Une patiente marseillaise en rémission du VIH après une greffe historique

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À l’hôpital Sainte-Marguerite, une patiente séropositive depuis 1999 est en rémission un an après l’arrêt de ses traitements. Une première en France et un espoir pour la recherche sur le VIH.

Marseille, une fois encore, prouve qu’elle est à l’avant-garde des grands défis de la médecine. Ce 13 janvier, l’AP-HM a relayé l’histoire d’un cas inédit en France, et le 8e au monde : une patiente séropositive depuis plus de vingt ans est aujourd’hui en rémission fonctionnelle du VIH. Un an après l’arrêt de son traitement, aucune trace du virus n’a été détectée dans son organisme.

« Notre patiente est bien évidemment ravie, confie le Dr Sylvie Brégigeon, cheffe du CISIH (Centre d’information et de soins de l’immunodéficience humaine et des hépatites virales) de l’hôpital Sainte-Marguerite, où la patiente était prise en charge. Nous parlons d’un potentiel cas de guérison, mais un recul plus important reste nécessaire pour consolider ces résultats. »

C’est une avancée majeure dans la lutte contre le VIH, marquée par une greffe de moelle osseuse réalisée en 2020 dans le cadre du traitement d’une leucémie. La greffe, associée à une rare mutation génétique du donneur, ouvre de nouvelles perspectives scientifiques, bien que cette méthode ne soit pas applicable à grande échelle.

Une greffe et une mutation génétique rarissime

Tout commence en février 2020. Diagnostiquée d’une leucémie myéloïde aiguë, cette patiente d’une soixantaine d’années, déjà suivie depuis deux décennies pour son infection au VIH, se retrouve confrontée à un double combat.

Les médecins de l’Institut Paoli-Calmettes, en charge de son cas, décident alors de tenter une allogreffe de moelle osseuse. Une procédure risquée mais nécessaire pour traiter sa leucémie. L’équipe trouve un donneur non seulement compatible, mais porteur d’une mutation génétique rarissime : la délétion Delta32 sur le gène CCR5. Cette mutation bloque l’entrée du VIH dans les cellules, rendant les individus porteurs des deux copies de ce gène résistants à l’infection.

« Cette mutation offre un véritable bouclier contre le VIH », explique un membre de l’équipe médicale. À ce jour, seulement sept patients dans le monde ont connu une rémission similaire grâce à cette mutation combinée à une greffe.

Trois ans sous haute surveillance

Après la greffe, la patiente est placée sous traitement antirétroviral pendant près de trois ans, le temps pour son organisme de se stabiliser. Sous la supervision du Dr Olivia Zaegel-Faucher, des tests virologiques ultrasensibles sont réalisés en collaboration avec le laboratoire de virologie de la Timone. Les résultats sont sans équivoque : aucune trace du virus.

En octobre 2023, une décision collégiale est prise : suspendre les traitements. Depuis, la patiente est suivie de près avec des examens virologiques réguliers. À ce jour, tous les résultats restent négatifs.

Plus impressionnant encore, son taux de lymphocytes T CD4+, ces globules blancs détruits par le VIH, est passé de 250/mm³ à 1 289/mm³, une valeur supérieure à la normale.

Une avancée pour de nouvelles voies thérapeutiques

L’histoire, aussi exceptionnelle soit-elle, reste un cas isolé. L’allogreffe de moelle osseuse est un protocole réservé aux pathologies graves comme les leucémies. La procédure implique chimiothérapie intensive, radiothérapie et longs mois d’hospitalisation en chambre stérile.

« Cette stratégie n’est malheureusement pas reproductible pour tous les patients vivant avec le VIH », reconnaît le Dr Sylvie Brégigeon. Mais ces cas rares permettent d’éclairer des mécanismes encore mal compris et trouver de nouvelles voies thérapeutiques.

Ce succès s’inscrit dans l’histoire du CISIH de l’hôpital Sainte-Marguerite, plateforme pionnière dans la prise en charge du VIH en France. Depuis plus de 30 ans, ce centre combine soins, recherche clinique et innovation en partenariat avec l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida), avec un suivi d’environ 1 200 patients.

Cette expertise fait de l’hôpital Sainte-Marguerite un pionnier, non seulement dans les soins, mais aussi dans la contribution à des congrès internationaux, comme ceux de Munich et de Glasgow en 2024, où le cas de la patiente a été présenté à la communauté scientifique.

La patiente marseillaise rejoint un cercle très restreint de patients à travers le monde ayant connu une rémission fonctionnelle du VIH. « Nous allons prochainement collaborer avec une équipe parisienne pour approfondir les analyses immunologiques et publier ce cas clinique », ajoute le Dr Brégigeon.

N.K.