
Issues de deux générations différentes, l’expérimentée Albane Dubois et la talentueuse Chloé Revil allient leurs qualités et leur énergie débordante à Marseille, dans la course aux Jeux olympiques 2028, en 49er FX.
Leurs routes ont bien failli se croiser voilà trois ans. Au sortir des Jeux olympiques de Tokyo, après sa 9e place avec Lili Sebesi en 49er FX, Albane Dubois désirait prolonger la quête des anneaux jusqu’à Paris 2024.
Faute de trouver une barreuse remplaçante, son mari François se mue en « agent sportif » de fortune, sans même la prévenir : il contacte sur Facebook Chloé Revil, alors tout fraîchement sacrée championne du monde de 29er (prononcez « twenty-niner », plus communmément appelé « twenty », le petit frère du forty-niner) et lui demande si, à tout hasard, elle ne chercherait pas une équipière pour tenter l’aventure des Jeux de Paris.
Chloé Revil, 18 ans à ce moment-là , refuse poliment, d’autant qu’elle s’était engagée dans l’expérience kitefoil, qui allait justement entrer au programme olympique en 2024.
Mais un gabarit trop léger – même si elle s’est charpentée de dix kilos durant son passage au pôle France de La Grande Motte – et l’écrasante domination de Lauriane Nolot (double championne du monde, médaillée d’argent olympique à Marseille) la feront revenir vers ce dériveur double de 4,90 m de long…
Réunies trois ans après un rendez-vous manqué
Car son but, non, sa volonté intime est de « disputer les JO », pour suivre la trace de son père Xavier, barreur du Tornado tricolore à Pékin 2008 (15e) en compagnie de Christophe Espagnon (11e) lors de la dernière apparition olympique de ce catamaran.
Trois ans après un premier rendez-vous manqué, Albane Dubois et Chloé Revil se rencontrent donc finalement en septembre dernier. C’était lors d’un stage à destination de la « génération 2028 » de la voile (les jeunes U21 et U23), venus à la rencontre des athlètes olympiens 2024 dans les locaux du pôle France, à la base nautique du Roucas Blanc.
« Albane m’a été servie sur un plateau », rigole Chloé, qui effectuait alors des essais avec Manon Peyre. La native de Savoie (21 ans) saute sur l’occasion et embarque avec Albane. « Un mois de navigation a été nécessaire pour apprendre à se connaître », expliquent-elles, avant de sceller leur engagement.



Albane Dubois, 9e à Tokyo et manager du centre de tri des déchets à Paris 2024
Depuis Tokyo, Albane n’a pas été inactive : elle s’est essayée fugacement au 470 avec Hippolyte Machetti, au Nacra avec Franck Cammas, a disputé deux Tours de France à la voile (dont un projet 100% féminin en 2023) et fut Waste agence manager (manager du centre de tri des déchets) pendant les JO, à la marina de Marseille.
« Je me suis dit : ‘Mais qu’est-ce que je fous les mains dans les déchets ?. Je devrais être sur l’eau en train d’aller chercher la médaille !’ Ce fut l’élément déclencheur, je savais que j’allais revenir à un moment donné », décrit Albane Dubois.
C’est ainsi qu’AC Racing FX est né, avec l’ambition non dissimulée de décrocher la seule place pour représenter la France aux JO 2028 sur ce support et « décrocher l’or olympique aux Jeux de Los Angeles 2028 ».
Un duo décapant, hétéroclite, qui mêle d’un côté l’expérience et la force pure d’Albane Dubois (33 ans le 1er avril prochain) en équipière modèle et, de l’autre, la fougue et la passion de la voile serinée au-dessus du berceau de Chloé Revil, bientôt 22 ans dont 17 ans passés à naviguer.
Entre deux béliers, forcément, ça fonce…
Le tout bâti sur un socle solide, commun, fait de détermination, d’ambition et de méticulosité. « Chloé est l’équipière parfaite pour moi, de par son expérience et son gabarit », remarque la plus jeune et la plus menue.
Forcément, entre deux béliers, ça fonce… « Il fallait quand même que ça matche entre nous, rembobine Albane, la Nordiste installée à Marseille depuis 2014. Le forty est un support en double, où chacun est différent, réagit différemment. La base consiste à apprendre à vivre ensemble et à trouver un bon feeling, une bonne coordination. »
On passe notre vie à travailler sur ce projet. On est tellement passionnées que ça nous convient de venir tous les jours au pôle France
Chloé Revil
« Ce qui nous rassemble et qui fait que l’entente est bonne, c’est que nous sommes hyper engagées tous les deux, ajoute Chloé, étudiante en école de kiné. On passe notre vie à travailler sur ce projet. On est tellement passionnées que ça nous convient de venir tous les jours au pôle. Il n’y en a pas une qui fait vraiment beaucoup et l’autre qui se laisse porter. »
Durant cet hiver, mêmes lors des week-ends sans sortie en mer, le binôme s’attelait à bichonner le bateau et à toutes sortes de tâches : suer en salle de muscu pour la préparation physique, poser les stickers sur les voiles, peaufiner un « dossier carré pour partir à la recherche de partenaires » (Dubois), l’autre pilier de leur route devant les mener jusqu’à Los Angeles en 2028.

Palma et Hyères pour commencer à préparer les Mondiaux, en octobre
Sans forcer leur nature, les deux femmes diffusent une énergie puissante, un dynamisme contagieux. Même si elles sont encore aux balbutiements purement techniques à bord de leur embarcation, il n’est pas rare de les voir répéter une idée identique, signe qu’elles sont sur la même longueur d’onde.
Reste le plus fastidieux : trouver leurs marques et perfectionner leur osmose à bord de ce bateau instable, épris de vitesse, doté d’un double trapèze au bout duquel les deux régatières se suspendent à l’horizontale, pour obtenir un effet de levier maximal.
« L’étape de la découverte pour Chloé est bien passé et désormais, on commence à discuter sur des points pour aller chercher plus précis, de plus en plus pointilleux », confie Albane Dubois, notamment les navigations « avec beaucoup de vent, au-dessus de 15 ou 20 nœuds ».
Le 84, comme le duo médaillé aux JO 2024 Picon – Steyaert
Leur tableau de marche est tout tracé. Elles ont sept mois pour « bien se préparer » en vue des Mondiaux de 49er à Cagliari, mi-octobre. Ça passera par la première coupe du monde à Palma de Majorque à partir de la semaine prochaine (28 mars-5 avril) puis par la Semaine olympique française à Hyères (19-26 avril).
Le duo AC Racing se présentera « sans exigence de résultat », simplement animé par l’envie de constater une progression au fil de l’eau. À bord d’un bateau au passé glorieux, vice-champion du monde en 2018 avec Mathieu Frei et Noé Delpech.
Ce forty fut aussi l’embarcation d’entraînement de Sarah Steyaert et Charline Picon durant leur préparation menant à la médaille de bronze olympique dans la rade de Marseille à l’été 2024. Petit clin d’œil de l’histoire : Albane Dubois et Chloé Revil ont désiré conserver le numéro 84 de leurs glorieuses devancières…
Benoît Gilles
L’équipage AC Racing FX s’appuie sur une association, appelée Vue Mer : elle collecte dons et subventions qui serviront à financer leurs projets sportifs.
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