Et pas question d’accélérer les temps de cuisson : le bouillon de porc mijote seize heures, celui de volaille douze. Le bouillon végétal, plus léger, convoque champignons shiitakés, asperges et pousses de soja.
Le chef Ippei Uemura, chef kyotoïte bien connu à Marseille a façonné la carte dans cet esprit : ramens soignés, tapas japonais twistés avec des produits locaux, sélection méticuleuse de sakés. En cuisine, on travaille en circuit court, avec la volonté de « penser japonais mais vivre marseillais ».
Ainsi naissent le ramen pistou au printemps, le ramen bouillabaisse prévu pour l’été, et des accords où Provence et Japon se répondent.

Une immersion, plus qu’un repas
L’expérience, chez Haïku, ne s’arrête pas à l’assiette. Pensé comme une extension de son amour pour les spectacles immersifs, Christophe a conçu un lieu à plusieurs étages et plusieurs temps.
Rez-de-chaussée : la cantine, le comptoir ouvert, les effluves de bouillons. À l’étage : les jardins Haïku, espace zen où le bois et la lumière tamisée invitent à ralentir.
Bientôt, un boudoir japonais au style prohibition 1930, pour des soirées plus intimes. Et pour la rentrée, une salle immersive avec des dîners dans le noir, projections florales sur les murs et les tables, reflets de cerisiers en fleur dans les assiettes. « On veut créer une petite parenthèse, un moment suspendu. Comme un spectacle, ou un haïku », glisse Christophe.

Faire germer d’autres adresses
Ouvert depuis février, Haïku a déjà trouvé son public. Midi comme soir, les cent-cinquante à deux-cents couverts s’enchaînent sans effort. À terme, l’idée serait de faire germer d’autres adresses, « trois ou quatre, dans le Sud-Est », sans tomber dans une franchise dépersonnalisée. Marseille restera la maison mère, le laboratoire vivant.
D’ici là, Haïku trace son chemin entre poésie et gastronomie, saison après saison, bol après bol. Comme un haïku qu’on écrirait à la main, sur un coin de table, un midi d’avril… et presque de mai.
Narjasse Kerboua

À TESTER !
✔️ Tonkotsu spécial (18 €) : deux tranches de porc, œuf mariné, algues, tout le gras et la précision qu’on aime.
✔️ Veggie miso (14 €) : shiitaké, asperge et douceur en bouche, sans jamais tomber dans le fade.
✔️ Karaage (9,50 €) : croustillant, parfumé, addictif.
✔️ Yaki buta negi (8,50 €) : porc mariné et poireaux grillés, simple et puissant.
✔️ Chicken nanban (9,50 €) : le poulet mariné dans toute sa splendeur.
> 47 Bld Paul Peytral 13006 Marseille
Les mardis & mercredis : 12h – 15h
Les jeudis, vendredis & samedis : 12h – 15h et 19h – 22h