Une zone franche urbaine toujours à l’étude pour le centre-ville de Marseille

La création d’une zone franche pour le centre-ville de Marseille est toujours à l’étude. Cet outil est envisagé pour soutenir l’activité économique locale dans l’hyper-centre et compenser une potentielle perte d’attractivité due à la délocalisation de la cité judiciaire vers Euroméditerranée.

Lors de sa venue à Marseille en novembre 2023, l’ancienne secrétaire d’État à la Ville et à la Citoyenneté, en charge du plan Marseille en grand, Sabrina Agresti-Roubache, avait annoncé la création d’une zone franche urbaine (ZFU) pour le centre-ville.

Ce dispositif visait à répondre aux inquiétudes des commerçants, particulièrement après l’annonce de la délocalisation du Palais de Justice et du tribunal judiciaire dans le quartier d’Arenc. Cette décision, actée par l’ex-garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, prévoit un transfert pour 2031, sous réserve du respect du calendrier.

Le projet vise à regrouper les services judiciaires sur un site de plus de 40 000 mètres carrés de surface plancher, capable d’accueillir les 2500 avocats du barreau de Marseille et leurs activités, dans un bâtiment de 40 étages.

Si le travail préparatoire pour évaluer les besoins immobiliers avance, le budget global, estimé à 350 millions d’euros, reste à confirmer.

Une solution encore incertaine

Bien que ce transfert soit stratégique pour le développement du pôle judiciaire selon l’État, il a provoqué une levée de boucliers parmi les acteurs économiques, qui redoutent une perte importante de clientèle pour les commerces du centre-ville.

Avec ses exonérations fiscales, la zone franche urbaine a été présentée comme un moyen de dynamiser économiquement un secteur déjà fragilisé par la crise sanitaire, les violences urbaines et la mutation du tissu commercial local.

La mise en œuvre de cet outil reste à l’étude. « Un travail est en cours avec la Chambre de commerce et d’industrie, les collectivités, la Métropole et les acteurs économiques », nous confiait Christophe Mirmand lors de son dernier entretien en qualité de préfet des Bouches-du-Rhône.

Cette réflexion, complexe, prend du temps. Le préfet appelait à la prudence : « La difficulté, c’est que les effets, s’il y en a, de ce transfert vers Euroméditerranée ne se produiront qu’en 2031, lors de l’installation des services judiciaires. Nous sommes aujourd’hui en 2025, soit six ans à l’avance. Il est donc difficile de dire que la zone franche urbaine est forcément la solution appropriée. Elle est un outil à étudier, un moyen envisageable pour remédier à des difficultés. »

Un impact économique déjà documenté

Une étude menée en 2023 par la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille-Provence (CCIAMP) et le Barreau de Marseille mettait en lumière les conséquences économiques qu’entraînerait la délocalisation de la cité judiciaire hors du centre-ville.

Les professionnels du droit génèrent environ 18 millions d’euros de retombées économiques annuelles dans cette zone, notamment dans le secteur de la restauration, qui représente 40% des dépenses. Les avocats dépensent en moyenne 26 euros par repas, bien au-dessus de la moyenne nationale de 11 euros.

Le quartier du palais de justice dépend fortement de cette consommation endogène, avec 1 780 commerces situés à moins de 10 minutes à pied du palais Monthyon, dont une grande partie de restaurants.

L’étude souligne que 1 900 avocats et leurs salariés occupent environ 50 000 m² de locaux, représentant une valeur locative annuelle estimée à 2,5 millions d’euros. La clientèle CSP+ des professionnels du droit, composée de 3 900 consommateurs réguliers, est difficilement remplaçable pour les commerces de proximité.

Une étude commandée à l’Agam pour étudier différentes solutions

Pour Christophe Mirmand, « les problèmes de l’hyper-centre ne sont pas directement liés au départ éventuel de la cité judiciaire, ni même à la crise du Covid. Ils résultent davantage d’une évolution de la demande des consommateurs », justifiait Christophe Mirmand.

Selon lui, les nouvelles zones commerciales, comme les Terrasses du Port, ont modifié les habitudes de consommation en attirant les clients plus loin du centre historique.

Bien que légèrement revitalisé, le Centre-Bourse illustre également ces difficultés, sans oublier la montée en puissance du e-commerce. « C’est pourquoi l’État a demandé à l’Agam de réaliser une étude pour envisager des solutions de redynamisation adaptées », ajoutait-il.

La cité judiciaire au Centre-Bourse ?

Dans la continuité des réflexions sur l’avenir de la cité judiciaire, l’étude de la CCIAMP insiste sur l’importance de maintenir cet équipement au cœur de Marseille pour préserver l’économie locale.

Elle propose également d’explorer des alternatives viables, telles que la rénovation ou l’extension du site actuel, en incluant des locaux voisins inoccupés, comme le commissariat ou le tribunal administratif. L’une des nouvelles options envisagées à ce jour est l’utilisation du bâtiment du Centre Bourse.

En réponse à cette proposition avancée par la Chambre de commerce et d’industrie, qui cherche à résoudre simultanément les problèmes du Centre Bourse et à maintenir la cité judiciaire en centre-ville, le préfet a exprimé des réserves.

Selon lui, « le bâtiment du Centre Bourse, d’une surface d’environ 40 000 m², ne semble pas répondre aux besoins d’une future cité judiciaire. » Il a souligné la configuration particulière de cet immeuble, notamment sa largeur importante et son manque de visibilité sur la rue, des caractéristiques qui, selon lui, « ne correspondraient peut-être pas aux exigences d’un établissement judiciaire.« 

N.K.