Évincé de la sélection olympique en avril, le Meyrarguais Mathis Azzaro s’est servi de cette déception pour ensuite signer la meilleure saison de sa carrière en 2024. À 24 ans, le 5e du dernier Mondial sera attendu cette année.
D’une déception naissent souvent les plus grandes réactions. Elle révèle là où bat le cœur d’un champion. Orgueil, panache, détermination, appelez cela comme vous voulez, mais le sursaut se produit généralement une fois au pied du mur.
C’est la sensation, aigre et amère à la fois, qu’a expérimentée Mathis Azzaro au printemps dernier. Non retenu par son équipe, Decathlon Ford Racing Team, pour aller disputer les deux premières manches de coupe du monde au Brésil en avril, le Meyrarguais se trouvait de fait exclu de la course à la sélection olympique, où se jouaient les deux tickets pour intégrer l’équipe de France.
Et même si lui espérait ravir la seconde place attribuée à la France aux côtés de Victor Koretzky (futur médaillé d’argent à Paris 2024), il faut reconnaître que Mathis Azzaro partait de loin, à ce moment-là, dans la bataille chez les Élites. « J’ai passé un mois d’avril assez compliqué à la maison, je ne voulais même plus m’entraîner, rembobine-t-il. C’est là que tu vois que la famille, c’est très important. J’ai eu le soutien de mes proches. Ça m’a remis sur les rails. »
« Inconsciemment, il y avait peut-être un esprit de revanche. Mais en tout cas, je n’ai jamais pensé une seule fois à me dire ‘Je vais leur prouver qu’ils avaient tort’ »
Sur ses chemins, dans l’arrière-pays aixois, ses sentiers qu’il a arpentés des milliers de fois depuis sa plus tendre enfance, il a finalement retrouvé le goût de l’effort. Et une réelle détermination. « Inconsciemment, il y avait peut-être un esprit de revanche, souffle-t-il. Mais en tout cas, je n’ai jamais pensé une seule fois à me dire ‘Je vais leur prouver qu’ils avaient tort’. Derrière mon guidon, le vélo, je l’ai toujours pratiqué pour moi. »
Car une fois ses 24 bougies soufflées début mai, c’est un autre Mathis Azzaro qui a débarqué sur le circuit mondial. Il signe son meilleur résultat à Nove Mesto (Rép. tchèque), en finissant 5e. Puis il confirme et fait même mieux lors de la manche suivante, trois semaines plus tard à Val di Sole (Italie), en se hissant sur le podium (3e), juste derrière « la légende » du VTT, le Suisse Nino Schurter.
« C’était un rêve, ou plutôt un objectif dans ma tête, de monter au moins une fois sur la boîte cette année, résume le Provençal. Après, être consistant à ce niveau-là sur la durée, je ne pensais pas. »
S’il s’est sérieusement blessé au genou fin juin, lors de l’étape suisse de Crans-Montana, Mathis Azzaro mettra une nouvelle fois sa période de convalescence pour revenir encore plus fort. Un choix payant puisque le sociétaire de l’AVC Aix termine 5e du championnat du monde puis clôt la coupe du monde par deux nouveaux podiums (2e du short track et du cross-country).
« Dans le circuit très fermé des mecs qui montent sur le podium Élite »
« C’est sûr que j’ai vécu une grosse déception au printemps, mais par la suite, je suis allé chercher ces résultats pour moi, explique le pilote meyrarguais. Ça ferme les bouches de beaucoup, mais je le répète, ce n’était pas un moteur. Simplement, j’ai pu me concentrer sur moi et ce que j’avais envie de faire, sur ce que j’aimais le plus. Aujourd’hui, il n’y a plus d’amertume. »
Alors qu’il a suivi les JO de Paris 2024 de loin, écoutant notamment la course hommes… à la radio, Mathis Azzaro a franchi un nouveau palier : après avoir été médaillé mondial en junior (bronze, 2018) et en juniors (argent, 2022), le Provençal est entré dans le gotha mondial chez les seniors. « Dans le circuit très fermé des mecs qui montent sur le podium Élite », glisse-t-il.
« J’ai senti que j’ai passé un cap physique et mental cette année. Je l’ai vu aussi dans les yeux de pas mal de monde »
« J’ai senti que j’ai passé un cap physique et mental cette année, remarque le Meyrarguais. Je l’ai vu aussi dans les yeux de pas mal de monde : au début, personne ne me connaissait trop, mais après la dernière course à Mont-Sainte-Anne, Nino (Schurter) est venu me dire ‘Tu as fait une belle course’. Idem avec Alan Hatherly (le champion du monde en titre). »
Capable ces dernières années de casser sa chaîne dans la zone de départ ou de crever sur le seul caillou en travers de sa route, Mathis Azzaro a réussi à « canaliser (s)a fougue », celle de la jeunesse. « J’ai su me remettre en question, j’ai beaucoup travaillé sur le fait que ces soucis pouvaient aussi venir de moi », avoue-t-il, preuve de sa « maturité » nouvelle.
Il enchaîne : « Mes résultats en 2024 ne me font fait pas quitter la planète, mais je réalise pas mal de choses. Désormais, ce statut-là, j’ai envie de le garder et de travailler pour rester parmi les meilleurs. Le plus dur reste à faire. À chaque fois, il faut repartir de zéro et tout reconstruire ».
Repartir d’une feuille blanche, chez Origine, avec Marotte
Il ne croit pas si bien dire. Après deux saisons chez Decathlon Ford Racing Team, Mathis Azzaro change de casaque, attiré par un tout nouveau projet : il portera en 2025 les couleurs du team Origine (nom tiré de la marque française de vélo), dont les contours et l’ambition seront dévoilés mercredi 15 janvier à Valenciennes. Il fera notamment équipe avec l’Italienne Martina Berta (médaillée de bronze mondiale en 2024) et le champion de Norvège Knut Roehme, 20e des derniers JO.
« J’ai eu cinq-six opportunités, effectué une visio avec le manager pour chacune d’entre elles, mais Origine est celle qui me tenait le plus à coeur », assure-t-il. Derrière ce projet se trouve Maxime Marotte, tout jeune (38 ans) retraité après une longue et riche carrière… terminée chez Decathlon Ford aux côtés d’Azzaro. Ces deux-là ont d’ailleurs noué des liens forts, passant du temps dans la famille de d’autre, appréciant de rouler ensemble hors compétition.
Présent à Luminy mi-mars
« La partie affect a joué dans mon choix, confirme le jeune Azzaro (24 ans), parce que on est devenus potes en deux ans, au-delà d’être juste coéquipier. Ça a créé un lien. Il faut aussi dire que lors des entretiens que j’ai menés, Maxime est le seul qui m’a posé des questions pertinentes, le seul qui m’a proposé d’essayer le vélo. Sur le papier, même si on part de zéro avec Origine, c’est le projet qui me tenait le plus à coeur, donc j’ai suivi un peu mon instinct. Au final, l’affect était presque la dernière pièce du puzzle. »
Pour la nouvelle saison, qu’il entamera traditionnellement le 22 février prochain à Banyuls (Espagne), Mathis Azzaro mettra un point d’honneur à venir rouler à Luminy, comme chaque année, à l’occasion de la coupe de France de VTT, du 14 au 16 mars. Mais c’est sur la scène internationale qu’il espère briller en 2025. « J’aimerais continuer à être régulier, donc ce serait beau de pouvoir jouer le général de la coupe du monde et tout faire pour viser le podium au championnat du monde », annonce-t-il.
Après l’éclosion, l’heure de la confirmation a sonné pour Mathis Azzaro.
Benoît GILLES