Le centre-ville de la cité phocéenne, angle mort de Marseille en Grand ?

La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur doit valider ce mercredi 23 avril sa participation à une étude de la CCI sur l’avenir du commerce et des services dans le centre-ville de Marseille. Un dossier sensible, sur fond de désaccord avec l’État sur le fléchage des financements du plan Marseille en grand.

Le cœur de Marseille bat de plus en plus faiblement. Galeries Lafayette sur le départ, vacance commerciale record, commerces en sursis… les signaux d’alerte se multiplient dans un centre-ville qui peine à retrouver une dynamique et continue d’agiter les sphères politiques et économiques locales.

Ce mercredi, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur doit voter sa participation à une étude stratégique sur le commerce, l’artisanat et les services du « Grand centre-ville », portée par la Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine (CCIAMP). Objectif : établir un schéma d’orientation économique, avec diagnostic à la clé, pour identifier les leviers à activer et les secteurs à reconquérir.

« Notre plus grand risque, c’est d’avoir la plus grande friche commerciale du pays au cœur de la deuxième ville de France », alertait récemment Jean-Luc Chauvin, président de la CCI. « D’Europe », insiste de son côté Renaud Muselier, à la veille du vote en plénière.

Un centre-ville abandonné par les pouvoirs publics ?

Pour le président de Région, l’affaire illustre un désengagement politique préoccupant. « Les Galeries Lafayette lancent des signaux d’alerte depuis plus d’un an. Personne ne leur parle », déplore-t-il, visant directement les élus de la Ville. Il rappelle que l’enseigne représente à elle seule les deux tiers du flux commercial du Centre Bourse. « Celui qui perd de l’argent là-dedans, c’est le propriétaire. Et on lui dit qu’on s’en fout. »

Face à l’absence de stratégie concertée, la Région prend les devants. « Il n’y a pas de contrat de développement avec la Ville, les fonds européens sont sous-exploités, et les coopérations locales restent faibles », tacle Renaud Muselier.

Il s’est engagé à cofinancer l’étude, tout en appelant les autres collectivités à faire leur part. La Ville de Marseille devrait s’y associer. « Ce n’est pas à moi seul de sauver le centre-ville, mais je peux au moins poser un constat et agir là où je peux », affirme Renaud Muselier.

Un fléchage de 100 millions d’euros refusé par l’État

Depuis plusieurs semaines, la Région et la CCI métropolitaine réclament à l’État que 100 millions d’euros du plan Marseille en grand – doté de 5 milliards – soient fléchés vers un plan d’urgence pour le centre-ville. Mais cette demande a été fermement rejetée par François Rebsamen, ministre en charge du plan, lors de sa visite à Marseille le 6 mars.

« Il y a un principe en France : la liberté du commerce et de l’industrie. Quand un commerce a des problèmes, on ne va pas mutualiser les pertes ! Cent millions d’euros pour faire quoi ? On ne va pas donner des subventions à un commerce. Il faut leur donner des perspectives de travail, de développement. »

Une réponse que le président Sud n’a pas digérée, d’autant qu’« il m’avait dit au téléphone : “il faut sauver le centre-ville”. Et là, il me répond ça ? » rapporte-t-il. Il précise s’être expliqué directement avec le ministre. « Je ne vais pas me battre avec quelqu’un avec qui je n’ai pas de problème personnel, mais qui dit une énormité sur un dossier qu’il ne maîtrise pas. Je ne pense pas qu’il recommencera », souffle-t-il, après une explication téléphonique avec l’intéressé.

La relocalisation de la cité judiciaire au Centre Bourse toujours d’actualité

Parmi les pistes explorées, la CCI propose d’implanter la future cité judiciaire dans les locaux laissés vacants par les Galeries Lafayette. L’idée : réintroduire une fonction structurante dans un tissu urbain en déshérence. Le site central, ses 22 000 m² et ses parkings existants permettraient une mise en œuvre rapide, à un coût bien inférieur à celui du projet prévu à Arenc, estimé à 350 millions d’euros.

« Tout est déjà là. Pourquoi reconstruire ailleurs ? », interroge Renaud Muselier, qui regrette l’absence de position claire de l’État sur cette hypothèse. L’étude stratégique, qui doit livrer ses conclusions avant l’été, doit intégrer cette option.

Sans mobilisation élargie des pouvoirs publics, le risque d’un centre-ville déserté reste majeur – dans une ville censée être la vitrine du plan Marseille en grand. En attendant « les Marseillais ne voient pas de plan, ils voient la friche », résume Renaud Muselier.

Narjasse Kerboua

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