Marseille : au Petit Séminaire, une coulée verte pour réconcilier ville, paysage et mémoire

Le quartier du Petit Séminaire, dans le 13e arrondissement de Marseille, a été retenu parmi les dix sites pilotes de la consultation nationale « Quartiers de demain ». Un projet emblématique, entre transition écologique, justice territoriale et réinvention du vivre-ensemble. Trois équipes ont été retenues pour imaginer sa transformation.

Le Petit Séminaire entame sa mue. Ancienne cité HLM construite dans les années 1960 pour répondre à l’urgence des bidonvilles, détruite en 2024 après des décennies de dégradation, le quartier s’apprête à accueillir une coulée verte de plus de deux hectares, le long de la rue de la Maurelle, dans une zone à la fois inondable, enclavée et marquée par un lourd passé urbain.

Sélectionné dans le cadre de la consultation nationale « Quartiers de demain » – une initiative de l’État pour repenser l’aménagement dans dix quartiers prioritaires – le site marseillais verra s’affronter trois groupements pluridisciplinaires dans le cadre d’un dialogue compétitif. Parmi eux, Folléa-Gautier (paysagistes-urbanistes), AMT (mobilités et infrastructures) et Ilex (urbanisme et paysage).

Leur défi : proposer une trame végétale capable de devenir un îlot de fraîcheur, un levier d’inclusion, et un exemple de ville adaptée au climat méditerranéen.

« On veut nature, culture, éducation, bien-être et logement »

Pour Marion Bareille, maire (DVD) des 13e et 14e arrondissements, ce projet doit incarner une vision globale du quartier. « Aujourd’hui, dès lors qu’on parle réhabilitation, construction de nouveaux logements, on pense au quotidien, à l’entretien et au bien-être des habitants actuels. Et puis, pour que ce soit séduisant pour les nouveaux habitants », explique-t-elle dans une vidéo réalisée par l’agence Capa avec les archives de l’INA.

Elle rappelle que le 13e arrondissement, le plus peuplé de Marseille avec 95 000 habitants, compte près de 40 % de logements sociaux, souvent construits dans les années 1960 autour de noyaux villageois. « On ne veut pas produire uniquement du logement, mais aussi de la nature, de la culture, de l’éducation et du bien-être. »

Le projet s’inscrit dans une relecture plus sensible du territoire, marqué autrefois par des bastides et une nature encore présente. La coulée verte devra s’y insérer sans effacer l’histoire, en valorisant les continuités paysagères et les usages partagés. Un enjeu écologique, mais aussi social et mémoriel.

Inventer la ville avec ceux qui y vivent

Dans la même vidéo, Nassera Bermarnia, adjointe au maire de Marseille en charge du retour de la nature en ville, insiste sur le changement de paradigme que porte le projet. « La nature, elle était là avant tout le monde. Donc aujourd’hui, on s’adapte à la nature et on construit autour des éléments de nature qui existent. »

Pour l’élue, le Petit Séminaire devient un terrain d’expérimentation grandeur nature pour une nouvelle manière de faire la ville : « Même si ça se passe au Séminaire, c’est là qu’on construit une politique publique qui peut nous servir d’exemple à déployer à l’échelle d’une ville. C’est une chance pour tous les Marseillais. »

Le projet repose sur une concertation étroite avec les habitants, au cœur de la méthode « Quartiers de demain ». À l’échelle nationale, trente équipes ont été sélectionnées pour intervenir sur dix quartiers prioritaires, avec pour objectif de construire leurs propositions en lien étroit avec les élus, les habitants et des jurys citoyens.

Valérie Létard, ministre chargée du Logement, souligne que « réhabiliter, adapter, améliorer le cadre de vie… ces dix quartiers pilotes doivent constituer des initiatives inspirantes et exemplaires pour penser la rénovation urbaine de demain, inclusive, durable et construite avec les habitants ».

Juliette Meadel, ministre déléguée chargée de la Ville, insiste quant à elle sur l’importance de cette co-construction : « La valeur incontestable de Quartiers de demain est de penser la ville du futur en additionnant le talent des urbanistes à l’expertise du quotidien des habitants. »

À Marseille, cette participation prendra corps tout au long de l’année 2025. Les habitants encore présents dans les logements restants seront invités à imaginer les futurs usages de la coulée verte : parcours sportif, lieu intergénérationnel, bancs pour se retrouver à la sortie de l’école… Autant d’idées pour façonner un espace commun à échelle humaine.

Une échéance fixée à novembre

Le projet du Petit Séminaire illustre la philosophie de la consultation « Quartiers de demain », pensée comme un laboratoire d’architecture, d’urbanisme et de paysage au service des quartiers populaires. Comme le rappelle Rachida Dati, ministre de la Culture, lors de la présentation des équipes à la Cité de l’Architecture : ces territoires « regorgent de créativité et d’initiatives qui méritent d’être mises en valeur ».

Le chantier n’est pas pour tout de suite. L’année 2025 sera consacrée à la co-construction avec les habitants et au dialogue entre les équipes en compétition. Le lauréat final sera désigné en novembre 2025, et la maîtrise d’œuvre confiée à l’équipe retenue pour un démarrage des travaux prévu à partir de 2027. Mais l’ambition est posée. Faire du Petit Séminaire un quartier où la nature redevient une alliée, et où l’avenir se construit sans effacer les racines.

Narjasse Kerboua