Un parc fluvial XXL pour transformer le nord de Marseille

© Michel Desvigne

Un nouvel écrin de verdure prend racine au cœur du nord de Marseille, sur l’ancienne gare du Canet. Objectif : restaurer le ruisseau des Aygalades et offrir un souffle écologique aux quartiers environnants. Un chantier titanesque pour 2031.

Marseille a longtemps tourné le dos à ses cours d’eau. Enfouis sous des décennies d’urbanisation frénétique, les ruisseaux qui sillonnaient la ville n’étaient plus que des souvenirs enterrés sous le bitume. Mais la tendance s’inverse.

Après le parc Bougainville, c’est au tour de l’ancienne gare du Canet d’être reconquise par la nature. Exit les rails, place à un parc fluvial de 16 hectares, qui s’étirera jusqu’au boulevard du Capitaine Gèze.

Le projet, porté par Euroméditerranée, a d’ailleurs été mis en avant cette semaine lors du Mipim 2025 à Cannes, le grand salon international de l’immobilier. Une vitrine stratégique où les porteurs du projet ont présenté cette transformation comme un modèle de renaturation urbaine et d’adaptation climatique.

Un moment clé marqué par la signature de la cession, sur le stand de One Provence, des derniers fonciers ferroviaires entre SNCF Immobilier, l’Établissement Public Foncier Paca et Euroméditerranée, officialisant ainsi le lancement effectif du projet. « La valorisation de la gare de marchandises du Canet caractérise parfaitement la renaturation des espaces fonciers en cÅ“ur de ville et la requalification de sites industriels dégradés en faveur de la végétalisation et du rééquilibrage des milieux urbains », a exprimé Laure-Agnès Caradec, présidente d’Euromediterranée. Cette acquisition porte à 25 hectares la surface totale dédiée à la renaturation, permettant enfin le lancement concret.

© Michel Desvigne.

Un fleuve vert au cœur de la ville

Ce projet n’est pas un simple parc paysager, c’est avant tout un ouvrage hydraulique. Imperméabilisation des sols, inondations à répétition, absence de filtration naturelle des eaux de pluie… Pendant des décennies, les quartiers alentour ont subi les contrecoups d’une urbanisation galopante.

Avec la renaturation des ruisseaux, la logique s’inverse. Deux kilomètres de cours d’eau, aujourd’hui canalisés sous terre, seront recréés avec un tracé sinueux inspiré des vallons provençaux. L’objectif est de ralentir le flux, éviter les crues soudaines et restaurer un cycle naturel longtemps brisé.

Pour Michel Desvigne, maître d’œuvre du projet, « le parc ne doit pas être conçu comme une infrastructure figée, mais comme un paysage vivant, capable d’évoluer avec le temps et de répondre aux défis climatiques. Nous créons un système qui fonctionne avec l’eau, et non contre elle. »

Le dispositif est ambitieux. La topographie du site sera remodelée pour créer un lit mineur, où l’eau s’écoulera en permanence, et un lit majeur, capable d’absorber les crues sans dommages.

Ces nouvelles zones humides joueront un double rôle : accueillir une biodiversité adaptée et réduire le risque d’inondation pour les habitants en aval. Contrairement aux bassins de rétention classiques, ici, l’eau ne sera pas enfermée mais intégrée dans un écosystème vivant, capable de s’auto-réguler.

© Michel Desvigne

Un trait d’union entre les quartiers

Derrière le projet se cache aussi une ambition sociale. Coincés entre infrastructures routières et friches industrielles, les quartiers du Canet, des Crottes et de Bougainville ont longtemps souffert d’un enclavement physique et symbolique.

Le parc du ruisseau des Aygalades entend changer la donne. Grâce à ses multiples traversées et sa grande passerelle piétonne, il deviendra un véritable pont entre ces territoires, favorisant de nouveaux usages et une meilleure connexion entre les habitants.

Le défi est de taille. Comment faire cohabiter sport, loisirs et préservation environnementale ? La réponse se trouve dans une programmation modulable et inclusive.

Aires de jeux, terrains de sport et promenades côtoieront des espaces plus sauvages, où l’intervention humaine sera minimale. L’idée est de proposer un parc accessible à tous, tout en laissant place à la spontanéité. Un équilibre délicat, qui repose sur une approche innovante de l’aménagement urbain.

© Michel Desvigne

« C’est un écosystème méditerranéen qui est recréé, en prenant en compte la ressource en eau. Ce parc permettra de nombreux usages, à la fois pour les Marseillais et pour les habitants des communes avoisinantes. Ce sera comme un second parc Borély, tout en prenant en compte le risque d’inondation », souligne Laure-Agnès Caradec, présidente d’Euroméditerranée.

Rome ne s’est pas faite en un jour, et ce parc non plus. Le calendrier est ambitieux. Après une phase d’études et de concertation jusqu’en 2027, les travaux s’étaleront jusqu’en 2031. Un investissement de 64 millions d’euros pour un projet qui se veut exemplaire en matière de transition écologique. Un test grandeur nature pour une ville qui rêve de réconcilier urbanisme et nature.

N.K.