Patrick Lesbros détaille le nouveau périmètre d’action du tribunal des activités économiques

Patrick Lesbros, président du tribunal des activités économiques de Marseille. Crédit photo - Richard Dubernet

Depuis le 1er janvier, le tribunal de commerce de Marseille est l’un des douze tribunaux des activités économiques expérimentaux en France. Son président, Patrick Lesbros, revient sur cette réforme ambitieuse pour centraliser et élargir les compétences juridictionnelles face aux défis économiques.

L’année 2025 marque le début d’une profonde transformation pour douze tribunaux de commerce en France, désormais renommés « tribunaux des activités économiques » (TAE), parmi lesquels celui de Marseille.

Initiée sous l’impulsion de l’ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui a occupé cette fonction jusqu’en septembre 2024, cette expérimentation s’étendra jusqu’au 31 décembre 2028, avec un objectif clair : mieux accompagner les entreprises en difficulté, quelle que soit leur structure juridique ou leur secteur d’activité.

Jusqu’à présent, le tribunal de commerce de Marseille était compétent pour les commerçants. Ces nouveaux TAE voient leurs compétences élargies pour englober non seulement les sociétés commerciales, mais aussi les associations, les professions libérales (hors professions du Droit réglementées), les sociétés civiles ainsi que les exploitations agricoles.

« Par exemple, un litige entre un fournisseur et un agriculteur sera toujours traité au tribunal judiciaire, mais les difficultés économiques, elles, seront dans le champ de compétence du tribunal des activités économiques Â», livre Patrick Lesbros, président du TAE de Marseille. Il détaille pour Le Méridional les ambitions et les enjeux de cette expérimentation.

Quels sont les impacts de l’élargissement des compétences du tribunal des activités économiques ?

Avant cette évolution, Marseille était un tribunal de commerce spécialisé, compétent pour les procédures collectives des entreprises de plus de 250 salariés ou générant plus de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, dans l’ensemble du territoire.

La compétence du tribunal des activités économiques s’étend aussi à cette échelle. Par exemple, une association de 500 personnes immatriculée à Aix-en-Provence, rencontrant des difficultés économiques, sera désormais traitée par le TAE.

Nous avons déjà reçu des demandes de procédures collectives, tant pour des professions libérales que pour des associations. Les procédures amiables (mandat ad hoc, conciliations) relèvent également de la compétence du tribunal des activités économiques et affichent un taux de succès relativement élevé, entre 75 % et 80 %.

En revanche, les questions de baux commerciaux, si elles ne sont pas liées à une difficulté économique, restent traitées par le tribunal judiciaire, car elles doivent être abordées en lien avec l’ouverture d’une procédure collective.

L’enceinte du TAE de Marseille.

Quels sont les objectifs de cette expérimentation ?

La priorité actuelle est de comprendre les difficultés économiques des nouveaux segments d’activité et de les traiter de manière appropriée. Par exemple, les associations, souvent dépendantes des subventions, ressentent les effets des restrictions budgétaires, ce qui peut entraîner des difficultés économiques.

Il y a aussi un volet prévention important à développer, y compris pour les associations. Le tribunal des activités économiques élargira ainsi son rôle en matière de prévention, détection, conciliation et mandat ad hoc, notamment pour les professions libérales et les sociétés civiles. L’ambition est de faire découvrir le rôle positif du tribunal dans l’accompagnement et la détection des signaux d’alerte.

L’intention est que les justiciables soient rapidement orientés vers le bon tribunal, sans perdre de temps.

L’élargissement de la compétence du tribunal des activités économiques est aussi prévu pour répondre aux besoins d’information et de formation des professionnels du droit, tout en optimisant le travail des greffes et des tribunaux.

L’intention est que les justiciables soient rapidement orientés vers le bon tribunal, sans perdre de temps. Ce changement permettra au tribunal de traiter l’ensemble du tissu économique, commercial, associatif et libéral, et pas seulement l’activité commerciale.

Le but à terme est d’étendre cette expérimentation à l’ensemble des douze tribunaux de commerce après son évaluation en 2028.

Cette mutation entraînera-t-elle une croissance notable de l’activité du tribunal des activités économiques ?

Les procédures amiables restent de la compétence exclusive de la présidence, donc rien ne change à ce niveau-là. Lorsqu’on est en procédure collective, le tribunal prendra en charge les dossiers via les trois chambres, sans changement majeur, si ce n’est que les juges et commissaires de chaque chambre sont désormais plus spécialisés.

L’entrée du cabinet du président du TAE.

Comment prévoyez-vous de gérer l’augmentation des dossiers ?

Cette évolution a été préparée avec le tribunal judiciaire. Le stock actuel du tribunal judiciaire est de 300 à 400 dossiers, ce qui laisse présager un maintien du volume d’affaires en cours. La croissance des procédures collectives en 2024 est estimée à 25 %.

Nous avons évalué la croissance potentielle des dossiers, qui entraînera une charge supplémentaire à absorber, d’abord avec le greffe. Au fur et à mesure des besoins, nous adapterons l’organisation.

Pour l’instant, la stratégie est de répartir les dossiers entre les trois chambres existantes. Passée la première année, nous verrons si l’ouverture d’une quatrième chambre est pertinente, avec le recrutement de juge supplémentaire. Précisons tout de même que le TAE ne récupère pas les dossiers ouverts avant janvier, qui sont toujours traités par le tribunal judiciaire, tandis que ceux ouverts après le 1er janvier sont désormais de ma compétence.

De nouveaux outils pour lutter contre la fraude seront-ils développés ?

De manière générale, un contrôle de cohérence est exercé lors de l’immatriculation et de la création des entreprises, en collaboration étroite avec le parquet et grâce aux alertes des commissaires aux comptes. Là encore, les compétences sont élargies.

Cette année, j’ai mené une action forte en faveur d’une plus grande transparence économique, et je compte l’étendre au périmètre du TAE. L’objectif n’est pas d’abandonner une partie de l’activité du tribunal de commerce pour en gérer une autre, mais de les additionner, car elles sont complémentaires.

Rania GABEL

Entrée du tribunal de commerce de Marseille.