[Vox Méridional] Crise de l’arbitrage : le foot français peut-il encore fermer les yeux ?

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Depuis plusieurs mois (ici Willy Delajod mi-décembre après OM-Lille), le club olympien se sent lésé par les décisions du corps arbitral. Photo Alain Robert

Les propos virulents de Pablo Longoria samedi soir, parlant de « corruption » après la prestation de l’arbitre d’Auxerre – OM, doivent ouvrir le débat et lancer une réflexion globale sur les problèmes structurels dans l’arbitrage du football français.

À l’issue du match d’hier soir, Auxerre – OM, la direction olympienne a mis en cause l’arbitrage, comme un grand nombre d’amoureux du football à Marseille et dans tout le pays. Pablo Longoria déclarant que nous avions à faire là, à « une vraie corruption ».

Les éléments factuels répétitifs démontrant des erreurs de jugements sont problématiques, voire même « honteux », comme l’a qualifié de son côté Fabrizio Ravanelli, le conseiller sportif et institutionnel du club.

En creux, ils affirment que, depuis la suspension de Medhi Benatia par le même arbitre qu’hier soir (Jérémy Stinat) lors du match contre Lille et récemment la suspension de l’international Léo Balerdi, joueur-clé du dispositif olympien, tout le monde ressent comme un malaise.

L’arbitrage ne doit pas être un sujet tabou

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond ces derniers temps. Il est normal que, dans un tel climat, le doute s’installe. Mais chacun doit assumer ses responsabilités surtout lorsque l’idée d’un complot contre l’Olympique de Marseille revient si souvent dans les discussions, notamment à partir de nombreux choix d’arbitrages jugés défavorables.

Les instances du football doivent pousser jusqu’au bout leurs investigations et se demander si ces décisions sont le fruit d’erreurs humaines, d’un biais inconscient ou d’une réelle volonté de nuire.

En tout Ã©tat de cause, si un complot existait, il faudrait identifier qui en tirerait profit. Aujourd’hui, le monde a changé, l’arbitrage ne doit pas être un sujet tabou, l’exigence de transparence qui monte de toute la société dans tous les domaines vaut aussi sur les sujets liés à l’arbitrage dans le sport.

Et donc toutes les hypothèses sont à prendre au sérieux : il y va de la légitimité de l’institution sportive en général et des instances du football en particulier. Le football est un sport où l’erreur fait partie du jeu, et l’arbitrage reste un domaine sujet à interprétation certes, mais d’autres clubs se plaignent aussi de décisions défavorables.

Quelles solutions ?

Il est peut-être venu le temps de voir comment identifier et résoudre les problèmes structurels dans l’arbitrage français qui, incontestablement, manque de cohérence et de transparence. En cela, les déclarations de Pablo Longoria reflètent l’émotion partagée au même degré d’intensité par les Marseillais, elles ont le mérite d’ouvrir le débat.

Car, il y a sans doute des mesures à prendre pour mieux former les arbitres, non seulement sur les règles du jeu, mais aussi sur la gestion des émotions et la prise de décision sous pression. Il faut plus de transparence dans les décisions comme dans d’autres sports, le rugby par exemple, où la diffusion en direct des échanges entre les arbitres et la VAR favorise la compréhension des décisions, ce qui réduirait la suspicion.

Et puis l’arbitrage vidéo doit être utilisé de manière plus cohérente car aujourd’hui, certaines fautes sont revues et d’autres non (l’arbitre vidéo ne peut réglementairement pas intervenir sur l’attribution d’un deuxième carton jaune, comme samedi envers Cornelius, Ndlr), ce qui crée une frustration légitime. Un protocole clair et appliqué uniformément améliorerait la situation.

Trouver des pistes pour rapprocher le corps arbitral des entraîneurs et des joueurs

Mais en poussant plus loin, pourquoi ne pas établir un système d’évaluation plus transparent des arbitres, avec des sanctions et des formations continues en cas d’erreurs répétées ? En France, tous les arbitres ne sont pas professionnels à plein temps, ce qui peut impacter la préparation et la performance. Alors pourquoi ne pas augmenter le nombre d’arbitres professionnels et rapprocher le corps arbitral des entraîneurs et des joueurs, ce qui pourrait permettre d’ajuster les attentes et mieux faire comprendre certaines décisions ?

Pour cela, il serait nécessaire de créer des temps partagés en dehors des matchs, associant tous les acteurs dans les recherches d’amélioration par l’analyse et le retour d’expérience. Et puis, il faudrait aussi tester dans le championnat dès à présent les nouvelles technologies, notamment les capteurs, en intelligence artificielle pour semi-automatisation des hors-jeu (comme vu à la Coupe du monde 2022) ce qui pourrait fluidifier les décisions et réduire les erreurs humaines.

Ces mesures, mais il y en a certainement d’autres, pourraient contribuer à valoriser la fonction arbitrale dans l’élite et du même coup permettre aussi de poursuivre et d’encourager massivement le rejet des violences à l’égard des arbitres dans le monde amateur. La vérité du sport et du terrain va, certes, reprendre très vite ses droits mais le débat est posé.

Il est loin d’être terminé et ne fait que commencer…

Philippe Arcamone

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