Une centaine d’entreprises décrochent le label « Fabriqué à Marseille »

© Savonnerie Le Fer à Cheval.

La municipalité doit valider la première promotion de son label « Fabriqué à Marseille » qui distingue 99 produits et 8 ateliers de fabrication. Un macaron censé garantir une production locale et protéger un savoir-faire. Un cadre rassurant, mais qui laisse entier le flou juridique et l’absence de contrôle sur certaines appellations.

Marseille veut protéger ses productions. Une centaine d’entreprises vont pouvoir estampiller leurs produits du tout nouveau label « Fabriqué à Marseille ». Une distinction censée garantir une fabrication effective dans la ville, alors que la confusion règne encore sur certains emblèmes locaux.

Face à ces paradoxes, la Ville a voulu trancher. Seuls les produits fabriqués ou transformés dans le périmètre marseillais pourront arborer ce label. La première promotion regroupe 99 produits et 8 lieux partagés de fabrication [voir liste complète en fin d’article]. Dans la liste, un inventaire qui oscille entre traditions et créations contemporaines.

Les produits alimentaires, en tête de gondole, s’étalent du pastis Cristal Liminana aux bières artisanales de Zoumai ou Soiffe, en passant par les madeleines de Mary Madeleine. Le sucré, le salé, et du café pour faire passer le tout, qu’il soit signé Ben Mouture ou Henry Blanc.

L’univers de la mode et des accessoires, lui, joue la carte de l’upcycling, à l’image des vêtements de MIKI ou des sacs de SYSTEME. L’angle durable imprègne aussi l’univers de la maison : affiches, céramiques et mobilier de designers s’installent sous la bannière du fait-main local, entre les créations de TerreAmandine, Gravadusud ou Monochromic.

Le label fait également une place aux productions manufacturées, du couteau artisanal aux enceintes solaires, en passant par les légendaires savons de la Licorne et du Serail, toujours en quête d’une appellation protégée.

Lieux de fabrication sous contrôle

Au-delà des produits, la municipalité entend aussi labelliser huit ateliers partagés, véritables pôles de production qui hébergent une nouvelle génération d’artisans. Du Campus des métiers de la mode au Collectif Artem (Atelier Materia), ces espaces de fabrication collective affichent leur ancrage marseillais.

L’objectif ? Assurer une cohérence entre le label et les infrastructures de production. Pas question de voir « Fabriqué à Marseille » devenir un slogan vidé de son sens. D’où la vigilance promise par la municipalité sur l’octroi du macaron et son attribution pour trois ans seulement.

Marseille peut-elle revendiquer son terroir ?

Cette initiative s’inscrit dans la feuille de route économique municipale, sobrement baptisée « Marseille accélère ! ». Si la volonté de structurer les productions locales et de leur donner plus de visibilité est manifeste, la question de la reconnaissance nationale et européenne demeure. Car pour l’instant, « Fabriqué à Marseille » ne protège juridiquement rien.

L’Union européenne encadre les signes de qualité à travers des labels stricts : Appellation d’Origine Protégée (AOP), Indication Géographique Protégée (IGP) ou encore Spécialité Traditionnelle Garantie (STG). Or, la plupart des productions marseillaises restent en dehors de ces cadres.

Le savon de Marseille incarne à lui seul les paradoxes de certaines productions locales. Les deux principaux fabricants mondiaux ne sont ni français ni européens : la Chine et la Turquie inondent le marché de savons qui n’ont souvent de marseillais que l’étiquette. Aujourd’hui, aucune protection réglementaire ne s’applique à cette appellation.

Le pentagone napoléonien, censé garantir une production marseillaise, reste en théorie un repère. Mais son application nécessiterait de nouveaux décrets d’application, comme l’a souligné la sénatrice (LR) Valérie Boyer dans une question à l’ex-Premier ministre, Michel Barnier. En l’absence de cette mise à jour réglementaire, il demeure un marqueur imparfait, laissant aux consommateurs le soin de distinguer les savons réellement fabriqués à Marseille de ceux respectant encore la recette traditionnelle.

Si ce nouveau label met l’accent sur le patriotisme économique autour de ce produit emblématique, il ne résout pas pour autant la confusion qui entoure son identité. L’absence d’un organisme notifié ajoute une nouvelle faille au système. Aujourd’hui, n’importe quel fabricant peut apposer la mention « fait à Marseille » sans avoir à se conformer à un contrôle spécifique.

Le dossier de l’IGP, en attente depuis 2016, illustre l’inertie des pouvoirs publics face à ces enjeux. Même si elle était accordée, la situation resterait inchangée. Les contrefaçons venues de l’étranger continueraient d’affluer, et sur le marché français, le savon de Marseille restant un nom générique, impossible à monopoliser pour ses fabricants historiques.

Le cas de l’huile d’olive marseillaise illustre aussi cette complexité. Avec 5 000 oliviers sur le territoire, la production locale existe bel et bien, notamment au Moulin de Florette dans les quartiers nord. Mais impossible de décrocher une AOP propre à Marseille, et hors de question d’être englobé sous l’appellation AOP Aix-en-Provence. Un vide juridique qui freine le développement du secteur et interroge sur l’avenir des produits marseillais face à la standardisation des labels.

Si le « Fabriqué à Marseille » cherche à affirmer un ancrage territorial, il ne règle pas pour autant la confusion qui entoure encore certains produits emblématiques. Sans reconnaissance nationale ou européenne, le « Fabriqué à Marseille » reste donc une initiative municipale, à saluer sans nul doute, mais sans portée réglementaire. Une étiquette valorisante, certes, mais qui ne garantit ni exclusivité, ni protection face à la réalité des marchés internationaux.


Les 99 produits labellisés « Fabriqué à Marseille » :
Maison Matthieu ; Zema ; Dragées Reynaud ; Cristal Liminana ; bAAM ; Microcosmos ; Zoumai ; La Baleine à Cabosse ; Mary Madeleine ; La Cidrerie Marseillaise ; Ben Mouture ; Les Sablés Marseillais ; Soiffe ; La Pitchoune ; POUR du vin nat(h) ; AVE Racine ; Henry Blanc ; Noailles ; Provence Café ; La Brasserie de la Plaine ; Distillerie de la Plaine ; Coquillettes & Fusilli ; Boulangerie LE20 ; Les Navettes des Accoules ; Chocolaterie Hubert ; La Funambule ; Emacrea ; Labo La Pépite ; Avec Amour ; Mélissa Cortèse Joaillerie ; SYSTÈME ; MIKI ; Mon Petit Cartable ; Famethic ; Joia Bijoux ; Baïxe ; Gomis ; Atelier Royère ; 13 Atipik ; Perturbation ; Espigas ; Maïgo Joyas ; La Main du Cuir ; Salé Collections ; Jup’On ; The Oniro ; Claire Mouret ; La Bobo de Vauban ; Les Minettes en Goguette ; Fil Rouge ; Atelier Regain ; KITX ; Alma Real ; Serge Moutarlier ; Maison Landolfi ; TerreAmandine ; Monochromic ; Atelier Ceracotta ; La Papetière ; Gravé du Sud ; Fille de Lune ; Atelier Arterra ; Elisabeth Pesé ; Kathleen Leroy Céramique ; Julie Mallet Studio ; Caroline Cutaia ; JOG Editions ; Santons Beaumond ; Atelier Poupe ; JL Céramique ; Étoile Errante ; Laurie Restagno ; Made Marseille ; Dans la Nasse ; Atelier Léa Caïe ; Quartalo ; Atelier Soun ; Camille Rovera ; Atelier de Véro ; Allika ; ZE Tapis ; Atelier Coruscante ; La Fraise Corp ; Coutellerie Belle de Mai ; Baliboa ; Coutellerie Dravet ; La Licorne ; La Corvette ; Maison Méditerranée ; Fer à Cheval ; Grainette ; Voilerie Phocéenne ; Pikip Solar Speakers ; Le Sérail ; Trabuc ; Ligérie Guitares ; La Casse aux trésors ; Devisubox ; Studio Senac.

Les 8 ateliers partagés de fabrication :
Fask ; Make It ; Make Ici ; La Réserve des Arts ; Share-Wood Marseille ; Collectif Artem ; Espace Céladon ; Fafouramique – Lucie Passama – Mud Manipulator.