Trois pilotes marseillais sauvent un capitaine en détresse

En pleine tempête, trois pilotes marseillais sauvent le capitaine d’un paquebot en détresse, victime d’un malaise cardiaque. Une intervention héroïque saluée par le président de la Région.

Vendredi 6 décembre, 19 heures. Le Costa Fascinosa, géant des mers de la compagnie italienne Costa Croisières, fend les vagues en direction de Barcelone. À son bord, 2 500 passagers et, sur la passerelle, une urgence. Le commandant s’effondre, foudroyé par un malaise cardiaque.

À Marseille, le mistral hurle. Rafales à 100 km/h, houle de trois mètres. Pas d’hélicoptère en vue. La capitainerie alerte le CROSS Med. Une mission de sauvetage s’organise en pleine tempête. Trois hommes répondent présent : Jean-François Suhas, Stéphane Rivier et Nicolas Petit, pilotes maritimes aguerris. Direction la pilotine Gracieuse, à l’assaut des éléments.

Une situation inédite et imprévue

« Ce qui nous est arrivé là, on ne l’avait jamais imaginé, même pas en simulation », confie Jean-François Suhas au Méridional. Bien qu’habitués à gérer des situations complexes en mer, les pilotes de Marseille-Fos ne sont pas spécifiquement formés pour intervenir en pleine tempête sur un paquebot dont le commandant est en détresse.

« Lorsque j’ai appris qu’il s’agissait du commandant, tout a changé », raconte-t-il. Sans son commandant, la gestion et la coordination du navire de 290 mètres dans des conditions extrêmes devenaient plus complexes. « Transférer un capitaine en fauteuil médicalisé, par 50 nœuds de vent et trois mètres de houle, c’est hors normes », poursuit-il.

Cette mission imposait d’improviser rapidement un plan d’action, tout en s’adaptant aux conditions extrêmes. « Nous avons établi une stratégie en trois volets : stabiliser le navire, coordonner l’intervention médicale et assurer le transfert en toute sécurité. »

Une manœuvre millimétrée

À bord du Costa Fascinosa, les pilotes identifient la zone de l’Estaque comme point de mouillage idéal, suffisamment proche de la passe nord pour éviter toute perte de temps. Le navire est stabilisé grâce à un ajustement constant des propulseurs avant et arrière. La coordination entre la passerelle et la pilotine est essentielle. Stéphane Rivier prend la manœuvre en main à la passerelle, assisté du second capitaine.

Pendant ce temps, Nicolas Petit reste à bord de la pilotine pour préparer l’arrivée de l’équipe médicale d’urgence du Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille (BMPM). Composée de quatre personnes, dont un médecin et un infirmier, elle est équipée de matériel d’urgence, notamment un électrocardiogramme mobile et des perfusions.

Une évacuation sous haute tension

À 20h30, la pilotine Gracieuse se glisse contre le paquebot. Chaque geste est calculé au millimètre pour affronter les secousses brutales des vagues. Jean-François Suhas et Nicolas Petit prennent en charge le capitaine, installé dans un fauteuil médicalisé bardé de perfusions et d’électrodes. « Nous avons dû porter le capitaine à mains nues jusqu’au cockpit de la pilotine, où l’équipe médicale l’a pris en charge. »

À 20h30, la pilotine Gracieuse est amarrée au sabord tribord du paquebot, une plateforme utilisée pour les opérations de transfert en mer. La manœuvre est périlleuse : la houle et les vents violents menacent de déséquilibrer l’embarcation à chaque instant.

La descente vers la pilotine, sous la houle et les vents violents, est une épreuve. En moins de 45 minutes, le capitaine est en sécurité, transféré dans une ambulance en direction de l’hôpital. Le Costa Fascinosa reprend sa route à 22h, sous la conduite de son second capitaine, et poursuit son voyage vers la Guadeloupe. Les passagers, bien au chaud dans leurs cabines, n’auront jamais su qu’ils frôlaient la catastrophe.

Le capitaine, lui, reste hospitalisé. « Il a subi deux opérations et ne peut pas encore voyager. Nous espérions aller le voir aujourd’hui (vendredi 13 décembre), mais son état reste préoccupant », confie, inquiet, Jean-François Suhas.

Ce vendredi, à l’issue de la séance plénière de la Région Sud, Jean-François Suhas, Stéphane Rivier et Nicolas Petit ont été décorés de la médaille d’argent de la Région pour leur action héroïque. Une distinction qui salue leur bravoure face à des conditions extrêmes et leur dévouement au service de la sécurité maritime.