Première visite officielle pour Gérald Darmanin à Marseille en tant que garde des Sceaux. Dans une ville où 200 procès d’assises sont en attente et où la criminalité organisée prospère, le ministre de la Justice promet des moyens, des actes et des résultats. Mais les défis restent titanesques.
Gérald Darmanin n’a pas perdu de temps pour ce baptême ministériel à Marseille en tant que garde des Sceaux. Dans la cité phocéenne, ce 2 janvier 2025, quatre heures de discussions matinales, avec les procureurs, les magistrats et l’administration pénitentiaire ont donné le ton de la journée.
Une réunion marathon pour évoquer les dossiers brûlants, suivie d’une visite à la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) afin de saluer les efforts de réinsertion des mineurs, d’un passage aux Baumettes pour échanger avec les agents pénitentiaires, et d’un retour au tribunal axé sur les affaires civiles.
L’objectif de ce premier déplacement dans la cité phocéenne est clair : afficher un soutien sans faille aux agents du système judiciaire et dérouler sa méthode tout en marquant sa différence dans un ministère sous tension.
200 procès d’assises en attente
Dans les Bouches-du-Rhône, le constat est alarmant : « 200 procès d’assises sont en attente », assène le ministre de la Justice, rappelant ainsi l’ampleur du goulet d’étranglement judiciaire. Une statistique qui révèle l’urgence : face à une criminalité organisée tentaculaire et une délinquance galopante, les moyens manquent cruellement.
Dans ce département où les règlements de compte – bien que divisés par deux en 2024 (passant de 50 à une vingtaine) – restent un fléau, la fermeté promise par la justice perd de sa crédibilité si les procès tardent.
« La fermeté de la justice, c’est la certitude d’être jugé et condamné rapidement », martèle Gérald Darmanin. Mais avec seulement 2% du budget de l’État dédié à la Justice, l’exercice est périlleux.
Pour faire face à cette situation, cette année, 1600 postes doivent être créés à l’échelle nationale selon le ministre, qui doit encore trouver son financement dans un contexte budgétaire tendu et surtout sans vote du budget.
41 millions d’euros confisqués dans le département en 2024
Sur le front de la criminalité organisée, Marseille reste une place forte. « Quarante et un millions d’euros ont été confisqués dans les Bouches-du-Rhône en 2024 », se félicite le ministre, tout en admettant que le combat contre le blanchiment d’argent doit s’intensifier.
Les saisies de biens immobiliers, de voitures de luxe et de comptes offshore doivent devenir systématiques. « Il faut taper au portefeuille », ajoute Gérald Darmanin, ajoutant que les peines de prison ne suffisent pas à dissuader les plus grands trafiquants.
Dans une ville où le trafic de drogue gangrène économies et société, le ministre opte pour une stratégie inspirée de la lutte antiterroriste : isolement des narcotrafiquants les plus influents, brouillage des communications en prison et confiscations accrues. Mais entre la volonté politique et la réalité des moyens techniques, la marge reste étroite.
Gérald Darmanin a également insisté sur l’importance de la coopération internationale dans la lutte contre la criminalité organisée. « Je me rends aux Émirats arabes unis, notamment à Dubaï, d’ici la fin du mois de janvier, pour évoquer les questions de coopération judiciaire », a-t-il précisé, soulignant l’enjeu stratégique de contrer les réseaux internationaux de blanchiment et de trafic.
La corruption des agents publics dans le viseur
Egalement pointée : la vulnérabilité des agents publics face à la corruption orchestrée par les réseaux criminels. « Lorsque des organisations criminelles ont les moyens de menacer ou de corrompre des fonctionnaires, c’est la crédibilité de l’État qui est en jeu », a-t-il alerté.
Des cas de menaces contre des douaniers ou des policiers, ainsi que des actes de corruption visant des agents pénitentiaires, ont été signalés, notamment dans des ports et des centres de détention stratégiques. Le garde des Sceaux propose de s’inspirer des méthodes utilisées dans la lutte contre le terrorisme, en renforçant la vigilance et les contrôles sur les profils sensibles : « Hier, nous surveillions les agents radicalisés ; aujourd’hui, nous devons être tout aussi attentifs à ceux qui pourraient être exposés à la corruption ».
Isoler 100 têtes de réseau déjà détenues
Pour rétablir la confiance dans l’action publique, il mise également sur un projet pilote ciblant les 100 narcotrafiquants les plus influents du pays, déjà détenus, sur les 17 000 personnes condamnées pour trafic de stupéfiants. L’objectif ? Neutraliser leur capacité à piloter des opérations depuis les cellules. [Plus d’infos ici]
Mais avec un système judiciaire sous tension et des moyens limités, le chemin reste semé d’embûches. La tâche est d’autant plus complexe que le vote du budget n’a pas encore eu lieu, laissant planer des incertitudes sur les ressources disponibles. « Je tiendrai les engagements de mes prédécesseurs et je compte bien défendre des arbitrages budgétaires encore supérieurs », a plaidé le ministre, soulignant son intention de travailler avec Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur.
Une coopération qui inscrit ses annonces dans la continuité des mesures présentées par Retailleau et l’ancien garde des Sceaux, Didier Migaud, à Marseille en novembre 2024.
N.K.
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