Le tribunal administratif de Marseille a reconnu la responsabilité de l’État face à l’inaction prolongée concernant la pollution industrielle des Calanques Sud. Une décision majeure qui impose un calendrier de dépollution d’ici 2028, notamment dans le cadre du projet de Legré-Mante.
C’est un jugement qui fera date. Le lundi 16 décembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a reconnu la responsabilité pleine et entière de l’État pour son inaction face aux pollutions industrielles historiques du littoral Sud de Marseille.
Amiante, mercure, arsenic, métaux lourds… 77 sites industriels et leurs crassiers, couvrant 29 hectares, ont été identifiés comme des zones critiques au cœur du Parc national des Calanques.
Représentés par le cabinet d’avocats TTLA et appuyés par des associations environnementales, les riverains ont obtenu gain de cause après des décennies de luttes contre l’inaction des autorités.
Pour le juge administratif, l’État ne pouvait plus ignorer une pollution connue depuis la fin des années 1990. La condamnation impose désormais des mesures concrètes pour la dépollution intégrale du site.
Un risque environnemental et sanitaire avéré
Les conclusions du tribunal sont claires : les pollutions présentes dans les calanques Sud représentent un danger grave pour la santé publique, la sécurité et l’environnement. Les analyses révèlent des niveaux alarmants de métaux lourds dans les sols des anciennes usines, notamment à Legré-Mante et dans les crassiers. Des substances comme l’arsenic, le plomb et le nickel dépassent largement les seuils acceptables.
Malgré une reconnaissance tardive de la gravité des faits, la responsabilité de la Ville de Marseille et de la Métropole a été écartée par la justice, renvoyant l’État seul face à son manque d’actions.
Un calendrier serré pour une dépollution intégrale
L’État est désormais contraint de dépolluer totalement les zones touchées d’ici 2028, avec une première échéance fixée au 30 juin 2028 pour les secteurs prioritaires entre le Mont Rose et Callelongue. Cette obligation vise à éliminer durablement les pollutions des anciens sites industriels, classés zones Natura 2000 et ZNIEFF pour leur richesse écologique.
Concernant Legré-Mante, le tribunal impose un délai plus court de dix mois. L’État devra contraindre la société Ginko à sécuriser la zone, faute de quoi les travaux seront réalisés d’office par les autorités. Un processus inédit dans une affaire environnementale de cette ampleur.
Les riverains partiellement entendus
Si les associations se satisfont de cette victoire environnementale, les riverains n’ont pas obtenu gain de cause sur le volet sanitaire. Leur demande de reconnaissance d’un préjudice moral lié à l’exposition aux polluants a été rejetée. « Une incohérence regrettable », selon les avocats, alors que l’impact environnemental et la présence de substances cancérogènes sont indéniables.
La décision du tribunal administratif ouvre la voie à des recours similaires pour d’autres friches industrielles laissées à l’abandon. Pour les associations environnementales, cette condamnation est avant tout une victoire symbolique : elle rappelle l’obligation pour l’administration d’assumer ses responsabilités face aux atteintes à l’environnement.
« C’est une première en France. L’État ne peut plus détourner le regard face aux pollutions historiques et à leurs conséquences sur les populations », ont déclaré les avocats Maîtres Andreu et Tizot.
Les prochaines étapes
Les premières opérations de sécurisation des sites doivent débuter dès septembre 2025, avec une coordination entre l’État et les acteurs locaux pour garantir la réussite des travaux. Les associations promettent, quant à elles, de maintenir la pression pour que les engagements soient respectés.
Le jugement rappelle, s’il le fallait, que le temps de l’impunité est révolu. Pour les calanques sud de Marseille, cette condamnation est un pas décisif vers la réhabilitation d’un patrimoine naturel défiguré par des décennies d’inaction.