Water-polo – « On se dit que c’est le moment », veut croire Ugo Crousillat

Crousillat
Ugo Crousillat, l'été dernier au Centre aquatique de Saint-Denis, lors des Jeux olympiques de Paris 2024. Photo CNOSF / KMSP

Capitaine de l’équipe de France, le Marseillais Ugo Crousillat (34 ans) balaie l’actualité du water-polo, alors que son équipe du CNM entame les choses sérieuses ce mardi, à Belgrade, avec le premier match des quarts de finale de la Ligue des champions.

Ugo Crousillat a l’expérience, la sagesse et le niveau technique des grands rendez-vous. Ce n’est pas une grippe, mi-janvier, qui lui a fait manquer le trophée Pierre-Garsau (la coupe de France, remportée par le CNM), qui va abattre le capitaine de l’équipe de France de water-polo. Ni une coupe du monde ratée (11es) avec des Bleus en recomposition en début d’année, en Roumanie, même si ce résultat ne leur permettra de disputer ni la Super finale en avril, ni le championnat du monde cet été à Singapour.

À 34 ans, le Marseillais se voit prolonger l’aventure jusqu’aux prochains Jeux olympiques, à Los Angeles en 2028, sans pour autant faire de plan sur la comète. Dans l’immédiat, c’est un autre challenge auquel Ugo Crousillat et son équipe du Cercle des nageurs de Marseille s’attaquent ce mardi : après une première phase plutôt bien maîtrisée à l’automne, les poloïstes marseillais entament les quarts de finale de la Ligue des champions (sous forme de deux groupes de quatre équipes), avec l’objectif affiché de terminer à l’une des deux premières places, pour enfin disputer le Final Four qui se refuse au club provençal.

« On se dit qu’on est prêt pour atteindre le dernier carré », assure Ugo Crousillat, qui a déjà gagné la plus prestigieuse des coupes d’Europe, en 2017, avec le club hongrois de Szolnok.

Ce soir, le CNM passera un test important qui permettra d’en savoir davantage sur son vrai niveau, même si une défaite ne remettrait pas tout en cause, lors d’un déplacement peu évident en Serbie. Les hommes du coach Milos Scepanovic défient le Novi Belgrade, qui avait réalisé un carton plein lors de la première phase.

Avec de nombreux coéquipiers du CNM (Alexandre Bouet, Romain Marion-Vernoux, Thomas Vernoux, Arshak Hovhannisyan) et des Aixois (Alexis Drahe, Kilian Braise-Fernandez), vous avez commencé l’année 2025 par la coupe du monde en Roumanie. Sans réussite, puisque la France n’a fini que 11e de Division 1…

Il faut bien séparer ce qu’on aurait aimé faire et ce qu’on espérait. Nous aurions aimé nous qualifier pour la Super finale de la coupe du monde (qui aura lieu en avril, regroupant les six meilleures nations de D1 et les deux finalistes de D2) mais on était très lucide sur le fait qu’il y a eu un gros changement dans l’effectif, beaucoup ont arrêté après les JO, des jeunes arrivent ; on savait que ça allait être un moment difficile.

Donc on est forcément sortis un peu déçus de ne pas s’être qualifié pour la Super finale et les Mondiaux de cet été. En même temps, je trouve qu’il y a eu pas mal de choses positive. Ça pourrait être un bon socle pour bâtir jusqu’à Los Angeles.

« C’est toujours un plaisir et j’ai envie que ça en reste un ; je n’ai pas envie que ça devienne une contrainte, que je me force pour y aller »

C’est une échéance que vous envisagez personnellement ?

Pour l’instant oui. Mon objectif est de participer aux JO en 2028, mais je vais voir année après année avec l’équipe de France. Je pense que c’est plus raisonnable de faire comme ça, pas pour des considérations physiques, mais plutôt de mental.

L’équipe de France, c’est évidemment un privilège et une chance, sauf que ça demande aussi beaucoup de sacrifices. Je suis en équipe de France depuis dix-sept ans, je pars chaque été, chaque hiver de chez moi. C’est toujours un plaisir et j’ai envie que ça en reste un ; je n’ai pas envie que ça devienne une contrainte, que je me force pour y aller.

Je ne conçois pas la pratique de mon sport de cette manière. Il faut vraiment que j’ai la passion et le plaisir comme moteur. Pour l’instant je les ai, on verra si ça tient jusqu’en 2028.

Y a-t-il des matins où vous n’avez pas envie de plonger dans la piscine pour vous entraîner ?

On ne va pas se mentir, il y a des matins où c’est plus dur de se lever, mais je pense que c’est pour tout le monde pareil, surtout l’hiver, quand il fait froid. On n’est pas tous les jours à 100% motivé d’aller se jeter dans la piscine. Mais j’ai envie de dire que c’est normal : dans n’importe quel boulot, pour n’importe quel sportif, tout le monde dira la même chose. Il y a des périodes un peu plus pénibles, même si on reste des privilégiés de vivre de notre passion.

En dehors du Trophée Pierre-Garsau (la coupe de France) sur trois jours mi-janvier, vous n’avez pas joué avec le CNM en Ligue des champions depuis le 3 décembre, et en championnat depuis le 29 novembre. Avez-vous refait une préparation physique pour aborder la deuxième partie de saison dans les meilleures conditions ?

C’était un peu spécial. D’un côté, un gros groupe de joueurs a disputé la coupe du monde et avait besoin de souffler en rentrant de Roumanie. On a eu quelques jours de repos ou des entraînements un peu moins chargés.

À cause de la grippe, je n’ai pas du tout joué la coupe de France, d’autres ont seulement disputé la finale. Le staff a vraiment essayé de gérer ça au mieux. Depuis, on a eu une petite dizaine de jours de préparation physique ; pas vraiment du foncier comme si on reprenait la saison, mais c’était important de refaire quelques bases physiques. Et Milos (Scepanovic, le coach) a beaucoup insisté sur le jeu et les différents aspects tactiques, parce que ça fait longtemps qu’on n’a pas joué ensemble. C’était la priorité du staff.

Aviez-vous besoin de refaire une petite piqûre de rappel, alors que les choses sérieuses commencent mardi ?

En Champions League, il ne faut jamais déconner. On a atteint le premier objectif qui était de passer au deuxième tour. C’est chose faite, nous y voilà, mais on ne veut clairement pas s’arrêter là. On veut absolument arriver au Final four, le club n’y est jamais parvenu. On sent qu’il y a vraiment la possibilité de l’atteindre aujourd’hui. Après, si on y arrive en demi-finale, on ne s’interdira rien. Déjà si on arrive à atteindre cet objectif, ça sera quelque chose de grand pour le club.

Vous commencez cette deuxième phase de poule par un déplacement difficile en Serbie, au Novi Belgrade…

Je pense que ça ne sera pas déterminant. Malgré tout, si on repart avec trois points de Belgrade, ce sera un très bon point de départ. On enchaînera ensuite trois matchs d’affilée à la maison, il ne tient qu’à nous de faire en sorte que le Cercle soit une forteresse imprenable et qu’on prenne neuf points sur neuf.

« Tous les ingrédients sont réunis pour atteindre cet objectif. Il y aurait beaucoup de regrets si on n’arrivait pas à se qualifier »

On sent autour de votre équipe de la bienveillance, une ferveur et un soutien unanimes, vous souhaitant de réaliser un long parcours en coupe d’Europe cette année. Le ressentez-vous ?

C’est vrai que je sens une dynamique assez positive. Elle est due aux dernières années où le club s’installe dans le top huit européen (le CNM a remporté la LEN Cup en 2019). Désormais, le CNM est vraiment solide, on acquiert un peu plus d’expérience chaque année.

Maintenant, par rapport à pas mal de facteurs, on se dit que c’est le moment. Alors, ça ne veut pas dire que si on le rate en 2025, on n’aura pas d’autres opportunités dans le futur, mais tous les ingrédients sont réunis pour atteindre cet objectif. Il y aurait beaucoup de regrets si on n’arrivait pas à se qualifier pour le Final Four.

On a la chance d’avoir dans notre piscine à Marseille la meilleure affluence à chaque match de Ligue des champions, en nombre de spectateurs et en termes de régularité. Sincèrement, c’est un réel avantage de jouer devant les tribunes pleines.

Sentez-vous que votre collectif, qui s’est construit et a mûri au fil des saisons, tire sa quintessence actuellement ?

Oui, il y a une super atmosphère. C’est un mix de 80% de joueurs qui évoluent ensemble depuis quatre-cinq ans, on a donc pas mal de repères, et le reste correspond à l’ajout de forces dans différents secteurs de jeu, notamment des étrangers. Je pense au Hongrois Daniel Angyal et à l’Italien Alessandro Velotto en 2023 ; cette saison sont arrivés le gardien Petar Tesanovic et l’Espagnol Marc Larumbe.

Je trouve aussi que les joueurs de l’équipe de France ont vraiment passé un cap, avec le travail mis en place par le CNM et par le staff des Bleus. Quand on additionne toutes ces choses positives, ça nous met dans une situation où on se dit qu’on est prêt pour atteindre le Final Four.

Benoît Gilles

Novi Belgrade – Cercle des nageurs de Marseille
Quarts de finale de la Ligue des champions. Groupe A, 1re journée. À 20h, à Belgrade (Serbie).
Le groupe A : Novi Belgrade (SER), Olympiacos SFP Le Pirée (GRE), CN Marseille, Jadran Split (CRO).
2e journée, le 25 février : le CNM recevra Jadran Split.

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