Martine Vassal veut inscrire son action dans le temps long. En lançant des groupes de travail réunissant des experts de la société civile, elle mise sur une réflexion collective pour façonner l’avenir du territoire métropolitain plus proche des attentes des concitoyens.
Ils sont experts en sécurité, éducation, culture, environnement, économie ou mobilité. Ils ne sont pas élus mais ont accepté de plancher sur l’avenir du territoire.
À l’initiative de Martine Vassal, une vingtaine de personnalités issues de la société civile vont se réunir régulièrement pour dessiner une vision collective de la métropole Aix-Marseille-Provence, avec pour objectif d’anticiper les défis de demain au-delà du calendrier électoral. Un espace de réflexion censé anticiper les grands défis du territoire et tracer une vision à long terme.
« L’idée n’est pas de faire de la politique politicienne, mais de structurer une gouvernance efficace et cohérente », insiste la présidente de la Métropole et du Département, ce lundi matin, à la brasserie Paulaner, lors du lancement des groupes de travail Pour une Provence Forte.
L’exercice n’est pas nouveau. Mais l’enjeu désormais est capter les transformations en cours et ajuster les politiques publiques à une réalité qui bouge à grande vitesse. « Les experts d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. Il faut s’adapter en permanence, prendre en compte les évolutions, les nouvelles attentes et la rapidité des changements », souligne Stéphane Soto, coordinateur de ces groupes de travail.

Des thématiques stratégiques
Pascal Ausseur, ancien militaire et directeur de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, évoque d’ailleurs une « période de rupture historique », nécessitant des réponses anticipées sur des thématiques majeures : sécurité, santé, transports, environnement. « Le sport est transversal », rappelle André Giraud, ancien président de la Fédération française de ski. « On voit le sport à travers la performance, mais il touche aussi à l’éducation, à la santé, à l’emploi, à l’inclusion des personnes en situation de handicap. Il faut en faire une politique volontariste. »
Robert Ciampi, proviseur et co-responsable du groupe de travail sur l’éducation, partage cette vision d’une approche globale. « L’école est le cœur battant de la société. Mais aujourd’hui, la jeunesse peine à y trouver du sens. Il est essentiel que les collectivités ne soient plus seulement des machines à sous, mais de véritables partenaires pour reconnecter l’école à la réalité. »
L’environnement, lui aussi, impose une vision renouvelée : « La ville de demain ne sera pas celle d’aujourd’hui », souligne Daniel Nahon, professeur émérite de l’Université Aix-Marseille et à l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence. « Le changement climatique s’accélère, l’intelligence artificielle bouleverse nos modes de vie, et des mutations politiques et sociales profondes s’enchaînent. Il est impératif de penser une approche cohérente qui prenne en compte ces bouleversements. » Son groupe de travail réunira des experts de l’eau, du climat, des forêts et des sols pour proposer des solutions adaptées aux réalités locales et globales.
Une Provence tournée vers l’international et la culture
Quant aux relations internationales, l’avocate et première femme bâtonnière de Marseille (2017), Geneviève Maillet, entend replacer la Provence sur l’échiquier mondial. « Marseille a toujours été un comptoir d’échanges. Nous devons restaurer une Provence internationale en relais de confiance », plaide-t-elle, rappelant que l’attractivité économique et culturelle du territoire passe aussi par une ouverture à l’international.
Sur le volet culturel justement, la réflexion s’ancre dans une volonté de repositionner la métropole comme un acteur majeur de la création. « Marseille ne doit pas être qu’un réceptacle d’œuvres venues d’ailleurs, mais redevenir un pôle de création capable d’exporter son savoir-faire », insiste Patrick Malakian, « l’artiste de la famille ». Le réalisateur prône notamment l’instauration d’un label Provence, garant d’une identité forte et d’un rayonnement à l’international. « L’art est partout, il suffit de lui donner les moyens d’exister. »
Un travail collectif, soutenu par plusieurs mouvements
Ce travail de fond, coordonné par Stéphane Soto, se veut avant tout pragmatique : « Il ne s’agit pas de produire un rapport de plus, mais des solutions concrètes, mesurables et applicables. »
« Ces groupes de travail sont le premier élément pour réduire le fossé entre les élites et les citoyens », ajoute Jean-Joseph Jamgotchian, qui évoque « le sens commun ». « Les réformes se mènent d’en bas, et si ces groupes apportent des idées nouvelles, ils doivent surtout s’assurer qu’elles soient comprises et appropriées par la population. »
Si ces groupes de réflexion sont pilotés sous l’impulsion de Martine Vassal, – qui y assistera régulièrement – ils ne travaillent pas en vase clos. D’autres mouvements sont dans la boucle, comme Une Génération pour Marseille ou encore Marseille à Cœur, porté par Frédéric Collart. L’idée : élargir le spectre, multiplier les contributions et structurer une dynamique d’ensemble. Quant au financement, il repose sur le micro-parti Marseille Provence Unie, qui assure les moyens nécessaires à cette mobilisation d’experts et de personnalités de la société civile.
2026 en ligne de mire ?
Mais derrière cette ambition affichée, une question demeure : Martine Vassal envisage-t-elle 2026 ? « Je ne suis pas dans ces débats », élude-t-elle, préférant mettre en avant une réflexion de long terme sur l’avenir du territoire. Elle insiste sur l’importance d’une métropole structurée sur laquelle elle entend bien garder la main et capable d’anticiper les défis à venir : « Une Provence forte, c’est une Provence qui protège ses habitants, engagée, qui anticipe et qui agit. »
Mais l’équation électorale est loin d’être figée. « La vision pour le territoire ne peut pas être décorrélée de celle pour Marseille », souligne Sylvain Di Giovanni, porte-parle de Marseille Provence Unie, insistant sur l’imbrication des enjeux métropolitains et municipaux et sur la nécessité d’une réflexion d’ensemble avant de parler d’incarnation pour 2026.
D’autant que l’horizon institutionnel, lui, reste flou. Entre la réforme de la loi PLM, qui pourrait modifier le mode de scrutin des municipales à Marseille, et l’incertitude entourant les élections métropolitaines, les règles du jeu ne sont pas encore fixées. « J’attends de savoir dans quel cadre nous évoluerons », glisse-t-elle, laissant en suspens la question de ses ambitions.
Avec cette initiative, la présidente de la Métropole et du Département des Bouches-du-Rhône s’adresse autant aux experts qu’aux électeurs. Un positionnement stratégique qui lui permet de prendre de la hauteur, tout en restant au cœur du jeu. Reste à voir si ce laboratoire d’idées produira des solutions concrètes… ou s’il servira surtout à installer son nom dans le débat public, en vue de 2026. Les premières conclusions sont attendues avant l’été.
Narjasse Kerboua