Alors que l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une loi contre la fast fashion, son passage au Sénat traîne en longueur. Face à ce blocage, artisans, commerçants et acteurs de la mode de la région Sud dénoncent un immobilisme politique et réclament une adoption sans amendement affaiblissant le texte.
La fast fashion continue de ravager l’économie locale et l’environnement, et pourtant, la loi qui pourrait la contenir s’embourbe dans les couloirs du Sénat.
Depuis quelques semaines le collectif Mode in Sud (le syndicat des entreprises de Mode en région Sud) se fait le porte-voix de la lutte contre la fast fashion, mettant sur pied des mobilisations avec d’autres structures de défense de l’environnement et défenseurs de la mode durable, comme à l’occasion de la visite de président de la République, le 12 février dernier.
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Ce jeudi 20 février, à Marseille, dans les locaux de la Fask Academy, commerçants, artisans et acteurs de la mode ont décidé de lancer un cri d’alarme : il est urgent d’agir ! Une déclaration commune appelle les pouvoirs publics à cesser de tergiverser et à adopter une législation sans concession contre ce modèle économique destructeur.
92 millions de tonnes de vêtements sont jetées chaque année, soit l’équivalent d’un camion d’ordures déversé chaque seconde. Au-delà du désastre écologique, c’est l’industrie locale qui trinque. La fermeture des Galeries Lafayette à Marseille est le dernier symbole d’un commerce en péril, étranglé par la concurrence des plateformes ultra low-cost « comme Shein, dont les ventes ont bondi de 58 % en un an ».
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Un projet de loi à l’arrêt
Face à ce raz-de-marée, l’Assemblée nationale avait réagi en mars 2024 en adoptant un projet de loi anti-fast fashion à l’unanimité. Mais depuis, silence radio du côté du Sénat. « Nous appelons donc les décideurs politiques à accélérer l’adoption de la loi anti-fast fashion sans la modifier et à renforcer les mesures de soutien en faveur de la filière mode », exigent les signataires* de la déclaration commune.
Ce texte prévoit notamment de lutter contre l’obsolescence programmée en imposant des standards de durabilité aux vêtements. Il interdit la destruction des invendus, contraignant les marques à recycler ou revendre leurs stocks.
Il met en place un affichage environnemental obligatoire sous la forme d’un éco-score, et impose des malus écologiques aux produits non vertueux, avec une taxation progressive à partir de 2025. Enfin, il prévoit l’interdiction de la publicité pour la fast fashion, un levier essentiel pour limiter l’incitation à la surconsommation.
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Mobilisation citoyenne
Le problème ? Le Sénat. Alors que la Conférence des Présidents du 12 février aurait pu inscrire cette loi à l’ordre du jour, elle ne l’a pas fait. Pourquoi ? Officiellement, par manque de place dans le calendrier législatif. Officieusement, des intérêts économiques pèsent sur les débats. « Comment expliquer que l’Union européenne lance des procédures d’enquête et que notre propre Sénat freine des quatre fers ? », s’interrogent les signataires.
Les artisans et commerçants de la région Sud ne comptent pas lâcher l’affaire. Ils appellent à une mobilisation citoyenne pour faire pression sur les élus et obtenir l’adoption du texte sans amendement affaiblissant ses ambitions. Car lutter contre l’ultra fast fashion, ce n’est pas seulement protéger l’environnement : c’est aussi défendre des emplois, des savoir-faire et une certaine idée du commerce.
À quelques mois des élections, le gouvernement et le Sénat oseront-ils ignorer cet enjeu sociétal ?
*Les signataires de la déclaration commune : Commerces Positifs – Marie-Pierre Cartier ; CCI Aix-Marseille-Provence – Jean-Luc Chauvin ; CMA13 – Daniel Salenc ; CPME13 – Corinne Innesti ; CRESS PACA – Denis Philippe ; Fédération Marseille Centre – Guillaume Sicard ; FNH PACA – Caroline Baron ; Mode in Sud – Jocelyn Meire ; U2P – Catherine Valès