Classer la Bonne Mère ? Dieu seul sait !

Un monument emblématique, un classement annoncé, une décision suspendue. Entre ambitions ministérielles et prudence diocésaine, le sort de Notre-Dame de la Garde reste en suspens.

« Que serait Marseille sans la Bonne Mère ? » En visite à Marseille, jeudi 16 janvier, Rachida Dati, ministre de la Culture, a été catégorique.

L’absence de classement de Notre-Dame de la Garde parmi les monuments historiques, elle ne s’y résout pas : « J’ai découvert à ma prise de fonction que ce joyau n’était pas classé. Cela montre un retard qu’il fallait combler ». Pour elle, la basilique, perchée sur son rocher, est bien plus qu’un lieu de culte : « C’est l’âme de Marseille ».

Depuis la cathédrale de La Major, Rachida Dati a annoncé sa volonté d’inscrire Notre-Dame de la Garde au patrimoine historique. Une décision qui, selon elle, garantirait sa préservation, débloquerait des financements pour sa restauration et pérenniserait son rayonnement.

Dans sa croisade pour le patrimoine marseillais, Rachida Dati veut doubler le nombre de monuments classés dans la ville. Avec seulement 93 monuments protégés aujourd’hui, Marseille reste à la traîne derrière Bordeaux (384) ou Lyon (241).

« Classer, ce n’est pas pour se faire plaisir. C’est agir, protéger et restaurer », martèle Rachida Dati. Pour elle, il en va de l’histoire de Marseille, mais aussi de son attractivité. La basilique attire chaque année des millions de visiteurs de tous horizons, croyants ou non, dans une communion bien marseillaise.

Entre contraintes et prudence du diocèse

Le président de la Région Sud a confirmé pour sa part que « Notre-Dame de la Garde mérite d’être classée au patrimoine historique, et cette demande a été formalisée dès novembre dernier ».

Mais derrière l’annonce se cache une réalité plus nuancée. Le diocèse de Marseille, propriétaire des lieux, a calmé le jeu dans un communiqué : « Les discussions sont en cours, aucune décision n’a encore été prise, soit pour accepter la proposition d’inscription, soit pour la décliner ».

Ce rappel, poli mais ferme, souligne les enjeux d’un classement. Car au-delà de l’aura symbolique, le statut de monument historique impose des contraintes réelles. Tout projet de modification ou de restauration nécessite une validation par les architectes des Bâtiments de France. Les règles strictes imposées visent à préserver l’authenticité des monuments, mais elles impliquent des délais supplémentaires et des coûts élevés.

Pour le diocèse, il est essentiel de peser ces implications avant de donner son feu vert. Remerciant l’État pour sa « disponibilité », il a rappelé que l’Église souhaite travailler de concert avec les pouvoirs publics.

Un chantier ambitieux dès février 2025

En attendant une éventuelle décision sur son classement, Notre-Dame de la Garde s’apprête à entamer un vaste chantier de restauration. Ce 9 décembre, lors de la fête de l’Immaculée Conception, le diocèse a annoncé que les travaux débuteront à la Chandeleur, le 2 février 2025. Une date soigneusement choisie pour sa portée symbolique.

Le projet prévoit le redorage de la statue emblématique avec 30 000 feuilles d’or, la restauration du clocher et l’installation d’un nouvel éclairage intérieur. Le coût total du chantier est estimé à 2,8 millions d’euros, dont plus de 1,1 million a déjà été collecté grâce à la campagne « Je soutiens la Bonne Mère ».

Pour Rachida Dati, la basilique pourrait devenir le symbole d’un nouvel élan patrimonial. « Marseille sans la Bonne Mère, ce n’est pas Marseille », répète-t-elle, comme une évidence.

Malgré les lenteurs des négociations et les équilibres fragiles entre État et Église, Notre-Dame de la Garde semble destinée à retrouver tout son éclat, classée ou non.

N.K.