Double médaillée paralympique de para-natation en 1988, la Marseillaise Guislaine Westelynck (65 ans) a rendu son tablier de présidente de la Fédération française de handisport. Mais elle continuera à se battre en faveur de l’inclusion.
Comme son « copain depuis trente ans » André Giraud, qui vient de passer le flambeau à la tête de la Fédération française d’athlétisme, Guislaine Westelynck a mis un terme à ses fonctions nationales samedi 14 décembre.
Dans le bois de Vincennes, au pavillon Chesnaie, la Marseillaise, 65 ans, a rendu son tablier après sept années à la barre de la Fédération française handisport (FFH). Gäel Rivière, joueur de cécifoot (football à cinq déficients visuels) double médaillé paralympique (argent en 2012, or en 2024), lui succède, après avoir obtenu 87,93% des voix.
« Tombée dedans étant petite »
La FFH, dans un communiqué de presse, n’a pas manqué de saluer « l’engagement sans faille (de Guislaine Westelynck) au service de la famille handisport ». « Tombée dedans » étant petite (un accident à 9 ans révélant son ostéogenèse imparfaite), la Marseillaise était arrivée à la présidence presque sans le vouloir puisque son prédécesseur, malade, n’était resté que huit mois en poste.
« Je n’ai pas réussi beaucoup de concours dans ma vie. J’étais arrivée là par un concours de circonstances », dit celle qui fut tout de même double médaillée paralympique de natation à Séoul 1988 (argent au 100 m nage libre, bronze avec le relais 4x100m 4 nages). « J’ai atteint le Graal, enchaîne-t-elle. Ce que j’ai préféré dans toute ma carrière handisport, ça a toujours été le bénévolat, quand j’étais entraîneur de la natation. Là , c’était du concret. »
Désireuse de ne pas faire le mandat de trop, la sexagénaire (65 ans) laisse « une situation saine », alors que sa Fédération « a failli mourir » après les confinements dus au Covid, « par manque de moyens ». La FFH fut en effet en grande difficulté après la mise en redressement judiciaire de sa filiale Résidence internationale de Paris, en août 2021.
La FFH a récolté 55 des 75 médailles françaises aux Jeux paralympiques de Paris 2024
Revenue du diable vauvert, la Fédération française handisport a pu briller lors des Jeux paralympiques 2024, à domicile, l’été dernier. Avec 55 médailles, contre 41 trois ans plus tôt à Tokyo, elle a majoritairement participé à l’excellent bilan de la France (75 médailles au total), avec ses 134 para sportifs (sur 237 Tricolores) engagés.
« Le bilan est positif, juge Guislaine Westelynck. Ça nous a permis d’atteindre l’objectif fixé, à savoir intégrer le top 8 des nations (8e), même s’il y a des disciplines où on a encore du travail, comme le para athlétisme par exemple. »
Comment expliquer une telle progression ? La Marseillaise n’a pas sa langue dans la poche : « On a été pris en compte par l’Agence nationale du sport et par l’État. Je rends hommage, je ne sais pas si c’est politiquement correct mais je m’en fous, à Claude Onesta (ex-directeur de la haute performance à l’ANS). Il s’est occupé de nous aussi. Lui a compris. Un jour, il a fait un audit sur le mouvement sportif, il a dit que le para-sport était négligé. Et que désormais, il fallait nous prendre en compte. De là , on nous a vraiment donnés les moyens. On est passé d’une aide qui était dérisoire à une aide conséquente. »
Pris en compte et considéré par l’Agence nationale du sport
L’argent, plus que jamais le nerf de la guerre pour des athlètes en situation de handicap et qui, avant Paris 2024, étaient invisibilisés auprès du grand public. « D’un ou deux millions, on est passé à plus de quatre millions d’aides par an, décompte Guislaine Westelynck. C’est énorme. On l’a mis à profit de nos disciplines. »
Ravie de ces « super résultats », la 5e présidente de la FFH comptait 35 000 licenciés et plus de 60 000 pratiquants au sein de cette instance reconnue d’utilité publique depuis 1983. Mais la pression et les responsabilités commençaient à se faire trop lourdes sur les frêles épaules de cette ancienne para-nageuse de haut niveau.
« C’est pour cela que j’arrête, j’ai trop de pression, j’ai l’impression que je vais claquer », confie Guislaine Westelynck, qui a arrêté de fumer du jour au lendemain, voilà six mois, après s’être fait rappeler à l’ordre par son cardiologue.
Pour l’Olympiade 2024, la Fédération française handisport comptait onze para-sports, sur les vingt-deux en lice (1). « C’est ça qui intéresse les gens, ce qui est visible, constate-t-elle. Même la boccia, on a peur de la perdre (du giron FFH), alors que personne ne la voulait avant. C’est du handicap lourd. »
La victoire d’Aurélie Aubert lors des Jeux paralympiques, dans cette discipline ressemblant à la pétanque, et ses larmes ont ému le pays. La médaillée d’or a fait la Une des journaux télé et de la presse sportive nationale. « Les clubs de pétanque nous ont toujours dit qu’ils n’en voulaient pas. Aujourd’hui, je me demande : ‘Pourquoi ne voudraient-ils pas la boccia, maintenant que ça s’est familiarisé, que les gens connaissent ? C’est super inquiétant. »
Depuis de nombreux mois, Guislaine Westelynck n’a jamais caché que cela représentait « un sujet très douloureux » pour elle : voir des Fédérations sportives récupérer la délégation de leur branche para-sportive.
Constatant que certaines disciplines (tennis fauteuil, para-judo, para-tir à l’arc) partie hors de son sérail avaient fait chou blanc à Paris 2024, Guislaine Westelynck voit le succès d’autres sports sous un double prisme.
L’expertise mais aussi bientôt l’exode de la « vitrine » ?
D’un côté, cette réussite représente le symbole de « l’expertise » de la FFH : « On sait la valoriser, on la revendique et on la met en place dans les territoires. C’était ça qui me tenait le plus à coeur, le développement dans les territoires », détaille-t-elle.
Mais de l’autre, la Marseillaise redoute que cette « vitrine », et « l’afflux d’argent permettant son développement », ne quitte le giron du handisport. « On sent qu’il y a des velléités de demander la délégation. Il y a des fédérations qui commencent à se dire ‘Ah c’est intéressant le haut niveau, on va demander à la délégation’. Parce que c’est la vitrine. »
Exemple le plus frappant : qu’en sera-t-il du para-cyclisme, discipline la plus pourvoyeuse de médailles paralympiques en 2024 (28 sur 75), sur lequel la Fédération française de cyclisme (valide) pourrait lorgner d’ici à fin 2025 ?
« C’est compréhensible et ça va être compliqué de leur dire non, indique la désormais ex-présidente de la Fédé handisport. Avec Michel Calot (président réélu à la FFC), on est membres du conseil d’administration du CNOSF ; je n’ose pas aborder le sujet parce qu’on va se battre. Mais bien sûr qu’il faut dire non ! C’est le ministère qui décide au final. Il faut se battre pied à pied et montrer que nous, on a eu des résultats. Nous avons une expertise, on fait du développement et on ne s’arrête pas à l’équipe de France. »
Ce combat, vital, devra désormais être mené par son successeur, Gaël Rivière. De ses sept années aux responsabilités, l’ancienne inspectrice à l’Urssaf Guislaine Westelynck dit avoir « beaucoup appris sur le genre humain, plus en sept ans que dans toute ma carrière ». Ponctuant sa phrase d’un « sur les bons comme les mauvais côtés », qui souligne les déceptions qui ont escorté le chemin de cette dame entière et pétillante.
Revenue à Marseille, l’ancienne nageuse de haut niveau n’en a pas totalement fini avec sa passion, puisqu’elle continue de nager 3,5 kilomètres tous les dimanches matin. Ni avec son engagement. À vrai dire, celle qui a raconté son histoire dans un livre (2) va continuer de battre le pavé. À son échelon et bénévolement.
« Tout faire pour insuffler à Marseille la notion de handicap »
« Comme à la Fédération française de handisport, je veux tout faire pour insuffler à Marseille la notion de handicap et la nécessité d’avoir toujours ce réflexe qui consiste à permettre à une personne en situation de handicap de faire du sport, avant tout de loisir. »
Guislaine Westelynck a déjà maintes fois proposé ses services aux élus provençaux, de tous bords. Notamment auprès de l’adjointe ad hoc à la Ville de Marseille, Isabelle Laussine. Elle n’en démord pas : « Il y a énormément à faire. On parle beaucoup d’héritage… Dans l’éducation nationale, c’est un vrai chantier. Il y a un mot auquel je tiens, c’est l’inclusion. C’est un mot très à la mode. Sauf que l’inclusion, ça se construit, pas à pas ; ça ne se décrète pas ».
Un combat que la Marseillaise continuera de mener jusqu’au bout de ses béquilles.
Benoît GILLES
1. Basket fauteuil, boccia, escrime fauteuil, cécifoot, goalball, para-athlétisme, para-cyclisme, para-haltérophilie, para-natation, para-tennis de table, rugby fauteuil.
2. « J’ai surmonté mon handicap comme un poisson en haute mer », aux édition Le Courrier du livre.