Décarboner sans délocaliser, le pari industriel de la région Sud

Les entreprises du territoire accélèrent leur transition énergétique, soutenues par une feuille de route commune signée entre la Région, la Métropole et l’État. De l’aviation aux aciéries, en passant par le solaire et l’éolien offshore, la décarbonation est un enjeu autant économique que stratégique pour préserver l’emploi et la compétitivité.

C’est la grande ambition industrielle de la Région Sud : faire du golfe de Fos un modèle européen de décarbonation et de réindustrialisation. Une bataille où se jouent à la fois la souveraineté économique, l’attractivité du territoire et l’avenir de milliers d’emplois.

Pour marquer le coup, le président de la Région, Renaud Muselier, recevait jeudi 27 à l’Hôtel de Région le ministre de l’Industrie et de l’Énergie, Marc Ferracci, ainsi qu’une assemblée de grands patrons et d’élus locaux. Objectif : faire le point sur les avancées des entreprises et sceller un engagement politique en faveur de l’industrie bas-carbone.

Le ministre de l’Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci, s’est voulu rassurant sur le soutien de l’Etat aux entreprises du territoire. © M.B

Un défi existentiel

Les entreprises sont donc à pied d’œuvre pour transformer leurs modes de fonctionnement et diminuer leur dépendance aux énergies fossiles. C’est le cas d’Air France-KLM, pour qui la « transition écologique est existentielle », et qui s’appuie sur le renouvellement de sa flotte avec des « appareils nouvelle génération qui consomment moins de carburant et émettent 20 à 25% de CO₂ en moins », témoigne Vincent Etchebehere, vice-président du groupe en charge du développement durable.

Ce changement représente, selon lui, plus d’un milliard d’euros d’investissements par an pour viser le remplacement de 70% de la flotte d’ici 2030. Des efforts indispensables, « mais pas suffisants pour assurer la trajectoire de décarbonation compatible avec les accords de Paris. C’est tout l’enjeu du dernier levier, celui des carburants d’aviation durable, le SAF, produit à partir de déchets organiques. »

Aux côtés du président de la Région Sud, Renaud Muselier, le ministre de l’Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci, a noté le dynamisme de la région et a souligné la coopération et le travail collectif en matière de décarbonation. La Région accompagne la mutation du tissu économique pour conjuguer compétitivité et réduction des émissions. © M.B.

Un développement qui sera, par ailleurs, appuyé en région par la bioraffinerie de La Mède, gérée par TotalEnergies : « On va démarrer à partir du mois de juin une unité pour produire le SAF, confie Jean-Michel Diaz, directeur régional de la multinationale. On a passé un accord avec l’aéroport d’Aix-Marseille-Provence pour les fournir. Il n’y aura pas deux schémas équivalents en France aussi courts, avec un site de production situé à 8 km d’un site de consommation. »

De son côté, Ascometal, repris il y a quelques mois par l’industriel de l’acier italien Marcegaglia Steel, doit lui aussi passer le « cap existentiel de la décarbonation ». Son président et dirigeant, Antonio Marcegaglia, promet la réduction de « 80% des émissions de CO₂ par tonne d’acier » grâce à l’implémentation de fours électriques.

S’appuyer sur de nouvelles sources d’énergie

La région présente de nombreux atouts pour diversifier les sources d’énergie, avec des projets de développement autour de l’hydrogène ou du nucléaire. Christophe Bourmaud, directeur du CEA de Cadarache (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), rappelle que « la fusion nous a permis de placer la région Sud et la France au premier plan de la recherche nucléaire pour le futur », notamment avec le record mondial, il y a quelques semaines, du maintien d’un plasma, ce gaz qui, à très haute température, pourra apporter les conditions nécessaires au processus de fusion.

En attendant ces innovations, d’autres projets concrets sont en cours. C’est le cas, par exemple, de l’éolien flottant : « On a le bénéfice d’avoir un projet pilote aujourd’hui ancré en pleine mer, avec trois éoliennes de 25 mégawatts, soit l’équivalent de la consommation de 45 000 habitants », évoque Frédéric Busin, délégué régional d’EDF.

L’énergie solaire est également appelée à devenir un fer de lance du territoire, avec l’implantation de la gigafactory Carbon à Fos pour la production de panneaux solaires. « C’est le seul projet européen qui intègre toutes les étapes clés de la fabrication d’un panneau solaire », mentionne Pierre-Emmanuel Martin, président de l’entreprise.

35 millions d’euros de l’État en faveur Airbus Helicopters

Pour passer le cap de la décarbonation, les entreprises du territoire attendent d’être soutenues. « Le développement de ces filières en France est absolument essentiel. C’est maintenant que les investissements doivent être faits, parce que la concurrence internationale s’intensifie beaucoup sur ce secteur », martèle Vincent Etchebehere, de KLM, à propos des SAF.

Développer mais aussi conserver les industries sur le territoire reste la priorité. Le ministre Marc Ferracci, en visite à Marignane hier en début d’après-midi, a ainsi annoncé un soutien de l’État en faveur d’Airbus Helicopters à hauteur de 35 millions d’euros pour des projets d’investissement. « Ils ont des demandes pour aller ailleurs, notamment en Allemagne, où ils ont une chaîne de productivité moins chère que la nôtre. Si on ne les aide pas, ils s’en vont », appuie Renaud Muselier.

Signature de la feuille de route entre l’Etat, la Région Sud et la Métropole Aix-Marseille Provence. De g. à d. Martine Vassal, présidente de la Métropole, Renaud Muselier, président de la Région Sud, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, du ministre de l’Industrie et de l’Énergie, Marc Ferracci et du préfet de Région, Georges-François Leclerc. © Yann Bouvier

Le président de la Région a profité de la visite du ministre pour signer, conjointement avec la présidente de la Métropole, Martine Vassal, et le préfet de région, Georges-François Leclerc, la feuille de route 2025-2030 pour le développement industriel du golfe de Fos – Étang de Berre.

Elle doit permettre de fluidifier l’établissement et l’accompagnement de grands projets industriels pour la zone sur la base d’une vision politique commune. « On veut faire de Fos la première zone européenne de décarbonation et de réindustrialisation. C’est le seul endroit où il y a autant d’espace et de capacité de développement », ambitionne Renaud Muselier.

Marlène Bergès


Les chiffres clés

  • 59 % du chiffre d’affaires export en région Sud, soit 13,9 milliards d’euros, un levier pour attirer des investissements verts.
  • 426 000 emplois liés à l’industrie, dont 164 000 directs, touchés par la transition énergétique.
  • 2e région de France pour la production d’énergie renouvelable, avec une ambition renforcée pour l’éolien offshore et le solaire.
  • 15,02 TWh de solaire en toiture prévus d’ici 2030 pour accélérer l’autonomie énergétique.
  • 92,8 millions d’euros investis dans l’économie maritime, un secteur clé pour le développement durable et la logistique bas-carbone.
  • 203,7 millions d’euros mobilisés pour la transition énergétique, combinant innovations industrielles et solutions bas-carbone.

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