Créé fin 2021, le Campus Voyage Privé regroupe à Aix-en-Provence le siège social de la société éponyme, le club Provence Rugby (Pro D2) et d’autres entités. Le but, se diversifier et décloisonner les univers.
Ce vendredi soir, le stade Maurice-David sera encore à guichets fermés pour la 26e journée de Pro D2. « C’est comme ça depuis un an », remarque Vincent Bobin, le directeur général de Provence Rugby. Et ce, malgré l’ajout d’une quatrième tribune de 2200 places, en janvier 2023, pour porter la capacité totale à 8 500.
Pour leur avant-dernier match à domicile du championnat, avant un éventuel quart et une possible demi-finale, les rugbymen aixois (3es) pourront compter sur la furia de leurs fidèles socios, dans leur petit chaudron, au moment d’affronter Béziers (6e), un concurrent direct pour les phases finales (19h).
Un match à fort enjeu que le manager Mauricio Reggiardo et ses joueurs préparent à quelques hectomètres de là , de l’autre côté de l’autoroute A8.
Planté au cÅ“ur de la ZAC de la Constance, collé à la salle de spectacle 6mic, les « Noirs » s’entraînent dans la plus grande discrétion et loin des regards, au sein de leurs installations rutilantes et multifonctionnelles du Campus Voyage Privé. À la baguette, Denis Philipon, hommes d’affaires de 58 ans, fondateur du groupe éponyme en 2006 et président de Provence Rugby depuis 2013. Peu disert dans les médias, le Béarnais d’origine n’a pas souhaité s’exprimer.

« Plus qu’un club de sport »
Sorti de terre fin 2021, pour un coût estimé à quelques dizaines de millions d’euros et réalisé par Rougerie+Tangram, ce lieu unique est bien « plus qu’un club de sport », comme le définit Vincent Bobin, le directeur général du club.
Entourant la bastide Lou Deven, entièrement rénovée après avoir été laissée à l’abandon et squattée, ce parc de 4 hectares qui n’était que garrigue et friche regroupe un écosystème transversal, novateur, qui permet à différents univers de se côtoyer et, in fine, de créer une dynamique vertueuse.

Ici se côtoient le siège social de Voyage Privé – leader européen d’e-tourisme -, le centre d’entraînement de Provence Rugby, ainsi que l’association École des XV, qui lutte contre le décrochage scolaire auprès de collégiens via le rugby, et une cantine.
Une cantine pas comme les autres, puisqu’elle emploie des adultes en situation de handicap mental, très joliment surnommés « les pierre précieuses » : ils sont formés aux métiers de la restauration avant d’être ensuite embauchés dans le restaurant aixois Chez Pierre, qui appartient aussi à Voyage Privé.



Des passerelles pour décloisonner les univers
Ce campus colle à la raison d’être du groupe : « provoquer les possibles ». Les passerelles sont nombreuses et permettent de décloisonner les univers, qu’ils soient économique, sportif, social ou académique.
Symboles de ces liens étroits, l’ancien arrière (à Colomiers) Thomas Girard est devenu Chief of staff de Voyage Privé en septembre dernier, alors que Clément Savras, qui était recruteur dans l’entreprise, occupe désormais les fonctions de Stadium manager auprès du club.
« Notre vision est simple, poursuit Vincent Bobin, un groupe privé doit avoir un impact positif sur son environnement et des publics différents. Il doit recréer de la mixité, qui existe de moins en moins. »
On veut être les meilleurs partout. Comme on vit avec un leader européen (du voyage), on se dit qu’un jour, Provence Rugby sera champion d’Europe
Vincent Bobin, le directeur général de Provence Rugby
Un positionnement qui sort du dogme habituel qui sévit dans le monde du sport pro. « Pour beaucoup, les joueurs sont meilleurs en restant en vase clos, concentrés uniquement sur le rugby, nous pensons exactement l’inverse, poursuit ce dernier. Plus ils seront ouverts sur le monde, meilleurs ils seront. Ils mangent et évoluent au milieu des autres salariés du groupe. Ces passerelles permettent de les ramener à la réalité. »
Le DG de Provence Rugby Vincent Bobin ajoute : « On fait l’inverse de ce que l’on voit ailleurs ; la performance viendra du fait d’être mélangé. C’est ce qui fera que, demain, on gagner ».



Une ruche de 600 personnes aux airs de start-up
Au total, plus de 600 personnes grouillent dans cette ruche aux airs de start-up (420 salariés de Voyage privé, une centaine à Provence Rugby), où le flex office est la norme. Un fonctionnement très moderne, aux contours américains, avec l’existence d’un Hall of Fame sur lequel s’affichent les portraits des meilleurs salariés, en haut de l’Agora, cette grande salle qui peut servir de conférence.
On trouve même un terrain de paddle, « hyper important pour les salariés », confie Vincent Bobin. « On veut être les meilleurs partout, dit encore Vincent Bobin. On a un niveau d’exigence à tous les niveaux. Comme on vit avec un leader européen, on se dit qu’un jour, Provence Rugby sera champion d’Europe. »
Stoppé en demi-finale l’an passé après avoir pourtant terminé en tête du championnat, Provence Rugby ne fait plus mystère de son objectif d’accéder à l’élite, le Top 14, rapidement. Doté du deuxième plus gros budget de Pro D2 (16,1 millions d’euros), avec ses 45 joueurs professionnels et son staff (technique et médical) de vingt personnes, le club aixois gravit les échelons.
Le bâtiment sportif est doté de matériel dernier cri, avec une immense salle de musculation, une salle médicale, un dojo (« Il ne faut pas oublier que le rugby est un sport de combat », rappelle Vincent Bobin) et des bureaux administratifs. Sur un mur, une grande carte de la région est placardée, avec les clubs partenaires, dans un maillage réfléchi du territoire.
Peu de clubs ont la chance de travailler dans ces conditions-là . Ça permet d’être plus exigeant avec les joueurs, quand on leur donne tout et qu’on les met dans les meilleures conditions
Mauricio Reggiardo, manager général de Provence Rugby
« Peu de clubs ont la chance de travailler dans ces conditions-là , apprécie l’expérimenté Franco-Argentin Mauricio Reggiardo, qui sera remplacé la saison prochaine au poste de manager par l’ancien sélectionneur du XV de France Philippe Saint-André. Ça permet d’être plus exigeant avec les joueurs : quand on leur donne tout et qu’on les met dans les meilleures conditions, on a le droit d’être exigeant. »
Il faut bien ça quand on compte dans son effectif des anciens internationaux comme le demi d’ouverture Jules Plisson (18 sélections) – victime d’une rupture des ligaments croisés le 4 avril dernier – et le centre gallois George North (121 sél.).
Provence Rugby veut désormais pousser les murs. Voir encore plus haut. Une extension de 9000 m2 au nord du terrain d’entraînement permettra d’agrandir les bureaux de Voyage Privé, mais aussi de rapatrier son école dédiée aux métiers de la voix, la Dalida Institute. Pour cela, une route sera même déplacée.



L’agrandissement du stade, « point crucial » pour continuer à se développer
Mais ce n’est pas tout. « Il y a eu du chemin parcouru, il a fallu construire petit à petit. On sait d’où on vient et où on va. Maintenant, le point crucial, c’est le stade », martèle Vincent Bobin aux élus de la Région et de la Ville d’Aix.
Véritable obsession en interne, où les mots performance et croissance sont des moteurs, la question de l’agrandissement du stade Maurice-David (seulement la 10e capacité en Pro D2 actuellement) est dans tous les esprits. Sachant que l’affluence et le chiffre d’affaires sont étroitement liés, le problème serait encore plus important si Provence Rugby réussissait à monter.
« En Top 14, on sait que la plus petite capacité de stade pour un club qui se maintient, c’est 12 500. En dessous, c’est impossible », définit le directeur général Vincent Bobin.

Des discussions et un tour de table des investisseurs sont actuellement en cours pour envisager des travaux, dont la durée serait estimé à dix-huit mois minimum. « Tout le monde est conscient qu’il faut mettre au pot, dit-on en interne au club. La question maintenant concernant la répartition… »
D’où la présence récemment des élus de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. « Il faut qu’on travaille tous ensemble, main dans la main, assure Ludovic Perney, l’un des quinze vice-présidents. Nous avons là un magnifique club. Il y a la société Voyage Privé mais aussi un vrai lien social. C’est une chance pour notre territoire en termes d’attractivité économique et d’opportunité sportive. »
Benoît Gilles