Figure emblématique du Vieux-Port et du Panier, Nana a réuni ce matin tout un quartier en deuil. Entre larmes et silence, Marseille a rendu hommage à celle qui incarnait l’humanité brute et la mémoire vivante de ses ruelles.
Marseille pleure une part de son âme, parce que Nana était devenue, au fil du temps, une présence familière qui incarnait l’essence même du Vieux-Port et l’âme indomptable du Panier.
Sa disparition, vendredi 10 janvier, à l’âge de 95 ans, a laissé une ville profondément en suspens, mais unie dans un hommage des humbles qui lui ont rendu aujourd’hui un hommage à la hauteur.
Ce matin, lors de la cérémonie à l’église Saint-Laurent et de l’adieu à Saint-Pierre, l’émotion était palpable. Mais c’est dans la procession du Panier que la mémoire populaire a trouvé sa plus belle expression. Une procession qui part du Panier, ce n’est jamais un détail. Ce quartier, véritable berceau de Marseille, respire l’histoire et les récits de ses habitants.
« Elle m’a vu naître, c’était notre grand-mère à tous«
Les pas de ceux qui ont suivi et bordé ce cortège semblaient raconter bien plus qu’un adieu. Ils parlaient de vie, d’attachement, et de cette humanité brute qui fait la grandeur de ce petit coin de ville.
Un minot du Panier, Marc Pagano, a trouvé un moment pour lui rendre hommage, témoignant avec émotion. Il dira : « Elle m’a vu naître, c’était notre grand-mère à tous et, quand on se manquait dans le quartier, elle nous remettait à notre place. Pour elle, il n’y avait pas de couleur, de race et de religion, elle reconnaissait tout le monde, elle était emblématique. Avec mon beau-frère, pêcheur de la famille Limonta qui tient le stand à côté d’elle, on se disait qu’elle était bien plus que la Bonne Mère, c’était notre grand-mère à nous. »
Nana, sa tendresse et son amour infini pour les siens, était une incarnation vivante du Vieux-Port et des ruelles du quartier qui mêlent ombre et lumière. Les rues du Panier, ce matin, étaient comme suspendues dans le temps.
Les gens avançaient en silence, chaque visage marqué par l’émotion. Les habitants, petits et grands, avaient tenu à être là, comme pour lui dire une dernière fois combien elle comptait. Les façades semblaient témoins muets de cet instant, rappelant que Nana, elle aussi, faisait partie des pierres de ce quartier.
Le sel de la vie
Les murmures, les larmes… Tout cela reflétait une ferveur bien plus grande que le simple deuil d’une personne. C’était l’expression d’un besoin d’authenticité, d’un retour à ce qui fait le sel de la vie : la vérité et l’humanité. Nana n’était pas qu’une figure locale, elle était une boussole, une mémoire vivante qui rassemblait autour d’elle un quartier parfois fracturé, mais toujours débordant de cœur.
Marseille, aujourd’hui, a retenu son souffle. Comme si la ville entière s’était figée pour écouter les battements du Panier, cette âme vibrante qui avait tant donné à Nana et tant reçu d’elle. C’est un adieu, oui, mais pas une disparition. Elle reste dans chaque sourire, dans chaque pierre, dans chaque souffle de mistral qui traverse les rues d’ici.
Dans le deuil, Marseille a montré une fois de plus son attachement viscéral à ses racines. Nana, cette femme qui collait tant à l’âme du quartier, s’en va. Mais son héritage, lui, ne disparaît pas. Il continue.
Philippe Arcamone
[Hommage] Nana, un esprit libre