Axe Rhône-Saône, un corridor stratégique en construction

Relier Marseille à Lyon, et au-delà à l’Europe du Nord, via le Rhône. Ce chantier titanesque avance, mais les défis techniques, fonciers et politiques jalonnent encore le chemin. Le point sur les avancées de l’axe Rhône-Saône.

Bien plus qu’un canal où voguent des containers, l’axe Rhône-Saône s’impose comme l’épine dorsale d’une stratégie nationale. Ce corridor, inscrit dans le cadre du plan « Marseille en grand », doit redéfinir les flux logistiques entre la Méditerranée et l’Europe tout en intégrant des objectifs de compétitivité et de décarbonation.

Dans un contexte où la réduction des émissions de CO₂ est devenue une priorité nationale, l’enjeu est double : massifier le fret fluvial et ferroviaire pour alléger des routes saturées et transformer la logistique en un levier de transition écologique.

Des avancées récentes témoignent d’une volonté de structurer cet ambitieux projet, malgré les nombreux obstacles encore à franchir. « La numérisation de l’axe est l’une des avancées les plus significatives », explique Hervé Martel, président du directoire du Grand Port Maritime de Marseille (GPMM), en marge de la présentation du bilan 2024 du port de Marseille-Fos.

Une logistique optimisée par le numérique

L’extension d’un logiciel de gestion des échanges commerciaux, permettant de dématérialiser les documents tout en assurant une traçabilité complète des marchandises, a déjà été déployée sur l’ensemble du corridor, des ports maritimes aux entrepôts de l’hinterland.

Cofinancée par la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), le GPMM et des partenaires comme les ports de Sète et Toulon, cette innovation doit encore monter en puissance. « En 2025, cette technologie sera étendue aux barges fluviales et aux transports continentaux », précise Hervé Martel.

Le foncier, une pierre angulaire à consolider

Pour transformer ce corridor en un levier économique durable, il faut de l’espace. Un schéma directeur a permis d’identifier une trentaine de sites capables d’accueillir des projets industriels et logistiques. « Nous avons réalisé un inventaire des terrains disponibles et entamé des discussions site par site avec les collectivités et les acteurs locaux, détaille le patron du port. L’enjeu est de coordonner tous les acteurs autour d’une vision commune. »

Ce travail de terrain, pourtant indispensable, est ralenti par des obstacles récurrents : la rareté des terrains, la concurrence d’autres usages et les attentes environnementales.

Sur le terrain, les premiers exemples de collaboration industrielle voient le jour. À Fos-sur-Mer, véritable laboratoire pour la décarbonation industrielle, le port accueille un terminal loué par ArcelorMittal pour acheminer des ferrailles en provenance de Rhône-Alpes, indispensables à la décarbonation de son four électrique.

Dans le domaine de l’hydrogène, H2V prévoit de produire du méthanol vert grâce à un pipeline inutilisé, aujourd’hui inerté à l’azote, qui reliera Lyon à Fos pour transporter du CO₂ capté dans les industries de la région Rhône-Alpes.

40 millions d’euros pour moderniser le terminal de Lyon

Autre avancée majeure : le groupe CMA CGM a obtenu la gestion du terminal à conteneurs de Lyon Édouard-Herriot. Ce projet est porté par un groupement qui réunit CMA CGM (67 %), la Banque des Territoires (23 %), la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne (4 %) et la CCI métropolitaine Aix-Marseille-Provence (4 %).

Cette acquisition renforce le corridor logistique entre la Méditerranée et la métropole lyonnaise, reliant les terminaux de Fos et ceux de Lyon dans une dynamique multimodale.

Avec un investissement annoncé de 40 millions d’euros, le projet prévoit une modernisation des infrastructures : extension du terminal, création de nouvelles voies ferrées pour optimiser les flux ferroviaires et fluviaux, et passage à l’électrique des équipements de manutention.

Ces travaux doivent porter la capacité du terminal à 230 000 EVP (équivalent vingt pieds) d’ici 2028, avec un objectif de doubler les volumes fluviaux manutentionnés à l’horizon 2032.

Le terminal joue un rôle central dans la chaîne logistique, connectant les entreprises de la région Rhône-Alpes au port de Marseille et, au-delà, aux grands ports européens. Ses connexions multimodales ouvertes à tous les opérateurs renforcent son importance dans le corridor stratégique.

N.K.