Moins de morts liées au narcotrafic en 2024 à Marseille

Le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Pierre-Édouard Colliex, et le procureur de la République, Nicolas Bessone, ont présenté les bilans de la lutte contre le narcotrafic à Marseille. Pour renforcer cette dynamique, des mesures supplémentaires ont été annoncées, notamment la fermeture d’épiceries de nuit.

À la veille du début de l’examen d’une proposition de loi sur le narcotrafic, le procureur de Marseille et le préfet de police des Bouches-du-Rhône ont présenté leur bilan lors d’une conférence de presse, mardi 21 janvier, et évoqué une mobilisation « considérable » contre le narcobanditisme.

Les règlements de compte entre gangs rivaux, notamment la DZ Mafia et le Clan Yoda, pour le contrôle des points de deal, ont fait 24 morts dans le département l’an dernier, dont 20 à Marseille. Parmi les victimes figure un chauffeur VTC, abattu par un adolescent de 14 ans. En comparaison, 2023 avait été une année tragique avec 49 morts, dont 4 victimes collatérales, un sombre record.

Plus de 2 000 personnes ont été mises en examen, dont 200 pour « narchomicides », des meurtres liés aux trafics de stupéfiants. « On a mis beaucoup de moyens sur l’interpellation, a précisé le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, mécaniquement cela va faire baisser la pression, il y a eu un certain nombre de règlements de comptes qui ont été déjoués.« 

Malgré cet effort, le préfet de police des Bouches-du-Rhône, Pierre-Édouard Colliex, et le procureur de la République, Nicolas Bessone, ont souligné que la route reste semée d’embûches, face à ce qu’ils qualifient de « narcoterrorisme » à Marseille et dans le département des Bouches-du-Rhône. Pour y faire face, ils réclament « un nouvel arsenal législatif ».

Fermeture des épiceries de nuit impliquées dans le narcotrafic

Pierre-Édouard Colliex a insisté sur la nécessité de poursuivre sans relâche les efforts déployés, évoquant notamment les opérations « place nette XXL » lancées par Emmanuel Macron en mars 2024 à Marseille.

Pour renforcer cette dynamique, le préfet a annoncé des mesures supplémentaires, notamment la fermeture d’épiceries de nuit liées au blanchiment d’argent d’ici la fin janvier. Ainsi, ces établissements pourront être fermés immédiatement par arrêté préfectoral lorsqu’ils génèrent des nuisances ou sont liés à des activités criminelles.

L’État prévoit également un renforcement notable des moyens humains, avec 25 enquêteurs supplémentaires affectés à la police judiciaire, dont 15 pour la lutte contre les trafics de stupéfiants et 10 pour la criminalité organisée. Par ailleurs, 96 policiers supplémentaires seront affectés à la voie publique, tandis que 20 militaires viendront soutenir la Section de Recherches pour intensifier la lutte contre la criminalité organisée.

Lutter contre la corruption

Sur le front de la corruption, Nicolas Bessone a évoqué des mesures visant à cibler des secteurs clés comme l’administration pénitentiaire et certains opérateurs publics et privés. « Des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ont déjà été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour des affaires de corruption liées au narcotrafic », a précisé le procureur, dans la lignée des annonces de Gérald Darmanin, Garde de Sceaux, à Marseille, début janvier.

Ce dernier a toutefois refusé de fournir des chiffres précis au sujet de ces « traîtres », insistant sur le fait que la situation est actuellement suivie de près. Il a ajouté que la déontologie et la vérification des comportements des fonctionnaires seraient renforcées, afin d’éradiquer les « brebis galeuses » qui mettent en danger l’intégrité des institutions publiques.

L’administration pénitentiaire disposera également de moyens renforcés pour lutter contre l’introduction illégale de produits dans les prisons. Un dispositif anti-drones, mis en place par la DIPN 13, sera intensifié pour contrer les survols de drones dans les établissements pénitentiaires du département.

Cette initiative a pour objectif de sécuriser les prisons et de protéger le personnel pénitentiaire. En cas de menace, des investigations seront menées afin de confondre les auteurs des survols et de garantir la sécurité des établissements.

Une féminisation des narcotrafiquants

Autre phénomène inquiétant relaté par Nicolas Bessone : la féminisation des narcotrafiquants. Celles qui étaient jusqu’alors « cantonnées aux rôles de nourrices » prennent désormais un rôle important dans l’organisation, notamment dans la narcolivraison. Preuve à l’appui : le procureur a évoqué une affaire importante à Arles dans laquelle « le responsable était un homme et les livreuses, trois femmes. »

Afin de traquer les consommateurs, des contrôles routiers, déjà renforcés depuis septembre 2024, continueront en 2025. Ces actions visent aussi à bloquer les circuits de transport de stupéfiants et à repérer les criminels impliqués dans ces réseaux.

Au port de Marseille-Fos, un « bouclier portuaire » sera mis en place pour renforcer la sécurité. La préfecture de police, responsable de la sûreté portuaire depuis deux ans, poursuit ainsi un plan d’action pour améliorer l’étanchéité des périmètres du port, renforcer le contrôle des accès et favoriser la coopération inter-services.

À cette fin, une cellule portuaire de renseignement opérationnel sur les stupéfiants sera créée pour centraliser et analyser les informations liées aux trafics. En décembre 2024, un deuxième scanner des douanes a été installé dans le bassin Est du port afin de renforcer les capacités de détection des stupéfiants transitant par cette zone stratégique.

Une cellule anti-delinquance 360°

Contre l’entrave administrative, le préfet annonce la poursuite du travail mené par la cellule anti-delinquance 360°, créée fin 2024. Son objectif est d’utiliser l’ensemble des moyens administratifs à la disposition du préfet de police et de ses partenaires institutionnels et sociaux pour porter atteinte aux intérêts administratifs et financiers des délinquants, auteurs de troubles à l’ordre public.

124 délinquants sont suivis actuellement : 81 ont été signalés en lien avec le trafic de stupéfiants et 15 pour des menaces ou violences sur des personnes détentrices de l’autorité publique. De plus, 50 000 euros de prestations sociales indues ont été identifiés.

Des contrôles approfondis se poursuivent, notamment via le travail du Tribunal des activités économiques de Marseille, qui annonçait la semaine dernière que le greffe a transmis plus de 100 déclarations à « Tracfin » et 50 signalements au parquet.

Enfin, une cellule nationale d’enquête, composée de 30 enquêteurs (dont 16 en renfort extérieur), va voir le jour, pour coordonner les efforts contre la narco-criminalité à l’échelle nationale.

R.G