Décarbonation, réindustrialisation, énergies renouvelables… la feuille de route industrielle pour Fos-Étang de Berre a été présentée au Conseil de la Métropole comme une promesse de transformation. Mais derrière les grands objectifs, les élus locaux, à commencer par René Raimondi, ont rappelé la réalité d’un territoire qui attend toujours des résultats concrets.
Hydrogène vert, éolien offshore, fermes photovoltaïques… Adoptée ce 5 décembre au Conseil métropolitain, la feuille de route industrielle pour Fos-Étang de Berre affiche un objectif clair : faire de ce territoire le cœur industriel vert de la Méditerranée, un modèle d’industrie décarbonée, en ligne avec les objectifs de neutralité carbone fixés pour 2050.
Le document prévoit notamment de réduire de 55 % les émissions de CO2 de la métropole d’ici 2030 grâce à des projets comme Masshylia (hydrogène vert) et Néocarb (décarbonation industrielle), tout en créant 10 000 emplois directs. « Une avancée historique », s’est réjoui Gaby Charroux, maire (PCF) de Martigues, pour un territoire trop souvent relégué au second plan, malgré son poids économique régional. Si l’ambition affichée suscite de l’espoir, elle laisse aussi entrevoir des défis considérables.
L’urgence de décarboner un territoire polluant
L’urgence de réduire l’impact environnemental de la zone industrielle de Fos-Étang de Berre, responsable de 10 millions de tonnes d’émissions de CO2 par an (55 % des émissions de la métropole et 20 % des émissions industrielles nationales), a été mise en avant par Sébastien Barles, élu écologiste de l’opposition.
« Nous détenons ce triste record avec Dunkerque », a-t-il rappelé avec gravité. Mais au-delà des chiffres, l’adjoint au maire de Marseille a plaidé pour un changement de paradigme : « La gigafactory ou méga-usine ne peut donc être le seul modèle d’une réindustrialisation réussie. Si elle peut s’avérer pertinente pour des systèmes de production ayant besoin d’outils volumineux comme les semi-conducteurs, les alternatives de production en circuit court, des modèles de manufacture ou des micro-usines doivent aussi être explorés. »
L’élu écologiste a également souligné l’importance de préserver les espaces naturels dans cette transition, en citant la Camargue et la Crau comme des zones particulièrement menacées. Et pour enrichir la réflexion locale, Barles a proposé d’organiser un voyage d’études à Dunkerque « pour voir ce qui a été fait là -bas ».
René Raimondi : « Venez visiter Fos déjà ! »
René Raimondi, maire (DVG) de Fos-sur-Mer, n’a pas tardé à répondre à cette suggestion avec un soupçon d’ironie : « Venez visiter Fos déjà . Ayez la connaissance de ce territoire à l’ouest ». Et d’inviter les élus métropolitains à sortir des schémas abstraits pour venir constater, sur place, la réalité du terrain en proposant un séminaire local pour confronter les responsables aux attentes concrètes des habitants.
Cette « réserve indienne », comme il la surnomme, incarne à ses yeux l’abandon institutionnel d’un territoire épuisé. « Depuis vingt ans, les habitants réclament des infrastructures, et depuis vingt ans, rien n’a été fait », a-t-il déploré.
Avec 7 500 hectares consacrés à l’industrie sur les 9 000 que compte la commune, Fos est un colosse industriel, mais sur des jambes de bois. Pas de contournement routier, pas d’infrastructures adaptées et des habitants qui peinent encore à voir les bénéfices d’un modèle imposé depuis des décennies.
Mais le maire ne s’est pas arrêté là , pointant du doigt le manque d’engagement lors de dossiers majeurs : « Au lancement de Néocarb, personne. Lors de la concertation sur le raccordement des éoliennes en mer, seuls huit élus de Fos étaient là ».
Les infrastructures comme condition du succès
« Infrastructures routières, ferroviaires, fluviales, portuaires… tout doit être pensé pour accompagner ces transformations », plaide également Gaby Charroux, insistant sur la nécessité d’investir massivement pour garantir le succès des projets.
Autre enjeu soulevé : le risque de retomber dans les travers du passé. « Trop souvent, des querelles entre élus ont bloqué des projets. Aujourd’hui, nous avons enfin une vision commune. Mais il faut veiller à la maintenir », a averti François Bernardini (centre), maire d’Istres.
Le succès de cette transition repose aussi sur l’anticipation des besoins en compétences. Isabelle Campagnola-Savon a insisté sur ce point, tout en rappelant les efforts de collaboration engagés avec la Région et les acteurs économiques. « Les programmes de formation seront adaptés aux nouvelles filières industrielles, tandis que des milliards d’euros d’investissements publics et privés sont attendus pour concrétiser ces ambitions », a souligné la présidente Commission entreprises et membre commission industrie de la Région Sud.
Si la feuille de route industrielle pour Fos-Étang de Berre affiche des ambitions à la hauteur des défis environnementaux et économiques, son succès dépendra de sa capacité à répondre aux besoins concrets du territoire. Des infrastructures aux logements, en passant par la formation et la gouvernance… « On est sur un bon chemin. Mais le temps des discours est terminé. Les habitants veulent des actes. Et vite », a insisté René Raimondi.