Cyclisme – « Ce CIC Tour de La Provence a de la gueule », apprécie Voeckler

Thomas Voeckler. © B.G.

L’ancien maillot jaune du Tour de France Thomas Voeckler, porte-parole du CIC Tour de La Provence, détaille le parcours de la 9e édition qui se déroulera du 14 au 16 février. L’occasion de parler de son rôle de sélectionneur français et des Mondiaux 2025.

Encore du changement pour le Tour de La Provence. Après une année de pause à cause de soucis financiers importants en 2023, l’épreuve organisée par le journal éponyme voit l’arrivée, pour sa 9e édition, d’un sponsor titre : il faudra désormais accoler CIC au début de son appellation.

Ensuite, le format refait passer la course de quatre à trois jours, supprimant le prologue inaugural. L’organisation a aussi été repensée ; terminée l’externalisation à Mars 360, elle a été « totalement réinternalisée », expliquait Jean-Louis Pelé, le nouveau directeur général du groupe La Provence, ce mardi, lors de la conférence de presse de présentation, à Thecamp, à Aix-en-Provence.

« On apprend de l’édition passée, on va encore apprendre cette année. On a beaucoup d’humilité et beaucoup d’ambition Â», explique l’ancien grand champion Thomas Voeckler, qui campe brillamment le rôle de porte-parole de l’épreuve pour la deuxième année consécutive.

L’an dernier, le Danois Mads Pedersen avait remporté trois étapes et le général. Photo James Startt/Agence Zoom

Côté parcours, il sera essentiellement dans les Bouches-du-Rhône (voir la carte ci-dessous), et un tiers se déroulera sur les routes des Alpes-de-Haute-Provence. Cette étape, la deuxième, entre Forcalquier et Manosque, tend à s’imposer comme un classique du genre et aura tout de l’étape-reine. Au total, il y aura 542 kilomètres à parcourir et 5718 mètres de dénivelé positif.

Ultra dominant avec trois victoires l’an passé, le Danois Mads Pedersen, champion du monde 2019, a déjà annoncé son retour en Provence du 14 au 16 février prochain. Peu d’autres noms de participants ont filtré. On sait tout de même que seize équipes, composées de sept coureurs maximum, seront au départ, dont sept World Tour et, par obligation, les neuf françaises.

Ce mardi après-midi, l’organisation était déjà repartie au travail : pour une réunion en mairie de Marseille côté technique et une reconnaissance des parcours in situ pour le directeur de course Patrice Pion, en compagnie d’un commissaire UCI international, Sven Calus.

À un mois du coup d’envoi, interview de Thomas Voeckler, popularisé par ses vingt jours passés vêtu du maillot jaune sur le Tour de France, désormais consultant pour France Télévisions et sélectionneur – à succès – de l’équipe de France.

Le parcours des trois étapes du CIC Tour de La Provence 2025.

« Je préfère de loin trois jours qualitatifs, intenses, plutôt que quatre jours au rabais »

Voir un tel parcours, ça ne vous donne pas envie de remonter sur le vélo ?

Les deux premières étapes auraient pu me plaire, quand j’étais coureur. La compétition me manque bien sûr, je le dis souvent. Mais aujourd’hui, je suis de l’autre côté de la barrière. Ce CIC Tour de La Provence a de la gueule, avec des profils différents, des belles distances et puis de l’incertitude, sans doute plus de suspense qu’en 2024, où on avait un coureur, Mads Pedersen – qui reviendra cette année d’ailleurs – qui avait archi-dominé.

Pour cette édition, on passe de quatre à trois jours, il a fallu s’adapter aux contraintes économiques, mais je préfère de loin trois jours qualitatifs, intenses, plutôt que quatre jours au rabais. On a évidemment l’espoir de repasser sur quatre jours à l’avenir.

À quoi doit-on s’attendre pour cette 9e édition ?

On sortira de l’hiver, on sera dans le premier mois de compétition, les coureurs sont déjà ultra près, le public est en manque de vélo. On aura trois journées super denses.

Il n’y a pas de haute montagne, mais la physionomie des étapes semble plutôt correspondre à un profil de puncheurs-sprinteurs, comme l’an passé ?

Il ne faut pas s’y tromper : lors du départ de la 1re étape, avec la Gineste d’entrée puis l’Espigoulier, qui des sprinteurs ou des puncheurs va pouvoir tirer profit de ce parcours ? Le lendemain, vers Manosque, il n’y aura pas un mètre de plat, ça monte, ça descend. Et le dernier jour, le vent peut s’en mêler et faire des différences.

Ce sont toujours les équipes, les coureurs qui font la course. En 2024, on avait eu une météo un peu pourrie mais ça n’avait rien enlevé au spectacle sportif. Ce qui est sûr, aujourd’hui, c’est que je suis incapable de vous dire quel profil de coureur va s’imposer et c’est tant mieux.

« Avec la réattribution des licences World Tour, les équipes vont arriver avec les crocs dès le début d’année. Ça va être une bagarre »

Vous le disiez, désormais les coureurs sont prêts dès le début de saison. Malgré tout, des tops coureurs comme Mads Pedersen viennent ici dans l’optique de préparer les classiques de printemps. Le Tour de La Provence, comme l’Étoile de Bessèges, permet-il de préparer Paris-Roubaix ?

Il y a une dizaine d’années, c’était encore possible d’arriver sur les courses du début d’année, telles que le GP La Marseillaise ou le Tour Med’, pour faire de l’intensité. Si on ne gagnait pas, ce n’était pas grave, on se disait qu’il y aurait d’autres occasions.
Désormais, le CIC Tour de La Provence, c’est un objectif pour les coureurs qui viennent. Et c’est vrai, en même temps, que ça sert de préparation. Il y a de l’enjeu. Il faut aller chercher des victoires, surtout en cette année où se jouent les licences World pour les trois prochaines saisons.

L’ensemble des licences UCI World Tour hommes et femmes sera réattribué pour la période 2026-2028, avec un système de montées et de descentes, avec une élite à 18 équipes. La bataille se joue aussi là cette année ?

Si des équipes veulent rester au premier niveau mondial, il ne faudra pas attendre la fin d’année pour se bouger. C’est un peu comme dans un championnat de foot : quand il manque trois points pour le maintien, c’est dur d’aller les chercher dans les trois dernières journées. Donc dès le début d’année, les équipes vont arriver avec les crocs. Ça va être une bagarre.

Cette course aux points UCI, avec la crainte de descendre en ProTeam, sera un vrai enjeu ? Des équipes vont-elles adapter leur tactique et leur calendrier de compétitions pour maximiser le gain de points ?

Bien sûr, ça change la façon de courir. Peut-être pas en février. Par contre, ça change la manière d’aborder une saison. Pour le grand public, c’est peut-être un petit peu difficile à cerner, mais clairement, ce système influence le déroulement des courses. On voit des équipes décliner des invitations ; on l’a vu récemment pour le prochain Paris-Nice (Israël-Premier Tech et Lotto).

De notre côté, le Tour de la Provence sert surtout à donner une bonne dynamique aux équipes. Non pas que ça soit une épreuve dévalorisée, mais on n’est pas dans une classification qui apporte énormément de points (classe 1, soit le 3e échelon). Par contre, quand vous gagnez une étape de La Provence, vous mettez votre groupe et un leader en confiance, vous faites tourner un collectif et vous ouvrez le compteur de victoires. Donc c’est hyper important.

Photo James Startt/Agence Zoom

« J’ai encore des beaux challenges à relever avec l’équipe de France. Ça me fait envie de voir ces jeunes qui arrivent »

Un mot sur votre rôle de sélectionneur de l’équipe de France de cyclisme. Vous avez prolongé d’une année…

(Il coupe) Non je n’ai rien prolongé. Mon contrat court toujours, rien n’a été modifié, il n’y a pas eu de prolongation. Simplement, on m’a demandé si j’avais été sollicité par des équipes de marque, j’ai répondu ‘Oui’. Est-ce que ça m’avait fait réfléchir ? Oui, aussi. Et finalement, j’ai décidé de rester dans mes fonctions actuelles de sélectionneur et de consultant (pour France Télévisions). Mais non, mon contrat n’a pas été modifié. Je garde pour moi les termes d’échéance de celui-ci.

Après les nombreuses médailles que vous avez obtenu à ce poste, notamment l’argent (Madouas) et le bronze (Laporte) aux JO, auriez-vous pu être tenter de raccrocher ?

J’aurais pu être ramené à faire autre chose, j’ai pesé le pour et le contre. J’ai encore des beaux challenges à relever avec l’équipe de France.

Vous avez le sentiment de ne pas avoir faire le tour de la question ?

Je crois que s’il n’y avait pas de tels talents en devenir en France… Il faut reconnaître qu’on a passé une période un peu creuse au niveau des tout jeunes. Et pour autant, les mecs qui deviennent un peu anciens ont tenu la baraque jusque-là.

Alors, bien sûr, on n’a pas chez nous un phénomène comme Evenepoel, Pogacar, Vingegaard, Van Aert ou Van der Poel. Mais on a quand même fait 2e et 3e des JO ! Aujourd’hui, en tant que sélectionneur, ça me fait envie de voir ces jeunes mecs qui arrivent (Lenny Martinez, Paul Lapeira…) avec les parcours qui sont présentés lors des prochaines courses internationales.

C’est un privilège d’être à la tête de l’équipe de France, ce n’est pas une fonction anodine, ni un métier. Moi je suis un privilégié, je suis très fier de ça. Après, quand on arrête, on ne peut plus revenir en arrière. Donc je veux encore en profiter, parce que j’ai l’envie.

« Ce Mondial au Rwanda, ça va être une boucherie, super dur. Avec une telle ferveur populaire… »

Vous connaissez le Gabon pour avoir couru la Tropicale Amissa Bongo. Mais connaissez-vous le Rwanda ? C’est le premier pays africain de l’histoire qui accueillera les Mondiaux, en septembre prochain.

Oui, j’y suis même déjà allé ! En 2022, je suis allé assister au Tour du Rwanda (invité par la Fédération nationale de cyclisme) et sans trahir de secret, j’avais alors pu effectuer le circuit du championnat du monde.

Je connais les facteurs de chaleur, d’humidité, de dénivelé. Franchement, ce Mondial, ça va être une boucherie, super dur. Avec une telle ferveur populaire, je ne sais même pas si on peut l’atteindre sur le Tour de France, c’est dire ! Il faut s’attendre à vivre un truc de fou au Rwanda.

Benoît GILLES


> La 9e édition du CIC Tour de La Provence
1re étape, vendredi 14 février : Marseille – Saint-Victoret (175,1 km).
2e étape, samedi 15 février : Forcalquier – Manosque (169,8 km).
3e étape, dimanche 16 février : Rognac – Arles (197,1 km).
Le détail des étapes.

> Les équipes engagées
World Tour : Lidl-Trek, Arkéa-B&B Hôtels, Groupama-FDJ, Cofidis, Decathlon-AG2R, Bahrain-Victorious, EF Education-Easypost.
ProTeams : Israël-Premier Tech, TotalEnergies, Bingoal, Novo Nordisk, Unibet Tietima Rockets.
Continental : Nice Métropôle, Saint-Michel Préférence Home Auber 93, Van Rysel – Roubaix, CIC U Nantes Atlantiques.