Branchement à quai : quand Benoît Payan s’attribue un dispositif lancé par la Région

Marseille, France - October 25, 2019 : A ship of the company

C’est une phrase qui n’a pas échappé à ceux qui suivent le dossier depuis ses débuts. Lors du sommet Climat Chance, Benoît Payan a salué la mise en place du branchement électrique des navires à quai, comme une initiative municipale. Une manière bien commode d’oublier que le dispositif a été conçu, financé et mis en œuvre par d’autres. La Région Sud en tête.

« Je me souviens, il y a dix ans, quand nous portions cette question-là… Les élus riaient. Ils se demandaient comment nous vivions, ce que nous racontions. » Le maire (DVG) de Marseille a le sens de la formule. Et celui du timing. « Dire en 2015 que ce port, comme les autres ports, ne pouvait plus accueillir de navires qui tournent leurs moteurs 24 heures sur 24, ça faisait sourire. Le temps a changé. »

À l’ouverture du sommet Climate Chance Benoît Payan a sorti l’anecdote avec assurance du visionnaire incompris, pionnier moqué avant d’être imité. Mais dans les rangs de ceux qui suivent le dossier depuis le début, la sortie fait grincer.

Car l’électrification des quais à Marseille, ce n’est pas une idée municipale. C’est une politique régionale, lancée bien avant que la Ville de Marseille ne s’y investisse. Dès 2017, le Grand Port Maritime de Marseille engage son programme Cenaq (Connexion Electrique des Navires à Quai). En 2019, la Région Sud s’y connecte avec son plan Escale Zéro Fumée, 30 millions d’euros mis sur la table pour réduire les émissions des navires à quai.

« C’est un peu déplacé »

Il faut attendre 2022 et une pétition citoyenne largement relayée pour que la majorité municipale entre dans la danse. À l’époque, la pollution des croisières est devenue un sujet sensible. Une enveloppe de 10 millions d’euros est votée en conseil municipal en septembre. Mais aucun fléchage précis à ce moment-là. Il faudra attendre un an de plus, jusqu’à l’automne 2023, pour que 6 millions d’euros soient affectés aux activités portuaires, dont 3 à la réparation navale. L’électrification pure ? Elle n’apparaît pas dans les lignes budgétaires.

Du côté du conseil régional, on digère mal l’appropriation politique. « C’est un peu déplacé, juge Christophe Madrolle, élu écologiste régional, offusqué, à la sortie de l’ouverture du Sommet. Ce sujet, on le travaille depuis plus de quatre ans. La mairie de Marseille a mis du temps à venir. Aujourd’hui, elle annonce cela en ouverture du sommet, comme si c’était son projet. »

Le reproche n’est pas tant le soutien tardif – « on ne peut que se féliciter qu’ils aient fini par venir » – que la mise en scène. Une séquence où la Ville joue les premiers rôles alors qu’elle est arrivée au générique de fin.

La charge régionale

Vers 16 heures, la riposte tombe. Dans un communiqué* aux accents de recadrage, la majorité régionale accuse Benoît Payan de « réécrire l’histoire » et d’attribuer à la Ville un chantier auquel elle « n’a jamais voulu prendre part. »

La Région revendique des résultats concrets : -35 % de particules fines soufrées et dioxyde de soufre divisé par 7 dans les ports de Marseille, Toulon et Nice. Autant de données qui, selon elle, illustrent l’efficacité d’un plan structuré et piloté sans la Ville. « Certains découvrent aujourd’hui l’électrification des quais ? Tant mieux. Il n’est jamais trop tard pour se brancher à la réalité. »

Pendant ce temps-là, le port avance

Tandis que la Ville affine ses éléments de langage, le Grand Port Maritime de Marseille branche pour de bon. Une nouvelle phase d’électrification vient d’être lancée, avec près de 70 millions d’euros supplémentaires investis, qui s’ajoutent aux 81 millions déjà engagés ces dernières années.

Objectif : dix nouveaux postes à quai capables d’alimenter trois à quatre paquebots simultanément, répartis sur l’ensemble des bassins Est. Deux seront installés juste en face du Mucem, pour les croisières de luxe. Trois autres, dont deux dès 2025, sont prévus sur le môle Léon-Gourret. À Marseille, l’électrification avance. Avec ou sans storytelling.

N.K.


*article réactualisé avec le communiqué de presse de la Région Sud.