
Sur l’avenue du 24 avril 1915, ils n’ont pas fait que commémorer. Benoît Payan, Martine Vassal, Renaud Muselier, Bruno Retailleau : quatre voix pour dire que l’histoire arménienne est une affaire française. Et qu’à Marseille, la mémoire n’est pas un ornement. C’est un combat.
Avenue du 24 avril 1915. Le nom dit tout. Ici, la mémoire est inscrite dans l’asphalte. Ce 24 avril, cent dix ans après le premier génocide du XXe siècle, Marseille n’a pas seulement rendu hommage. Elle a parlé haut, clair, et à la première personne.

Dès les premiers mots, le ton est donné. Benoît Payan pose l’acte. Ce matin, dit-il, « c’est un devoir sacré qui nous réunit ». Son texte ne déroule pas une chronologie, il érige une géographie du combat.
De l’Ararat aux plaines du Caucase, de Byzance à Marseille, le maire de Marseille (DVG) trace une ligne continue. Celle d’un peuple debout, et d’une ville qui lui ressemble. « Comme Marseille, toujours rebelles. Comme Marseille, toujours universels. »
Mais sous les images, le politique affleure. 23 prisonniers arméniens à Bakou. Le bruit des bombes en Ukraine, à Gaza, en Syrie. Le maire n’élude rien. Il rappelle que la France a son mot à dire. Et que les villes aussi. Marseille agira, annonce-t-il.
En jumelage avec Erevan. En symbole : deux boussoles, l’une à Marseille, l’autre en Arménie. Deux aiguilles tendues vers la fraternité. « Aujourd’hui, nous marchons dans les pas de Missak. Pour la liberté. Pour l’Arménie. »

Martine Vassal : “Une mémoire blessée mais debout”
Elle, ne lit pas l’histoire dans les livres. Elle la porte dans la voix. Dans le coeur. Martine Vassal ne parle pas d’un peuple, elle parle de ses aïeux. Des rescapés venus poser leurs valises à Marseille. Des silences qui pesaient plus que les mots. « Ma grand-mère demandait à ma mère de renouveler sans faute sa carte de séjour », dit la présidente (DVD) du Département et de la Métropole. Peur sourde. Pudeur tenace. Mémoire transmise par l’ombre.
Mais cette mémoire-là n’est pas seulement blessée. Elle est « debout ». Et aujourd’hui, dit-elle, elle appelle à parler. À raconter. À rompre le silence sur les déplacés du Haut-Karabagh, les prisonniers oubliés, les familles arrachées à leur sol. « Le silence est assourdissant », lâche-t-elle.
Alors elle agit. Elle annonce la création, dans le 11e arrondissement, d’un espace de mémoire vivant. Un lieu « ouvert à toutes les générations ». Un lieu pour que transmettre reste une forme de résistance.

Renaud Muselier : “Nous ne sommes pas de ceux qui se taisent”
Avec lui, le propos se durcit. Pas de digression. Le président (Renaissance) de Région cogne là où ça fait mal. L’Artsakh vidé de ses habitants. Les églises profanées. Les chancelleries muettes. « Ce n’est pas un exode : c’est un arrachement. » Et l’Azerbaïdjan, dit-il, ne se contente pas d’avoir expulsé : il humilie, encore, dans ses tribunaux.
Renaud Muselier cite Martin Luther King : « Le pire, c’est le silence des gens bien. Mais nous ne sommes pas de ceux qui se taisent. » Lui revendique le contraire. La Région Sud a reconnu l’Artsakh, refusé la COP29 à Bakou, injecté de l’argent dans les écoles, les universités, les panneaux solaires. « La fraternité, ce n’est pas un mot. C’est un devoir. »
Et il salue Bruno Retailleau. « Ce n’est pas un geste protocolaire, c’est la continuité d’un combat. » Celui de la vérité, de la fidélité, de la souveraineté.

Bruno Retailleau : “L’Arménie est une cause française”
Le ministre d’État referme la cérémonie avec des mots ciselés. Il dit que l’histoire « transcende la géographie, et les clivages partisans »; parle du souvenir, qui « abolit la distance », et de ces cris de vie poussés par les rescapés « à travers vous, à travers nous ». Que « les cœurs français et les cœurs arméniens n’en forment qu’un seul ».

Il ne s’en tient pas à l’hommage, en évoquant les otages arméniens détenus « injustement », évoquant le combat : pour la mémoire, contre l’oubli, pour la liberté, la souveraineté, l’intégrité de l’Arménie. Il exige justice pour les otages. Il rend hommage à ceux qui ont souffert, combattu, transmis. Et dans la dernière ligne, tout s’aligne : « L’Arménie est une cause française. »
Narjasse Kerboua



