Le Haut-Alpin Lucas Dauge dispute à partir de vendredi le CIC Tour de La Provence. Sa particularité ? Comme tout les cyclistes du team Novo Nordisk, il est diabétique de type 1. L’équipe américaine court aussi pour promouvoir cette cause.
Ce n’est pas le cycliste professionnel de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur le plus connu ni le plus médiatique. Discret, un palmarès vierge, un accent typique des montagnes haut-alpines, le natif de Briançon Lucas Dauge entame pourtant sa 5e saison en Pro Tour (le 2e échelon mondial), au sein du team Novo Nordisk.
Le public pourra le voir à l’oeuvre et apprendre à le découvrir dès ce vendredi, puisqu’il effectue sa rentrée 2025 en disputant pour la première fois le CIC Tour de La Provence. « C’est super de pouvoir disputer une course régionale, surtout que je connais assez bien les routes », explique le licencié de l’Union cycliste du Pays gapençais (UCPG), le club de l’ancien vététiste Stéphane Tempier.
Résidant à Châteauroux-les-Alpes, plus connue pour les sports d’eau vive sur la vague du Rabioux, Lucas Dauge (28 ans) a effectué ses études en Staps entre Gap et Toulon et explique avoir donc « souvent roulé vers Cassis et le col de la Gineste ».
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Cette année, le « TDLP » entamera ses trois étapes au programme par la Gineste ce midi. Dauge a aussi pu arpenter d’autres routes de Provence lors de ses débuts en 2017 sous les couleurs aixoises de l’équipe M Santé, chère à Régis Roqueta,
« Ça va faire bizarre de courir dans ma région, j’espère que ce sera un super moment », ajoute-t-il, tout heureux de pouvoir se produire devant sa famille, ce matin à Marseille et demain lors de l’étape dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Un grimpeur prêt à « travailler pour l’équipe »
Du fait de son profil de grimpeur (« En habitant dans les Hautes-Alpes, il vaut mieux aimer la montagne ! »), Lucas Dauge ne trouvera pas exactement un terrain propice à ses qualités pour s’exprimer. En bon capitaine de route dans une formation américaine, il s’attend à « travailler pour l’équipe » et tout particulièrement pour son leader, le Tchèque Matyas Kopecky.
« Même si je pense avoir fait un meilleur hiver que lors des précédentes années, sans trop de pépins, il faudra voir comment les jambes répondent sur la première course. Ce n’est jamais facile à dire en amont », explique-t-il.
Conscient du « gros niveau » de la concurrence (sept Word Teams), « comme sur toutes les courses », le Haut-Alpin n’a « pas de raison d’avoir peur ». De toute façon, le but se situe presque ailleurs.
Formé uniquement de coureurs diabétiques de type 1, le team Novo Nordisk promeut cette cause trop rarement visible dans le sport. « Nous sommes vingt cyclistes de neuf nationalités, mais l’équipe porte aussi un message de santé, confirme Lucas Dauge. Nous montrons au quotidien qu’en dépit de ce diabète insulinodépendant, on peut pratiquer du sport au plus haut niveau et faire du mieux qu’on peut. »
Antomarchi et El Fares en éclaireurs en 2012
L’équipe américaine n’a pas toujours été uniquement constituée de diabétiques. En 2012, deux Provençaux avaient été recrutés dans la Team Type 1-Sanofi, déjà pour promouvoir l’action mais aussi franchir un palier sportif (17 succès, plus gros total historique) : Julien Antomarchi et Julien El Fares.
« J’ai de la chance, c’est un peu grâce à mon diabète que je suis passé pro, reconnaît Lucas Dauge. Sans cette équipe, je n’aurais pas pu sauter le cap. Surtout de nos jours, quand on voit comment évolue le cyclisme, ça va de plus en vite, de plus en plus fort. »
Mais il en a aussi tiré un avantage, pour rester dans le peloton depuis 2021 : « Ça m’a donné une force supplémentaire, je me suis accroché pour persévérer plus qu’un non-diabétique ».
Ce souci de santé, détecté quand il avait 18 ans, lui demande une certaine gestion : il doit toujours être sur le qui-vive et regarder à la fois le compteur de vitesse et la glycémie. « Même si avec le temps et l’habitude, ça devient presque instinctif, il faut toujours surveiller au maximum. Si la glycémie chute, on peut tout perdre en quelques minutes. »
Parfois obligé de sortir son stylo à insuline en pleine course
Le moindre oubli ne pardonne pas, surtout quand on est sportif de haut niveau. « Ça m’est déjà arrivé dans le passé d’avoir un black-out, plus à l’entraînement qu’en course », dit-il.
Alors, Lucas Dauge est parfois obligé de sortir son « stylo » en pleine course pour se prodiguer une piqûre d’insuline et ainsi faire descendre le taux de glycémie. « C’est assez rare, mais ça m’arrive », confie-t-il.
Se cache-t-il pour éviter les regards interrogatifs, voire inquisiteurs, au moment de se « piquer » ? « Les autres comprennent. Ça fait quelques années maintenant que l’équipe est présente donc les autres coureurs ont ‘l’habitude’, ils ont déjà pu nous voir faire ce geste. Il n’y a pas de mauvais regard, ni de jugement », constate le Haut-Alpin.
« On court un peu partout dans le monde pour véhiculer le message sur le diabète »
Hormis ce détail, le team Novo Nordisk est une équipe professionnelle tout ce qu’il y a de plus conventionnelle : vingt coureurs, staff et encadrement complets. Et comme tout le monde, les bleu et vert ont effectué un stage de présaison à Calpe, en Espagne, en janvier.
« La seule différence, c’est que l’on a un calendrier de course plus restreint, note Lucas Dauge. Ça s’explique par le fait que l’équipe aime bien courir un peu partout dans le monde pour véhiculer le message sur le diabète. »
Japon, Chine, Allemagne, Turquie, Canada, Norvège, Grèce, Espagne… Les Novo Nordisk évangélisent autour du globe. Cette année, ils disputeront encore plusieurs manches de la coupe de France cycliste (Cholet Agglo, Paris-Camembert, Route Adélie de Vitré…) au printemps.
Sportivement, le challenge est clair. Cela fait bientôt trois ans que le team n’a plus gagné : c’était sur une course de classe 2 en Slovénie, le GP Kranj, en juillet 2022.
Benoît Gilles