Foot US – Les Blue Stars de Marseille, bien plus que des « amateurs »

Blue Stars
Tous les mardis et jeudis soirs, les Blue Stars de Marseille investissent le stade de Saint-Jérôme, au pied des immeubles du Merlan, pour leurs entraînement de football américain. Photo Benoît Gilles

Parmi les meilleurs clubs français depuis trois ans, les Blue Stars de Marseille et ses 500 licenciés restent un club amateur, aux moyens limités. Plongée dans le quotidien de ses joueurs Élite qui jonglent entre sport, travail et vie de famille, réunis par la passion et beaucoup de débrouille.

Notre-Dame-de-la-Garde veille sur Marseille. Sur toute la cité phocéenne. « De Bonneveine jusqu’aux Aygalades Â», chantait Massilia Sound System. Justement, l’emblème de la ville se retrouve niché jusqu’au cÅ“ur du 13e arrondissement.

À Saint-Jérôme, sur le stade coincé entre les immeubles du Merlan et l’avenue hyper fréquentée menant à l’IUT, la Bonne Mère est brodée sur le torse et imprimée sur le casque des Blue Stars. Elle orne le logo du club de football américain marseillais, entouré d’une étoile évoquant les mythiques Cowboys de Dallas.

Ainsi placés sous la protection divine, ces gladiateurs sportifs des temps modernes constituent la troisième force de France depuis trois saisons, en plus de s’appuyer sur l’un des centres de formation les plus efficaces d’Europe.

Tout ce que nous réalisons, c’est grâce à de l’expertise, de l’engagement, du bénévolat et des partenaires

Didier Della Guardia, le président

Créés en 1994, au bord de la faillite en 2014, les Blue Stars jouent certes dans le championnat Élite pour la 6e année consécutive, et ils sont peu à Marseille à pouvoir se targuer d’évoluer au plus haut niveau national d’un sport collectif (l’OM, le CNM en water-polo et les Spartiates au hockey sur glace).

Mais ils sont loin, très loin, de prétendre au statut professionnel. Même en plein essor, le club de foot US reste totalement amateur. Il affiche un budget riquiqui ne dépassant pas les 300 000 euros, composé pour un tiers par du financement public. Une somme utilisée à destination de ses quelque 500 licenciés, ses six équipes de foot US, sa formation de flag football (discipline olympique en 2028) et son escouade de cheerleading.

Difficile d’exister à l’ombre d’un mastodonte comme l’OM qui phagocyte les esprits, les énergies et l’écosystème financier de la 2e ville de France, malgré la meilleure volonté du monde…

« Cela veut dire que tout ce que nous réalisons, c’est grâce à de l’expertise, de l’engagement, du bénévolat et des partenaires Â», résume le président Didier Della Guardia.

Blue Stars Gwinner
Le quarterback américain des Blue Stars Brandon Gwinner. Photo Benoît Gilles

Aucun joueur professionnel, un seul salarié pour la partie sportive

Sur les plus de soixante joueurs composant le roster (l’effectif) de l’équipe première, aucun n’est professionnel. Le directeur sportif et head coach Bavuong Souphanthavong est le seul salarié de la partie sportive, bien aidé par des alternants Armel Saïz et Maé Georges, en charge de la communication et de l’événementiel.

Les autres entraîneurs sont défrayés, tout comme les « imports Â», les deux recrues américaines (Brandon Gwinner et Dejion Lynch cette saison). La très grande majorité des joueurs payent leur licence (290€ pour les seniors, cotisation au club comprise), participent même aux frais de déplacement pour les matchs à l’extérieur (5€) et ne bénéficient d’aucune rémunération en contrepartie. Sans oublier les frais pour l’achat ou la location du matériel, obligatoire : casque, épaulières, crampons, gants…

« On reste un sport amateur Â», confirme Bavuong Souphanthavong. D’ailleurs, une seule formation est semi-professionnelle dans l’Hexagone, puisque les joueurs ne sont recrutés que pour six mois de l’année : les Mousquetaires de Paris, qui évoluent dans la Ligue européenne ELF.

« Les joueurs travaillent à côté, ils jouent au foot sur leur temps libre et rognent sur leur vie de famille, ils ont parfois un enfant à faire garder, poursuit celui que tout le monde appelle « Bav Â». On doit prendre en compte cela. Â»

Ils sont étudiants, agents de sécurité ou immobiliers, comptables…

Étudiants, agents de sécurité ou immobiliers, commerçants, comptables, policiers, logisticiens… À l’image des gabarits très variés, toutes les catégories socio-professionnelles sont représentées au sein de l’effectif marseillais.

Alors, les soirs d’entraînement (deux par semaine) rythmés par du rap joué en permanence par une puissante enceinte, les joueurs arrivent au compte-goutte, certains même après le début de l’échauffement. La plupart se changent dehors, sur le bord du terrain, alors que le bâtiment municipal est pour le moins vétuste.

À 19 ans, le beau bébé Youssef Nettar, international U20, n’a pas de raison d’arriver en retard : après avoir quitté en janvier son BTS analyses de biologie médicale, l’offensive linemen (rempart principal pour bloquer l’accès à son quarterback) intervient dans le périscolaire à la pause méridienne et l’après-midi, ce qui lui permet également d’aller chaque matin à la salle de sport.

De son côté, Lionnel Zahariou fait « parfois Â» partie des retardataires cette saison, en raison de ses « nouvelles responsabilités Â» (team manager chez Nike aux Terrasses du Port) et du fait qu’il a encore loupé l’examen du permis de conduire. « L’an dernier, j’étais à l’heure ! Là, c’est plus difficile. Si Ã§a ne tenait qu’à moi, je serais ponctuel Â», explique le wide receiver, qui réussit toutefois à se libérer le week-end pour les matchs.

Photo B.G.

On essaie de fixer un cadre, mais il faut aussi s’adapter au rythme de chacun. Nous faisons un sport très exigeant pratiqué par des passionnés

Bavuong Souphanthavong, le directeur sportif du club et head coach de l’équipe Élite

« On essaie de fixer un cadre, mais il faut aussi s’adapter au rythme de chacun. Nous faisons un sport très exigeant pratiqué par des passionnés Â», résume Bavuong Souphanthavong, arrivé en 2016 quand le club végétait en Division 3.

La passion pour leur sport, voilà certainement ce qui lie profondément les Blue Stars. Et leur permet d’accepter plus facilement toutes les concessions, familiales et/ou sociales, et les efforts à fournir jusqu’au mois de juin. Le 28 précisément, date de la finale du Casque du Diamant, organisée à Chambéry.

Une routine pour éviter « de faire n’importe quoi »

« Je vais à la salle de muscu à 5 h du mat’, puis je file au travail jusqu’à 17h45, avant d’enchaîner sur l’entraînement, détaille Emmanuel Ntoumtoum, running back sur le terrain et conseiller bancaire au Crédit agricole à la ville. Comme j’ai toujours fait du foot US, ça fait partie de ma routine. Depuis le lycée, ça n’a jamais changé. Â»

« On est amateurs, donc cela nécessite une vraie gestion de l’agenda au quotidien. Ça permet d’avoir une vie structurée, au lieu de faire n’importe quoi Â», appuie-t-il.

L’humain, la formation des éducateurs et l’accompagnement des jeunes

Faute de tribunes à Saint-Jérôme, l’équipe Élite investit le stade Delort pour disputer ses matchs à domicile, à deux pas du Vélodrome. Les spectateurs viennent en masse, assistant à un vrai show, signe d’un véritable capital sympathie de la part du public marseillais.

Pour rester attractifs, malgré l’important turn-over de joueurs au gré des mutations professionnelles ou changement de vie, les dirigeants des Blue Stars misent sur l’humain, un tropisme indéniable pour Marseille ou encore la formation des éducateurs. Mais le club installé dans les quartiers Nord se fait fort d’une vocation sociale en ne lésinant pas sur l’accompagnement des jeunes.

« Quand on constitue notre effectif, on est dépendant des bonnes volontés de chacun, alors on met en avant le projet sportif, les installations, la qualité du coaching et les résultats sportifs pour attirer, précise Bavuong Souphanthavong. Et après, on essaie de faire au mieux avec ce qu’on a, ce qui est déjà très bien. Â»

Photo B.G.

Victoire impérative samedi face aux Argonautes d’Aix au stade Delort

Finaliste du championnat de D1 en 2023, stoppé en demie l’an passé, le club marseillais nourrit encore de grandes ambitions pour 2025, même si le début de saison n’est pas parfait. Après deux victoires, un nul et deux revers, il reçoit ce samedi son voisin aixois des Argonautes (20h), au stade Delort, à l’occasion de la 7e journée du championnat (*). La victoire sera impérative pour continuer à croire à l’objectif d’atteindre le dernier carré.

« On veut essayer de rattraper petit à petit notre retard sur les meilleurs clubs (Thonon, La Courneuve, Ndlr), explique Bavuong Souphanthavong. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bÅ“ufs, travailler sereinement, sérieusement. Ça reste du sport ; au soccer, le PSG ne gagne pas chaque année mais il le fait huit fois sur dix. C’est à peu près la même chose pour nous avec les Black Panthers et le Flash. Par rapport à nos capacités, finir tout le temps de deuxième serait déjà pas mal. Â»

Benoît Gilles

* Prévu le 1er février dernier, le derby entre Argonautes d’Aix et Blue Stars de Marseille comptant pour la 2e journée du championnat Élite n’avait pu se tenir, le terrain du stade Carcassonne étant impraticable. Reporté au 26 avril, le match aller se jouera donc après la rencontre retour.

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