Hyrox – Alan Cao, la force au service de l’endurance

Sur son lieu d'entraînement, Alan Cao conserve les bannières de ses podiums en Hyrox. Et pose, "en mode Rafa" (Nadal), avec sa médaille de champion du monde de Hyrox. Photo B.G.

Formé au Tennis Club Saint-Julien, le Marseillais Alan Cao (31 ans) est champion du monde de Hyrox. Cette nouvelle discipline qui mêle force et endurance fait fureur actuellement. Elle débarque à Marseille les 7 et 8 décembre, au Parc Chanot. Portrait. 

Dans les allées ensoleillées du Tennis Club Saint-Julien (12e arrondissement), les enfants se croisent gaiement. Une fois sur les courts, ils enchaînent coups droits, revers, services. Chaque mercredi matin, raquette en main, ces minots hauts comme trois pommes apprennent les rudiments de la petite balle jaune, dans un calme studieux. 

Parfois, ils aperçoivent un sportif pas comme les autres. Voici Alan Cao. Au premier coup d’oeil, celui-ci provoque des réactions émerveillées – et amusantes – des gamins : « Il a des bras comme Dragon Ball Z », a-t-on entendu. Comprenez : sa musculature saute aux yeux. 

Tout au bout des courts de tennis, sur lesquels il a sué dès son plus jeune âge sous la coupe de son entraîneur de père Gaby, Alan Cao s’entraîne quotidiennement dans une tout autre ambiance. Il pousse, tire, soulève de la fonte, court, saute en l’air ou fait du SkiErg, une machine qui reproduit le mouvement des bras de ski de fond indoor. Ça souffle, ça transpire, ça grimace. A raison de deux séances quotidiennes. 

Un entraînement fonctionnel, utile pour la vie de tous les jours

Les muscles, tous les muscles, travaillent, se dessinent. Sous le soleil, encore. Avec le sourire, immuable. « Je me suis toujours entraîné de manière fonctionnelle pour faire en sorte qu’il y ait un transfert dans la vie de tous les jours », fait remarquer l’ancien tennisman (classé -2 à 18 ans) qui avait disputé quelques matches de tournoi Futures au début des années 2010. Sa trajectoire fut stoppée par une blessure au poignet à la majorité, modifiant irrémédiablement son revers, peu après que sa maman soit emportée par la maladie. 

Ce matin-là, il avait au programme une séance d’intervalles sur tapis de course. Seize répétitions de 400 mètres à 3’18″ du km, soit plus de 18 km/h. Les connaisseurs apprécieront… « Pourtant, je n’ai jamais fait de sport d’endurance », explique celui que l’on peut parfois croiser au canal de Saint-Julien en courant. 

S’il a sans cesse voulu être athlétique et « looker bien », en faisant « beaucoup de muscu » et de sports de combat, le jeune trentenaire ne s’astreint pas un tel programme uniquement pour le plaisir, bien qu’il en prenne : coach sportif dès 2016, il est aussi devenu officiellement champion du monde de Hyrox, dans sa catégorie d’âge (30-34 ans), depuis le mois de juin. 

8 kilomètres de course, 8 stations

Hyrox, kézako ? Mélange de fitness, de crossfit et de running, cette nouvelle discipline à la mode combine de la course à pied (1 km) et des exercices standardisés, le tout répété huit fois.

Les exercices, conçus comme des « stations d’entraînement fonctionnel », sont divers et complets : 1000 m de SkiErg, sled push puis sled pull (traineau lesté, à pousser puis à tirer), des burpees corsées avec un saut, du rameur, des portées à bout de bras, des fentes avec du poids sur les épaules. Et le clou du spectacle, le wall ball, qui consiste à faire un squat puis à lancer un ballon de 6 ou 9 kg à 3 mètres de haut ! 

Les travaux d’Hercule des temps modernes… Durée moyenne mise par les professionnels : 1 heure. Il s’agit d’ailleurs du temps exact, à la seconde près, qu’Alan Cao a mis pour décrocher son sacre mondial.

C’était en juin dernier, quinze mois seulement après avoir disputé sa toute première compétition du genre (à Barcelone, en mars 2023). A l’Acropolis, devant ses proches qui n’avaient pas hésité à sortir une pancarte « Alan mets les KO », il avait suivi leur conseil à la lettre.

Pourtant, l’affaire semblait mal embarquée : « Je ne m’attendais pas du tout à gagner. Une semaine avant, j’étais malade, cloué au lit, j’ai remis ma vie en questions. Je m’étais entraîné pendant des mois et je craignais que tout soit foutu en l’air »

Même si d’autres avaient établi des performances plus rapides que lui auparavant, le Marseillais ne s’en laissait pas compter. « Le temps brut ne veut rien dire, il y a des courses plus rapides que d’autres. Il faut être prêt le jour J », explique-t-il, ajoutant : « Je ne suis jamais aussi dangereux que lorsque je ne suis pas favori. J’aime bien que l’attention ne soit pas sur moi »

Nice, sa « bonne étoile » et l’émotion de son père

Arrivé sur la dernière station avec 25 répétions de wall ball de retard (sur 100, soit un quart), Cao a pu compter sur sa « bonne étoile » pour retourner une situation mal embarquée. Et terminer premier. « C’est un de mes plus beaux moments de sport, se souvient-il. Mon père ne me l’a pas dit, mais je sais qu’il était ému. C’était incroyable. »

Torse nu parcouru d’un puma (l’un de ses sponsors), muscles proéminents, il frappait un grand coup. Un bonheur partagé avec son épouse Solène, elle aussi de Saint-Julien, et leur fille Emma. 

Membre et coach sportif du TC Saint-Julien, Cao compte plusieurs victoires en Hyrox (Paris deux fois, Malaga notamment). Il est aujourd’hui considéré comme un pionnier de la discipline, un statut qu’il refuse d’endosser. « Le vrai pionnier en France, c’est Joffrey Voisin, explique le Marseillais. C’est un exemple, il a 43 ans, est Elite 15, a gagné toutes les courses. C’est un exemple pour moi, notamment sur sa longévité. C’est grâce à lui que je m’y suis mis. » 

Destination Melbourne pour se qualifier au championnat du monde en double

Voisin est attendu ce week-end à Marseille pour la première compétition de Hyrox (*). A son « plus grand regret », Alan Cao ne concourra pas dans sa ville : il s’envole dimanche direction l’Australie pour un événement ”encore plus grand”, à savoir l’Hyrox de Melbourne (14 et 15 décembre) en double avec Thomas Fry pour tenter de décrocher leur billet pour les championnats du monde 2025. Objectif : terminer dans le top 15. 

« Je pense que nous sommes outsiders, ça se jouera à pas grand-chose, sur la forme du moment, détaille Cao. On sait qu’il fera chaud. En arrivant plusieurs jours avant sur place, on met toutes les chances de notre côté. Thomas est quelqu’un d’hyper sérieux ; pendant une semaine, on va manger du riz, du poulet, dormir et s’entraîner. » 

« L’Hyrox est accessible, tout le monde peut en faire »

Le duo croit en ses chances : pour leur première apparition, ils ont établi le record de France du double (54’32″), à Paris, le mois dernier. « C’est fou, je vais en Australie pour une compétition sportive, remarque Alan Cao. Il y a quelques années, je me serais vu jouer les qualifications de l’Open d’Australie de tennis. Finalement, j’y vais pour autre chose. Ce n’est pas plus mal car je ne pense pas que j’aurais réussi (en tennis). Quelque part, j’étais plus fait pour le sport performance, physique, que pour le sport technique. Je n’étais pas un grand technicien en sports de combat, par contre si je te mets la main, tu ne sors plus, juste du fait de ma force physique. » 

Déjà bien tanqué, comme on dit dans le Sud, le Marseillais voudrait prendre davantage de masse (1,80, 81,5 kg) pour correspondre encore plus aux standards de l’athlète « hybride » mis en exergue par Hyrox, à la fois fort et endurant.

Sans oublier que le mental joue un rôle prépondérant. « Sans parler des élites, l’Hyrox est accessible, tout le monde peut en faire, si tu aimes un peu la course à pied, le renforcement musculaire », coupe Alan Cao, qui établi un parallèle entre le tennis et son dérivé à la mode, le padel : « On peut aussi pratiquer en relais, par quatre, en double ou en double mixte… »

« On va essayer d’aller un peu plus loin »

Surfant sur son nom et son image, le Marseillais a attiré quelques sponsors et développé le coaching à distance, s’appuyant sur une base de 30 élèves, tout en continuant à prodiguer ses conseils en présentiel à Marseille.

« Assez neuf » (il pratique depuis dix-huit mois), il est conscient d’avoir « pris le bon wagon au bon moment », aux prémices. Mercredi dernier, il a lancé sa chaîne Youtube, à son nom, sur laquelle il raconte de l’intérieur son voyage à Melbourne durant ces prochains jours. « L’ascension a été fulgurante, constate-t-il. Il y a une part de talent, mais j’ai eu beaucoup de réussite aussi. Les étoiles se sont bien alignées. L’histoire est belle, on va essayer d’aller un peu plus loin. » 

Benoît GILLES 

* Après Paris et Nice, le phénomène Hyrox va s’emparer de Marseille. Samedi 7 et dimanche 8 décembre, le parc Chanot (Palais phocéen) verra plus de 2000 participants concourir sur les différentes catégories : Pro, doubles Pro, doubles, doubles mixtes, Open, relais.
Les horaires. Samedi : courses de 8h à 20h30. Dimanche : de 8h à 19h25.
Six salles sont officiellement répertoriées Hyrox à Marseille. Pour trouver le training club le plus proche de chez vous, c’est ici.