À l’heure où Marseille s’impose comme une capitale méditerranéenne de premier plan, la gare Saint-Charles va s’offrir une nouvelle jeunesse avec les Halles de Saint-Charles. Ce projet d’extension s’inscrit dans l’ambitieux chantier de la Ligne Nouvelle Provence-Côte d’Azur (LNPCA), visant à transformer durablement la mobilité régionale.
Marseille veut en finir avec les butoirs. Dans quelques mois, la gare Saint-Charles va plonger dans un chantier titanesque qui promet de réécrire l’histoire ferroviaire française.
Sous ses halles centenaires, à 25 mètres sous terre, une nouvelle gare va voir le jour, connectée par un tunnel de huit kilomètres creusé dans les entrailles de la cité phocéenne. En surface, Saint-Charles continuera d’imposer son allure, mais en 2035, si tout va bien, elle ne sera plus uniquement un terminus. Elle deviendra un carrefour.
Ce projet, baptisé les Halles de Saint-Charles, s’inscrit dans le cadre de la création de Ligne Nouvelle Provence-Côte d’Azur (LNPCA), un plan à 3,6 milliards d’euros qui ambitionne de relier Marseille à Nice, tout en désengorgeant un réseau ferroviaire saturé. « Nous faisons sauter le bouchon ferroviaire de la gare actuelle », martèle Renaud Muselier, président de la Région Sud.
À la clé : une augmentation de 66 % de la capacité des trains, des trajets allégés de 20 minutes et une gare transformée en véritable pôle multimodal, ouvert sur tous les quartiers alentour.
Le pari est énorme : huit ans de travaux, deux millions de mètres cubes de roche excavés, quatre quais souterrains capables d’accueillir des rames doubles de TGV, et une capacité d’accueil passant de 15 à 23 millions de voyageurs par an. « Avec ce projet, Marseille devient un véritable carrefour entre Paris, Nice, l’Espagne et l’Italie », s’enthousiasme Jacques Paulet, directeur de l’Agence Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur.
Des entrailles à creuser et des défis techniques à relever
Creuser sous une gare construite en 1848, sur un éperon rocheux à six mètres au-dessus de la ville, n’a rien d’aisé. Plus de deux millions de mètres cubes de terre et de roche seront extraits, dont 500 000 m³ pour la seule gare souterraine, un volume équivalent à celui d’un grand porte-conteneurs. « C’est bien plus grand que ce que nous avons réalisé pour le Grand Paris », explique Anthony Roy, directeur du projet.
L’enjeu est technique, mais aussi logistique. Pour minimiser les nuisances, les déblais seront évacués par rail plutôt que par route. Une prouesse technique indispensable pour éviter que le chantier ne devienne un enfer logistique pour les Marseillais.
Une gare qui réconcilie passé et futur
Sur le plan architectural, le projet des Halles de Saint-Charles, conçu par l’agence Atelier Roberta et AREP (filiale de SNCF Gares & Connexions), ambitionne de faire cohabiter modernité et patrimoine. L’objectif est clair : prolonger la gare historique tout en la connectant à la ville et à ses quartiers environnants. « Nous avons voulu conserver le vocabulaire ferroviaire des halles, mais dans une écriture contemporaine », nous explique Mélanie Doremus (AREP).
La gare émergera dans le prolongement du bâtiment actuel, avec une structure de plus de 100 mètres en continuité esthétique avec l’existant. Ce périmètre de huit hectares sera repensé pour accueillir de nouveaux espaces urbains. « Nous avons travaillé sur une articulation entre le bâti et le paysage dès l’origine du projet. Il ne s’agit pas de simplement planter des arbres après coup », détaille l’architecte. Le tracé des espaces publics, pensé autour du vide, vise à intégrer harmonieusement les flux voyageurs et les nouvelles infrastructures.
La gare Saint-Charles, perchée sur son rocher depuis 1848, est déjà un « bâtiment-paysage », selon la paysagiste du projet, Chloé Sanson (Atelier Roberta). Mais ce statut va s’amplifier : une promenade des panoramas reliera les différents niveaux de la gare, connectant Belle de Mai, Chapitre et Saint-Charles. « Nous voulions ouvrir la citadelle sur la ville, transformer ce promontoire en un lieu vivant et accessible », souligne-t-elle.
Face aux défis du réchauffement climatique, le projet intègre 4 300 m² d’espaces verts, dont le Jardin des Vents et le parvis Voltaire. Ces espaces offriront des îlots de fraîcheur, grâce à une végétation adaptée au climat méditerranéen. « L’idée est de créer des parcours protégés du mistral et des fortes chaleurs », poursuit la paysagiste.
Des ombrières bioclimatiques et des panneaux photovoltaïques viendront compléter ce dispositif écologique. Le tout permettra de conjuguer confort des usagers et respect de l’environnement.
Une ouverture totale sur la ville
La transformation de Saint-Charles dépasse largement le cadre ferroviaire. Longtemps suspendue à son mur naturel, « désormais, ce mur va disparaître au profit d’une gare ouverte à 360° », s’enthousiasme Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence.
Cette métamorphose sera renforcée par le tramway reliant Belle de Mai, qui viendra positionner Saint-Charles comme un véritable pôle multimodal.
Des passages piétons, la réhabilitation de souterrains existants et un couloir sous le square Narvik faciliteront les déplacements entre la gare historique et sa nouvelle structure souterraine. Des commerces viendront compléter cette transformation, faisant de ce lieu un véritable espace de vie intégré au tissu urbain.
Du TER au TGV, des trains pour tous
Ce nouvel équipement ne profitera pas qu’aux lignes à grande vitesse. Les TER bénéficieront de la libération des quais en surface, permettant un cadencement renforcé : toutes les 15 minutes vers l’ouest et jusqu’à toutes les 10 minutes vers Toulon.
Les trains de nuit, comme le Paris-Nice, pourront enfin s’arrêter directement à Saint-Charles, évitant l’actuel détour par Blancarde. Les lignes internationales, reliant notamment l’Espagne et l’Italie, trouveront également ici une plateforme centrale pour leurs interconnexions.
En surface, ces aménagements profiteront aussi aux usagers de la ville, avec des espaces dédiés aux commerces et une meilleure fluidité entre les différents halls de la gare. Saint-Charles ne sera plus seulement un carrefour ferroviaire, mais un point d’ancrage dans le quotidien des Marseillais.
Une facture pharaonique à partager
Avec un coût total estimé à 3,6 milliards d’euros, ce projet est financé à 40 % par l’État, 40 % par les collectivités et 20 % par l’Union européenne.
Près de 2,2 milliards d’euros seront consacrés à la gare souterraine et au tunnel, le reste servant à réaménager les voies de surface et à moderniser les infrastructures TER.
Les premiers travaux, liés au réseau TER, commenceront en 2025, tandis que la construction de la gare débutera en 2027 pour une livraison en 2035.