Le centre-ville de Marseille traverse une période de mutation. La CCI Aix-Marseille-Provence a dévoilé une étude sur la dynamique commerciale entre 2021 et 2023. Une analyse qui révèle des disparités profondes.
Le centre-ville de Marseille traverse une période de mutation. La CCI métropolitaine Aix-Marseille-Provence a révélé les résultats d’une étude menée entre 2021 et 2023.
Cette analyse, basée sur les données de plus de 200 commerçants et des indicateurs clés, met en lumière des disparités profondes : des zones historiques en difficulté, des axes en pleine transformation et quelques secteurs qui affichent une belle résilience.
Des vitrines historiques à réinventer
Les axes commerciaux emblématiques de Marseille, comme les rues de Rome, Saint-Ferréol, République ou la Canebière, montrent des signes de fragilité. Si ces zones restent incontournables, elles peinent à s’adapter aux nouveaux enjeux, avec une baisse continue de leur attractivité.
La rue de Rome illustre bien les défis du centre-ville. Divisée en deux segments, elle présente des contrastes marqués : la partie basse, reliant la Canebière à la Préfecture, souffre d’un taux de vacance élevé et d’une offre vieillissante.
À l’opposé, la partie haute, vers Castellane, montre une relative stabilité grâce à une mixité commerciale et à une présence accrue de services de proximité. Ces disparités reflètent les difficultés des grandes artères historiques à s’adapter à un contexte économique et social en pleine mutation.
La Canebière, vitrine symbolique de Marseille, peine également à retrouver son éclat d’antan. Les locaux vacants s’y multiplient, et le renouvellement de l’offre reste insuffisant pour répondre aux attentes d’une clientèle en évolution.
Ce déclin fragilise davantage une zone déjà marquée par des tensions sociales et économiques.
Autrefois cœur battant du commerce phocéen, la rue Saint-Ferréol n’échappe pas à la règle. Les boutiques ferment, et la fréquentation diminue, accentuant la nécessité d’une requalification en profondeur pour relancer cet axe stratégique.
Le Vieux-Port, un pilier fragile mais stratégique
Le périmètre du Vieux-Port continue de jouer un rôle clé dans l’économie locale. Le taux de vacance a diminué, passant à 11 % (contre 13 % en 2019), témoignant d’une légère amélioration.
Les cafés et restaurants, qui occupent 65 % des locaux, restent le moteur principal de cette zone animée par le tourisme et la convivialité. Cependant, ce dynamisme cache une instabilité structurelle, notamment sur le Quai du Port, où le turnover des enseignes est particulièrement élevé.
Les cafés et restaurants, moteurs d’une reprise inégale
Le secteur de la restauration, moteur de l’attractivité marseillaise, confirme sa reprise post-Covid. Avec plus de 130 transactions enregistrées sur la période étudiée, et une année record en 2022, cette activité joue un rôle clé dans le renouveau du centre-ville.
Les établissements situés dans des secteurs stratégiques comme le Vieux-Port, mais aussi la rue de la République et le Cours d’Estienne d’Orves, bénéficient de cet élan.
Néanmoins, la tendance générale reste marquée par une baisse des valeurs locatives et des fonds de commerce, freinant l’installation de nouvelles enseignes.
Seules certaines zones, comme la rue de la République et le Cours d’Estienne d’Orves, affichent une stabilité des prix, témoignant d’un potentiel encore à exploiter.
Rue de la République, un potentiel à révéler
Reliant le Vieux-Port à la Joliette, la rue de la République bénéficie d’un emplacement stratégique. Son architecture haussmannienne et ses locaux spacieux en font un cadre attrayant, mais les loyers élevés freinent parfois l’installation de nouvelles enseignes.
Bien que stable sur le papier, cette artère peine à exploiter tout son potentiel, restant dans l’ombre des zones touristiques voisines. Pourtant, avec des valeurs locatives stables et une position centrale, elle pourrait devenir un levier essentiel pour le renouveau du centre-ville.
Paradis et Opéra, des zones qui se démarquent
En revanche, certaines zones tirent leur épingle du jeu. Avec ses boutiques haut de gamme et un taux de vacance de seulement 6 %, la rue Paradis consolide sa position comme l’un des axes les plus dynamiques du centre-ville, attirant une clientèle exigeante et fidèle.
Le quartier de l’Opéra est un autre exemple de renouveau urbain. Piétonnisé depuis 2019, ce secteur a bénéficié d’aménagements qui ont transformé les rues Molière, Corneille et Saint-Saëns en espaces plus accueillants.
La requalification a renforcé son attractivité, attirant une clientèle diversifiée et favorisant l’implantation de nouveaux commerces. Les commerçants de l’Opéra, portés par ces transformations, signalent des chiffres d’affaires en hausse, contrastant avec le marasme ambiant.
Commerçants préoccupés et évolution des modes de consommation
L’étude met également en lumière un sentiment d’inquiétude largement partagé par les commerçants. Plus de la moitié des répondants (52 %) déclarent une baisse de chiffre d’affaires pouvant aller jusqu’à -30 %.
Les causes sont multiples : les grèves et violences urbaines (mentionnées par 72 % des commerçants) ont perturbé l’activité, le stationnement (55 %) compliqué décourage les visiteurs, et l’essor du e-commerce modifie les habitudes de consommation.
En parallèle, l’évolution des modes de consommation, marquée par le télétravail et la montée en puissance du e-commerce, impacte directement la fréquentation des boutiques physiques.
Les périodes traditionnelles de soldes, autrefois des temps forts pour les commerces, perdent progressivement de leur attrait. En revanche, les animations ponctuelles, telles que les braderies et les événements touristiques, continuent de drainer des flux importants, démontrant l’importance de ces rendez-vous pour revitaliser le centre-ville
Si le centre-ville de Marseille retrouve quelques couleurs le samedi, porté par une hausse de fréquentation, les défis restent nombreux. Entre fragilités persistantes et poches de dynamisme, l’avenir de cette vitrine commerciale marseillaise semble suspendu à des choix stratégiques et à la capacité des acteurs locaux à inverser durablement la tendance.
N.K.