Pour Le Méridional, le président de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur Renaud Muselier redit tout le bien qu’il pense des Jeux olympiques d’hiver 2030. Il appelle au « bon sens » pour mobiliser largement et penser la montagne de demain.
Lima, septembre 2017. Paris, juillet 2024. Deux lieux différents, une même issue : à chacune de ces Sessions du Comité international olympique, la France a obtenu l’organisation future de Jeux olympiques (Paris 2024, puis Alpes 2030), en présence de Renaud Muselier.
Moteur dans la candidature très politique des Jeux d’hiver, en binôme avec son homologue d’Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquier, le président (Renaissance) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur veut maintenant passer à l’action.
D’ailleurs, jeudi dernier, lors de ses vœux à la presse, Renaud Muselier a indiqué placer la deuxième partie de son deuxième mandat (réélu en 2021) « sous le signe des Jeux ». Des JO qu’il souhaite fait « pour tous » et qu’il n’hésite pas à qualifier des « plus sobres et moins chers » de l’histoire, « et décarbonés ».
Quand il a imaginé tout cela, « alors que personne n’y croyait et ne nous a vus venir », l’ancien secrétaire d’État (gouvernement Raffarin entre 2002 et 2005) a mis sur pied un projet « neige, chalets et champions ». Sous-entendu à taille et à vocation humaines, dans des stations de ski existantes et reconnues.
« Cela répond à un vrai avenir pour la politique de la montagne »
À bientôt 66 ans, le natif de Marseille – ville dont il fut le premier adjoint de Jean-Claude Gaudin de 1995 à 2008 – se pose plus que jamais en ardent défenseur des Alpes. Ces montagnes qu’il adore, puisqu’il a « grandi et appris à skier » au Sauze (Alpes-de-Haute-Provence), la « plus belle station de France » selon lui.
« C’est un projet de vision d’aménagement du territoire que j’ai présenté seul, rembobine Renaud Muselier ce mardi, dans son bureau à la Région, lors d’un entretien au Méridional. Il s’agit d’un doux rêve, parce que c’est fondamental. J’aime la montagne, j’aime le ski et je pense que cela répond à un vrai avenir pour la politique de la montagne. »
Bien conscient qu’à l’horizon 2050, « il n’y aura plus de neige en basse altitude » (en dessous de 1700 mètres d’altitude, selon une étude réalisée par Climsnow et commandée par la Région), le président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur rappelle l’enjeu qui se cache derrière les JO : « Quelle stratégie doit-on mettre en place pour ne pas abandonner nos vallées ? »
Les JO 2030, « l’accélérateur » d’une vision à long terme
« Avec le changement climatique et la fonte des neiges, nous devons mener une politique en faveur de nos montagnes pour savoir ce qu’elles vont devenir en 2050, car il y a la nécessité de les désenclaver, explique-t-il. Les Jeux 2030 dans les Alpes 2030 vont servir à préparer. Ça va être l’accélérateur du dispositif. »
Six mois après la désignation par le CIO, et quatre mois après la très attendue signature de la garantie financière de l’État apportée par l’ancien éphémère Premier ministre Michel Barnier, Renaud Muselier considère ces JO comme un catalyseur, à la fois d’ambitions, d’idées, de bonnes volontés et surtout de « développement de notre territoire ». « C’est une opportunité fantastique pour la région », a-t-il martelé mardi.
Ce matin-là , Renaud Muselier avait réuni à Marseille nombre d’acteurs et de décideurs du dossier : Michel Barnier, aujourd’hui mandaté pour une mission bénévole d’un an par le CIO pour véritablement mettre sur les rails ces JO, le délégué interministériel (Dijop) Pierre-Antoine Molina, mais aussi Jean-Marie Bernard (président du Conseil département des Hautes-Alpes), Arnaud Murgia le maire de Briançon, mais aussi « les préfets multiples et variés », selon Muselier.
« On n’a pas de budget, c’est un vrai problème ! »
« On est globalement prêt, assure le président de la Région. Les Jeux d’hiver sont beaucoup plus petits (que ceux d’été), il y a 2900 athlètes (contre 10 500 à Paris 2024). Ce ne sera pas la même dimension. Par contre, le savoir-faire est identique. Nous sommes tous autour de la table, ça avance. Mais on n’a pas de budget, c’est un vrai problème ! »
En raison de la crise institutionnelle qui frappe le pays depuis la première dissolution en juin dernier, aucun budget n’a pu être voté en France. Et les coupes franches envisagées concernant le sport peuvent laisser craindre un niveau d’ambition et de réalisations inférieur pour les Jeux 2030…
« Je ne suis pas inquiet, coupe Renaud Muselier. Il faut juste un budget pour le pays. À la Région, nous l’avons voté, donc tout est en ordre de marche. Nous avons débloqué de l’argent, on ira en chercher dans le cadre du Cojop et de la Solideo, pour la construction des infrastructures. »
Le budget du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) tournera autour de 2 milliards d’euros – quand Paris 2024 a bouclé le sien à 4,4 Mds – et celui de la Société de livraison des ouvrages olympiques estimé à 1 milliard.
« Pour la région Sud, ça coûtera donc 750 millions d’euros »
Des sommes à couper en deux, à parts égales entre l’État et les deux régions administratives concernées. Et même en quatre puisque Paca et Aura se partageront les frais. « Pour la région Sud, ça coûtera donc 750 millions d’euros, estime son président. Je pense qu’on finira autour de 400 millions (grâce à l’apport espéré de partenaires privés). C’est beaucoup mais ces JO vont nous permettre de changer de dimension. »
Concernant les sites sportifs, Provence-Alpes-Côte d’Azur a « tout à faire », explique Renaud Muselier. Mais, exception faite des patinoires à Nice, aucune grosse structure ne sera créée, ce qui limitera la facture. « Nous avons déjà tout sur le site de Serre-chevalier – Montgenèvre (ski et snowboard freestyle). Mais aménager une piste de ski de bosses, ce n’est pas le même montant que pour faire une piste de tremplin ou de bobsleigh. »
En fait, « le plus gros des investissements concernera les infrastructures de déplacement, rappelle Renaud Muselier. Le problème à l’heure actuelle, c’est pour se rendre à Briançon. Il faut faire en sorte que les routes permettent de circuler et que les trains roulent. C’est un autre chantier bien plus complexe. »
Les transports, source d’investissement principal
Autant que d’éradiquer le terme Paca qu’il abhorre (« Nous ne sommes pas les Pacaïens, nous sommes des Sudistes »), l’ancien député mène un combat pour réduire le temps de trajet en train entre Marseille et Briançon. « À l’époque, avec des michelines, on mettait 3h45. Maintenant, le trajet dure 5 heures, avec tout ce qu’il faut d’électrique, de moderne et de voies ferrées automatiques. Comment est-ce possible ? Pendant des années, tout le monde s’est dit : ‘Ils sont quatre habitants là -haut, alors on s’en fout, personne ne va se battre pour eux’. Ce n’est plus le cas désormais. »
Pour mener à bien ces projets de refondation du territoire, Renaud Muselier pourra s’appuyer sur le bras armé des Jeux, à savoir la Solideo, validée par le Conseil d’État : l’organisme chargé de réaliser et livrer les infrastructures sera basée à Marseille dès fin février et il en assurera la présidence à tour de rôle chaque année avec son homologue d’Auvergne-Rhône-Alpes, Fabrice Pannekoucke, qui a remplacé début septembre Laurent Wauquiez, redevenu député.
Maintenant que les statuts du Cojop (qui sera implanté à Lyon) ont été validés, l’adoption d’une loi dite olympique aura aussi un rôle important : « Elle va nous aider à avancer », espère Muselier. Celle-ci devrait intervenir « au plus tard au premier semestre 2025 », a récemment souhaité la nouvelle ministre des Sports, Marie Barsacq.
La reconnaissance faciale expérimentée grâce à la future loi olympique ?
Au titre de cette loi olympique, Renaud Muselier ne cache pas sa volonté de pouvoir « mener des expérimentations, comme ça existait à Paris 2024 », par « un effet d’aubaine ». À commencer par la mise en place du système de reconnaissance faciale « dans un certain nombre d’endroits, tels que les lycées, les trains, les cars ».
Le tableau semble idyllique. Mais à tout juste cinq ans de l’échéance (et pas un jour de retard ne sera possible), le temps presse déjà . Or les Alpes françaises 2030 n’ont toujours de patron opérationnel ! Espérée pour ce lundi 3 février, la nomination d’un(e) président(e) du Cojop devrait être encore repoussée.
La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) n’a pas rendu son rapport mardi 28 janvier, un rapport très attendu en matière d’évaluation de risques de conflits d’intérêt des candidats à la présidence du Cojop.
La nomination d’un(e) président(e) du Cojop encore repoussée
« La Haute autorité, vous ne leur mettez pas l’impression en disant ‘Il faut se dépêcher’, tempère Renaud Muselier. Elle prend son temps et personne ne lui dit ce qu’elle a à faire. À sa décharge, son premier problème, c’est de commencer par les membres du gouvernement. Son contrôle de probité est la priorité absolue. »
Trois noms aux profils très différents reviennent reviennent avec insistance : l’ex-skieuse acrobatique Marie Martinod et les anciens biathlètes Vincent Jay et Martin Fourcade. Ce dernier fait figure de favori. « Je ne pousse en faveur de personne, coupe Renaud Muselier, je ne l’ai jamais fait et refuse de rentrer dans ces débats. Fourcade, pas Fourcade, on s’en fout un peu. Nous avons défini un cahier des charges pour le poste tel que nous le souhaitions. Le périmètre d’action sera le même que celui de Tony Estanguet pour Paris 2024. »
Dans l’attente d’une fumée blanche qui permettrait de passer enfin la vitesse supérieure, le président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur veut rassembler. Il appelle plus que jamais au soutien général, malgré l’opposition écologiste et du collectif NO JO, et à l’aide du monde économique. « J’invite tout le monde à nous accompagner. Si un maire veut son rond-point, son train, sa gare… Je veux simplement plus de bon sens, pas d’idéologie. »
Benoît Gilles
À (RE)LIRE NOTRE GRAND ENTRETIEN